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Le Rhône en 100 questions : 3-02 Que reste-t-il des aménagements du XIXe siècle ?

De Wikibardig
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Cette page fait partie du deuxième chapitre: "Le fonctionnement du fleuve", de l'ouvrage '"Le Rhône en 100 questions'", une initiative de la ZABR avec l'appui de toute l'équipe du Graie et soutenue par les instances qui ont en charge la gestion du fleuve.











Les objectifs des travaux réalisés dans le lit du Rhône


Ces travaux, qualifiés « d’aménagements à courant libre », avaient pour but d’augmenter le nombre de jours où la navigation était possible, le débit étant trop « maigre » au mois de septembre.
Vers 1845, le resserrement du fleuve est réalisé au moyen de digues longitudinales, trop rectilignes, trop espacées, entre lesquelles serpentait le chenal de navigation (programmes Kleitz et Tavernier) ; cette technique est abandonnée vers 1855.
Un nouveau principe de resserrement est alors promu par l’ingénieur O’Brien : jusqu’en 1876, il fait construire des digues submersibles dans les concavités et fait barrer les bras secondaires pour commencer à calibrer le fleuve. Cette technique ne pouvant empêcher le déplacement des hauts fonds pendant les crues, on commence à travailler sur le fond du chenal lui-même. Sa stabilisation est imaginée par l’ingénieur Jacquet qui introduit les « épis noyés » et les « épis plongeants » : les mouilles (zone creuse du lit) se comblent et les seuils s’abaissent progressivement.

le trace du talweg
Le tracé en marron est celui du talweg (la ligne des points les plus bas) d’un « mauvais passage ». Les épis ont pour objectif de parvenir à un tracé plus favorable au passage des bateaux. En concentrant les écoulements sur un axe donné, ils favorisent le creusement du lit et son uniformisation, augmentant ainsi le tirant d’eau et la stabilité du chenal navigable.

Le dispositif définitif d’amélioration des « mauvais passages » est conçu en 1883 par l’ingénieur H. Girardon :

  •  le lit mineur est systématiquement reconstruit dans les passages difficiles à l’aide d’épis et de seuils de fond ;
  •  des digues basses tenues par des « tenons » et des « traverses » laissent passer les crues dans les anciens chenaux et les «casiers » qui se remblaient progressivement tandis que le débit qui y transite, jugé inutile, se réduit.
les epis girardon de l ile mauge
les epis girardon en sens inverse
  • Les épis Girardon mis en place sur la rive gauche du Rhône (Ile Mauge) en aval du viaduc ferroviaire de Peyraud. Vers 1910, on voit leur effet sur l’accumulation de galets entre les épis plongeants et les digues basses longitudinales, en même temps que se creuse le lit du fleuve.
  • La photographie est prise en sens inverse à la même époque. Les effets des digues basses qui réduisent l’activité du bras de rive gauche sous Saint-Rambert sont visibles. L’île de la Traverse est colonisée par une saulaie. L’eau se concentre dans le chenal principal.
travaux girardon
travaux girardon
  • À gauche : La digue insubmersible de Malatrait (en noir) protège les terres du lit majeur à l’aval de la confluence du Roubion ; à la fin du XIXe siècle, les travaux de contrôle du lit mineur (en rouge) dessinent le nouveau et étroit chenal de navigation. Noter l’importance des bancs de galets et de sable (en jaune).
  • À droite : Au milieu des années 1950 (avant la réalisation de l’aménagement hydroélectrique par la CNR), le Rhône est réduit au chenal de navigation, les bancs ont quasiment disparu, la forêt (en vert) a colonisé les marges quand elle n’est pas grignotée par les champs (en rose).


Les effets de ces aménagements à courant libre


Ces aménagements ont produit des effets spectaculaires à l’aval de Lyon puisque, entre 1876 et 1930 :

  •  sur les 172 hauts-fonds recensés, ceux gênants (profondeur inférieure à 1,60 m) sont passés de 87 à 4 % ;
  •  la durée de la période de navigation a été sensiblement allongée.

À l’amont de Lyon, l’aménagement, moins bien financé, a été plus sommaire. Ceci explique des impacts moindres, donc le maintien de milieux naturels plus riches.
L’essor de la navigation moderne à l’aval de Lyon a nécessité une maîtrise plus radicale du fleuve, réalisée dans les années 1950 avec les aménagements hydroélectriques de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). Les aménagements « à courant libre » réalisés entre les années 1840 et 1930 ne sont plus utiles aujourd’hui. Ils sont en grande partie sous l’eau des retenues CNR. Les Vieux-Rhône ne sont plus navigués. Dans ces derniers, l’utilité des digues basses est cependant de « tenir » le lit et d’empêcher l’érosion latérale pendant les crues. Elles protègent toujours l’entonnement des ponts, par exemple. Ces aménagements, souvent superposés, forment un corset très rigide qui a des effets négatifs ; ils favorisent la sédimentation de sables et de limons en arrière du chenal, dans des milieux qualifiés de « marges fluviales ». L’eau de crue passe par-dessus les vieilles digues submersibles, est freinée dans la forêt et dépose ses sédiments. Les marges s’exhaussent insensiblement, ce qui contribue à réduire l’espace dévolu au passage des crues et donc à élever leur niveau dans le chenal à débit égal. À moyen et long terme, cette évolution n’est pas tenable.

La solution est probablement de supprimer une partie des digues et des épis anciens pour restaurer un lit plus large et plus adapté au passage des crues. Ce projet doit être compatible avec la défense des lieux habités, des voies de communication et des secteurs de grand intérêt écologique.


Ce qu’il faut retenir


La volonté d’accroître les périodes de navigation a poussé les ingénieurs à inventer des dispositifs qui assurent une profondeur d’eau suffisante dans un chenal de navigation.
Ces travaux ont été réalisés entre 1840 et 1930. Ils sont aujourd’hui sans objet vu les aménagements hydroélectriques réalisés et la chenalisation. Ils conservent toutefois un rôle dans les Vieux-Rhône, parfois néfaste car responsable du relèvement des berges donc de moindres possibilités d’écoulement des crues. Ces ouvrages anciens devraient être supprimés en partie, tâche délicate vu les implantations qui ont pu être réalisées dans ces zones.



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