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Le périphyton comme bio-indicateur pour le suivi des impacts des rejets d’eaux liés aux aménagements sur les milieux

De Wikibardig

Le terme périphyton désigne un assemblage de micro-organismes ayant colonisé la surface de substrats immergés. Ce biofilm est dynamique et connaît donc une évolution temporelle. Les organismes qui le composent sont hétérotrophes et phototrophes, ils peuvent être vivants, sénescents ou morts. L’ensemble de ces organismes est noyé dans une matrice complexe de polysacchariddes. Selon la nature du substrat colonisé, on distingue : L’épiphyton pour le périphyton colonisé sur des végétaux L’épilithon pour le périphyton colonisé sur des supports minéraux grossiers (cailloux, le gravier) L’épipelon pour le périphyton colonisé sur la vase L’épipsammon pour le périphyton colonisé sur le sable

Le travail présenté dans cet article est basé sur l’épilithon.

Wikhydro1.jpg Figure 1 : Coupe transversale schématique d'un biolfilm périphytique (épaisseur 2mm) d'après Laviale, 2008

La littérature montre que le périphyton est classiquement utilisé comme bioindicateur. Un bioindicateur doit remplir certains critères tels que l’ubiquité, l’abondance, un mode de vie sédentaire (intégration des conditions environnementales), un taux de reproduction élevé (intégration rapide des modifications environnementales, appréciation des effets sur plusieurs générations) et la simplicité d’échantillonnage. Le périphyton, possède également des caractéristiques particulières. Il possède ainsi une sensibilité modérée grâce à sa diversité taxonomique. Son niveau d’organisation biologique permet également de travailler sur plusieurs niveaux trophiques en prenant en compte leurs interactions éventuelles.

Le périphyton se trouve donc à la base des chaînes trophiques et constitue un indicateur biologique intéressant. Tout impact sur sa composition ou sur son fonctionnement peut, a priori, altérer les niveaux trophiques supérieurs [1,2,3,4]. La détection rapide d'une perturbation sur le périphyton peut alors permettre de limiter les effets potentiels à plus long terme à des niveaux trophiques supérieurs [5].

Il apparaît que les variables biologiques couramment retenues lors de l’utilisation de périphyton comme bioindicateur sont [5] : La composition taxonomique algale et bactérienne Des paramètres fonctionnels du métabolisme bactérien et algal (activités enzymatiques, …)

A ce jour, les travaux menés portent sur l’évaluation de l’intérêt du périphyton comme bioindicateur notamment pour le suivi de l’impact de pesticides tels que l'atrazine sur les écosystèmes aquatiques. Ainsi, des essais menés en laboratoire ont permis de conclure à la forte toxicité de concentrations élevées d'atrazine pour le périphyton : il a été observé des diminutions de biomasse et de densité algale après des expositions de 14 jours à 100µg/L d'atrazine [6]. Pour des concentrations plus faibles, correspondant à celles présentes dans l’environnement, les effets sont plus ou moins marqués et difficilement interprétables [8]. A titre d’exemple, Nyströùm et al [9] reportent des valeurs de NOEC1[1] comprises entre 9 et 60 µg/L selon l’organisme testé. De plus, selon le bioindicateur considéré, la toxicité de cet herbicide est différente : l’atrazine ne semble pas avoir un effet néfaste sur les diatomées alors que les cyanobactéries s’avèrent sensibles [7]. D’autres herbicides ont également été étudiés et montrent une toxicité notable : l'isoproturon (désherbant pour l’orge et le blé) présente ainsi une CE502[2] comprise entre 0,07 et 6,8 µmol/L sur l’activité photosynthétique [10].

Le périphyton est également un bioindicateur adapté à la mise en évidence des impacts liés aux métaux. On retiendra que, même si les algues et les bactéries présentes dans le périphyton peuvent assimiler des métaux, des effets toxiques ont, toutefois, pu être constatés après exposition. Des études sur les effets sur le périphyton d'eaux de ruissellement pluviales urbaines contenant du zinc à des concentrations comprises entre 0,06 et 200 µmol/L ont montré des effets sur la biomasse du biofilm [11]. Des modifications de la composition taxonomique après 4 semaines d'exposition au zinc ont aussi pu être mis en évidence par Paulsson et al. [12] qui ont observé une diminution de la richesse spécifique des espèces bactérienne et algale à partir de 10 µmol/L de zinc. Belanger et al., ont également constaté une diminution de la richesse taxonomique algale au bout de 28 jours d’exposition à 3.2 µmol/L de cuivre [14]. Les études sur les effets du cadmium sur le périphyton sont, pour leur part, moins nombreuses et présentent des conclusions diverses selon les auteurs. Pour Selby et al., aucun effet négatif après 21 jours d’exposition à 0.19 µmol/L en microcosmes [15] alors qu’une inhibition de la photosynthèse au bout de 24 heures pour une exposition à 0,009 µmol/L a pu être constatée par Hill et al. [16]. Une des hypothèses pouvant expliquer ces différences est la possible tolérance des communautés périphytiques aux métaux. Celles-ci peuvent, en effet, s'adapter génétiquement à des stresses métalliques (apparition d’espèces mutantes). Il peut également s’opérer une sélection des espèces les plus tolérantes qui vont proliférer au détriment d’espèces plus sensibles [13].


Evaluation des effets des rejets liés aux aménagements sur les communautés diatomées du périphyton

Protocole de collecte

La collecte du périphyton peut se faire sur support naturel. Toutefois, en l’absence de supports naturels et afin de réduire la variabilité inter-stations (Amont/Aval), le périphyton peut être collecté sur des substrats artificiels ce qui permet d’obtenir une homogénéité des interactions substrats-biofilms en contrôlant le stade de maturation des biofilms avec une meilleure réactivité.

Identification des communautés diatomées

L’étude des diatomées est réalisée à partir d’un échantillon de périphyton formolé. Celui-ci est minéralisé conformément au protocole décrit dans la norme NF T 90-354 pour la détermination de l’indice biologique diatomées et dont les différentes étapes sont reprises à la figure 2.

Wikhydro2.png Figure 2 : Minéralisation du périphyton et montage sur lame (d’après Chouteau, 2010)

Les préparations peuvent ensuite être observées en immersion, à l'objectif x100 (Leica D2500). Suite à la minéralisation, seules les frustules des diatomées sont visibles au microscope. Analyse des communautés de diatomées

Afin de caractériser le biofilm, les variables biologiques étudiées sur les communautés diatomées de chaque station sont : indice biologique diatomées (IBD) diversité (indice de Shannon-Wiener (1963)) similarité (indice de Jaccard) diagramme rang-fréquence abondance relative des différentes espèces diatomées

Intérêts et perspectives

Les premiers résultats obtenus lors de suivi des impacts de rejets provenant d’aménagements urbains et routiers ont montré que : l’indice IBD classiquement utilisé pour le suivi de la qualité écologique des eaux semble plus adapté au suivi des impacts de type « rejets urbains » que de type « rejets d’infrastructures routières » les indices de diversité ou de composition (similarité) peuvent présenter des évolutions entre stations différentes de celles observées avec l’indice IBD. l’indice de structuration (diagramme rang-fréquence) fournit des informations plus précises sur la structure des peuplements et les relations de dominance entre les espèces. Néanmoins, ces informations ne permettent pas de mettre en évidence des communautés de structure différentes suite à un rejet provenant d’un aménagement urbain ou routier. Les premiers travaux visant à évaluer l’intérêt du périphyton pour le suivi des impacts des rejets liés aux aménagements urbains et routiers ont montré que le suivi de la communauté diatomée des biofilms était plus adapté à la mise en évidence d’impacts liés aux rejets urbains. Concernant les rejets des infrastructures routières, la poursuite des travaux sur le périphyton cherchera à compléter les indices basés sur les communautés diatomées par des indices basés sur le compartiment bactérien [17].


Bibliographie

[1] Lewis M.A., Periphyton photosynthesis as an indicator of effluent toxicity : relationship to effects on animal test species. Aquatic Toxicology. 1992, vol 23, pp. 179-288.

[2] Bothwell M.L. Eutrophication of rivers by nutrients in treated kraft pulpmill effluent. Water Pollut. Res. J. Can., 1992, vol 27, pp. 447-472.

[3] Dubé M.G. et Culp J.M. Growth responses of periphyton and chironomids exposed to biologically treated bleached-kraft pulp mill effluent. Environmental Toxicology and Chemistry, 1996, vol 15, N°11, pp. 2019-2027.

[4] Kosetl J.A., Wang H., St. Amand A.L. et Gray K.A. 1. Use of a novel laboratory stream system to study the ecological impact of PCB exposure in a periphytic biolayer. Wat. Res., 1999, vol 33, N° 18, pp. 3735-3748.

[5] Laurence Volatier, 2004, Réponses d’une communauté périphytique à un effluent complexe: études en bio-essais et en canaux artificiels, Ecole Doctorale de Chimie, Université Lyon I.

[6] Hamala J.A., Kollig H.P.. The effects of atrazine on périphyton communities in controlled laboratory ecosystems. Chemosphere, 1985, vol. 14, issue 9, pp. 1391-1408.

[7] Guasch H., Admiraal W., Blanck H., Ivorra N., Lehmann V., Paulsson M., Real M., Sabater S.Use of lotic périphyton communities as indicator of sensitivity to certain toxicants. In: prygiel J., Whitton B.A., Bukowska J.(eds). 1999, Use of algae for monitoring rivers III, pp. 245-252.

[8] Munoz I., Real M., Guasch H., Navarro E., Sabater S. Effects of atrazine on périphyton under grazing pressure. Aquatic Toxicology, 2001, vol. 55, pp 239-249.

[9] Nyostrom B., Paulsson M., Almagren K., Blanck H. Evaluation of the capacity for development of atrazine tolerance in periphyton from a swedish freshwater site as determined by inhibition of photosynthesis and sulfolipid synthesis. Environmental Toxicology and chemistry, 2000, vol. 19, n°5, pp. 9-22

[10] Dorigo U., Bourrain X., Berard A., Leboulanger C. Seasonal changes in the sensitivity of river macroalgae to atrazine and isoproturon along a contamination gradient. The Science of the Total Environment, 2004, vol. 318, pp. 101-114.

[11] Parent C., 2004. Étude en systèmes artificiels de laboratoire des effets de rejets urbains par temps de pluie sur les communautés périphytiques : influence de facteurs d’exposition. Ecole Doctorale “Ecosystèmes, Evolution, Modélisation, Microbiologie", Université Lyon 1.

[12] Paulsson M., Mansson V., Blanck H. Effects of zinc on the phosphorus availability to periphyton communities from the river Göta Alv. Aquatic Toxicology, 2002, vol. 56, pp. 103-113.

[13] Ivorra N., Hettelaar J., Kraak M. H. S., Sabater S., Admiraal W. Responses of biofilms to combined nutrient and metal exposure. Environmental Toxicology and Chemistry, 2002, vol. 21, n°3, pp. 626-632.

[14] Belanger S. E., Rupe K. L., Lowe R. L., Johnson D., Pan Y. A flow-through laboratory microcosm suitable for assessing effects of surfactants on natural periphyton. Environmental Toxicology and Water Quality, 1996, vol. 11, pp. 65-76.

[15] Selby D. A., Ihnat J. M., Messer J. J. Effects of subacute cadmium exposure on a hardwater mountain stream microcosm. Water Research, 1985, vol. 19, n°5, pp. 645-655.

[16] Hill B. H., Willingham W. T., Parrish L. P., McFarland B. H. Periphyton community responses to elevated metal concentrations in a Rocky Mountain stream. Hydrobiologia, 2000, vol. 428, n°1-3, pp. 161-169.

[17] Chouteau C. Evaluation de l'intérêt des diatomées pour le suivi des impacts des rejets de bassins de traitement des eaux de ruissellement routières, Rapport CETE Nord-Picardie pour le compte du SETRA (Dossier 2010-303 : affaire 47076)


  1. NOEC : concentration de non effet prévisible (concentration d’une substance ne produisant pas d'effet observable sur l’organisme test).
  2. CE50 : concentration d’effet à 50 % (concentration d'une substance pour laquelle on osberve 50 % de l'effet maximal considéré)


Le créateur de cet article est Céline Chouteau
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Contributeurs : Gaspard Hubert et Eric Dron

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