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Vague de froid en févier 2012 en France - le réseau VNF est touché par les glaces

De Wikibardig

Sommaire

Développement des couverts de glace sur les canaux navigables français du réseau VNF

Le réseau des canaux navigables gérés par Voies Navigables de France est réparti en 7 directions territoriales inter-régionales à compter du 01/01/2013, avec des densités et des caractéristiques très variables.
Globalement, ce réseau de canaux est calqué sur les grands axes fluviaux nationaux a été complété par des liaisons transversales assurant des liaisons entre ces grands axes. La dernière en date, la liaison entre la Seine et l’Escaut est un axe de transport stratégique au sein d’une région économique et industrielle hautement développée, qui ouvre un accès sur les ports du Havre, de Rouen, de Dunkerque, de Zeebrugge, d’Anvers et de Rotterdam.
Les régions les plus denses se trouvent dans le grand quart Est de la France, très ouvert sur les réseaux des pays limitrophes que sont la Belgique, l'Allemagne et les Pays Bas. Les canaux sur l'axe Rhône -Saône qui relient la Méditerranée aux canaux du Nord et le canal du Midi qui relie la Méditerranée à l'Atlantique complètent ce dispositif.
Toute l'information concernant ce réseau est disponible sur le site de VNF.

Voies navigables de petit gabarit et de grand gabarit

L'ensemble des voies d'eau du réseau national représente une longueur de quelque 18 000 km. La partie navigable représente 8500 km de voies, dont environ 1900 km (22 %) à grand gabarit accessibles aux convois de 1500 tonnes et plus. La gestion des 6700 km de voies confiées à VNF est assurée par :

  • 17 services (services de navigation et directions départementales de l'équipement) mis à disposition de VNF : environ 6220 km de voies, 90 sites d’écluses à grand gabarit et 1499 sites d’écluses à petit gabarit
  • E.D.F. pour le Rhin : environ 250 km et 8 sites d’écluses
  • C.N.R. (Compagnie Nationale du Rhône) pour le Rhône : concession d’environ 230 km de voies et 23 sites d’écluses

Petit gabarit
Le petit gabarit concerne les voies d'eau qui peuvent recevoir des bateaux de longueur maximale de. 38,50 m, de largeur maximale de 5,05 m et d'un enfoncement de 1,80 à 2,70 m.
Grand gabarit
Le grand gabarit concerne les voies d'eau qui peuvent recevoir des bateaux de longueur maximale de longueur maximale de 135 m, de largeur maximale de 11,45 m, et de masse maximale de 3 500 tonnes.

La vague de froid de février 2012 et ses conséquences sur le réseau géré par VNF

L’Europe vient de connaître en ce début d'année 2012 une vague de froid en provenance d'un anticyclone très puissant sur le nord-ouest de la Russie, qui a apporté de l’air continental très froid et s'est maintenu pendant la première quinzaine de février. Les basses températures ont été à l'origine de formation de glace, provoquant de nombreux arrêts de navigation sur les canaux et rivières navigables. Les rivières allemandes ont été également prises par les glaces, notamment l'Elbe à Hambourg où les brise-glaces ont maintenu un chenal de navigation pour les gros navires qui fréquentaient le port.

La France a également été touchée par cette vague de froid exceptionnelle. En conséquence, et malgré des températures plus proches des normales durant la seconde quinzaine, la température moyennée sur l’Hexagone et l’ensemble du mois a été inférieure de 3.9 °C à la normale. A l’échelle de la France, ce mois de février se positionne au quatrième rang des mois de février les plus froids depuis 1947. Il faut remonter à février 1986 pour trouver un mois de février aussi froid en France. Sur le Sud-Ouest, il se classe au second rang derrière le mémorable mois de février 1956.

evolution de la temperature hiver 2011 2012

Avec la prédominance de conditions anticycloniques, février 2012 a été extrêmement sec. Sur la moitié sud du pays, les cumuls de précipitations représentent généralement moins de 20 % de la normale et sont à peine plus élevés sur la moitié nord. Durant la première quinzaine, ces précipitations se sont principalement produites sous forme de neige. Mais à quelques exceptions près, notamment en Corse, les épaisseurs de neige sont restées assez modestes à basse altitude.

A l’échelle de la France, cet épisode est tout à fait exceptionnel : une telle vague de froid n’avait pas été observée dans le pays depuis janvier 1987. En termes d’intensité globale, il s’agit de la cinquième vague de froid la plus sévère observée depuis 1947 en France. Cette vague de froid qui a duré treize jours se caractérise aussi par sa durée relativement longue. Mais que ce soit en termes de durée ou d’intensité globale, elle reste malgré tout bien loin des vagues de froid historiques de février 1956, janvier/février 1963 et janvier 1985. Elément notable, le pic de froid maximal atteint au cours de cet épisode est resté assez modeste, comparé à ceux de la plupart des vagues de froid antérieures à la fin des années 1980. (source Météo-France).
Il nous a semblé opportun de faire le point sur les conséquences de cet événement sur le réseau français géré par VNF. Pour cela, nous avons exploité les bulletins quotidiens publiés par l'établissement et complété ces données par de nombreuses photos que nous ont fournies les directions régionales de VNF Est et Alsace. Nous avons exclu de notre démarche les autres réseaux gérés par des gestionnaires autres que VNF.

Les deux courbes de températures ci-dessous respectivement à Strasbourg et à Toulouse montrent que les basses températures ont conserné l'ensemble du territoire métropolitain.

courbe de temperature strasbourg fevrier 2012
courbe de temperature toulouse fevrier 2012

La formation de la glace sur les canaux et les rivières

Pendant l'épisode de vague de froid de ce mois de février 2012, les basses températures ont commencé par générer de la glace de rive sur les canaux et rivières du réseau. Pour les grandes rivières, ce phénomène de glace de rive s'est doublé de la génération de frasil (glace dérivante à forte teneur en eau : voir page sur les couverts de glace) au milieu de l'écoulement par une hyper congélation de l'eau de surface. Ce frasil dérivant subit deux types de transformations concomitantes :

  • dans les rivières à petit gabarit et sous l'effet des courants, il s'accumule contre le moindre obstacle (glace de rive, seuil émergent, couvert déjà formé), ce qui conduit à un développement de la couverture de glace
  • dans les rivières à grand gabarit, entrainé par les courants et toujours et sous l'effet des basses températures, le frasil dérivant devient plus compact et se transforme en galettes (pancakes en anglais) qui acquièrent de la cohérence et de la rigidité se transformant ainsi en plaques de glace de diamètre plus ou moins grand et d'épaisseur croissante. Ces plaques sont entrainées vers l'aval jusqu'à rencontrer un obstacle qui va les retenir (glace de rive, seuil émergent, porte d'écluse, couvert déjà formé). Leur accumulation va produire une augmentation de la couverture des couverts vers l'amont qui va se solidifier et épaissir sous l'effet des basses températures.

C'est ce que l'on observe sur les photos du Rhin au droit de l'écluse de Gambsheim. Pour éviter que ne se forme un couvert sur le Rhin, qui aurait pu conduire à un arrêt de la navigation par stockage de ces plaques de glace dérivantes, le gestionnaire de l'écluse de Gambsheim a régulièrement procédé à des petites éclusées. La fragmentation des glaces était également entretenue par le passage incessant des navires de tous genre qui empruntent cette voie d'eau. La présence au-dessus de la porte de l'écluse de quelques plaques de glace dure et transparente, épaisses de quelques centimètres d'épaisseur résulte du fait que la porte s'efface verticalement.

ecluse de gambsheim plaques de glace sur la porte d ecluse

ecluse de gambsheim vue amont porte d ecluse
ecluse de gambsheim vue vers l amont

Ainsi qu'il a été expliqué plus haut, sur les canaux de plus petite dimension, la glace de rive se développe progressivement vers le centre du canal, entrainant la formation d'un couvert, uniforme dans le cas d'un débit plus ou moins constant et par contre fragmenté lorsque le débit ou le niveau est variable (voir le couvert sur l'Elbe à Hambourg, situé dans une zone de marnage).

Couverts homogènes sur la Semoy (non navigable)
glace sur la semoy
glace sur la somoy 2
glace sur la semoy 3

Ces couverts sont en fait souvent peu uniformes sur les petites rivières à cause de conditions locales du champ de vitesses qui empêchent la fermeture totale de la glace. Ce sont alors des zones de très grande fragilité qui sont incapables de supporter le poids d'animaux ou de personnes, voire de skidoos. De nombreux accidents sont malheureusement enregistrés chaque année. Les images ci-dessous montrent que de nombreux promeneurs sont inconscients des risques encourus.

Inconscients sur le canal de la Meuse.jpg
attention aux couverts fragiles

L'image suivante représente l'action du brise-glaces Asterix sur le canal Marne-Rhin-Ouest

brise glace asterix sur le canal de la marne au rhin ouest

La mission des brise-glaces est de maintenir la navigation mais également de casser les couverts de manière à éviter que les promeneurs ne traversent les rivières aux couverts trop fins.

Ce type de brise-glace, très répandu dans les services de navigation sont capables d'intervenir sur des petits cours d'eau à faible tirant d'eau. Malheureusement ils ne disposent pas d'étrave, ce qui les rend inopérant lorsque la glace dépasse une quinzaine de centimètres.

Les ouvrages

Nous avons vu que le maintien de la navigation sur le Rhin a été facilitée par des éclusées régulières au niveau des ouvrages (Gambsheim).
Cependant, dans les petits cours d'eau, les plaques de glace en provenance de l'amont doivent être évacuées vers l'aval, faute de quoi, des couverts se forment en amont du barrage et exercent sur l'infrastructure et les superstuctures des poussées qui peuvent causer des dommages.
Lorsqu'il s'agit d'un ouvrage ancien, du type de celui sur la photo qui est un barrage à aiguilles, les manoeuvres sont très délicates et dangereuses : les aiguilles, couvertes de glace, adhérent les unes au autres par le gel et sont difficiles à désolidariser.
Les agents d'exploitation à l'oeuvre pendant ces périodes difficiles exercent un travail difficile : on ne peut que leur rendre hommage pour leur courage.

enlevement aiguilles avec glace
barrage manuel ardennais en glace
canal marne au rhin ouest degagement des glaces
Canal des Vosges 20 cm de glace.jpg


Exploitation des bulletins VNF

Les courbes et tableau suivants proviennent de l'exploitation des bulletins quotidiens de VNF. Il ne s'est agi ici que de donner une représentation descriptive des événements qui ont eu lieu pendant le mois de février 2012, de manière à pouvoir disposer de quelques grands chiffres consolidés et représentatifs de l'évènement. Nous nous attacherons à représenter les contraintes exercées sur le réseau géré par VNF par la présence de glace.

evolution du nbre de km de canaux fermes

Le diagramme de la figure ci-dessus montre le nombre de kilomètres de cours d'eau navigables et de canaux fermés à la navigation pour cause de glace (certains étaient fermés pour cause d'étiage). Les canaux de grand gabarit ont été beaucoup plus souvent ouverts que les canaux de petit gabarit. Ceci s'explique essentiellement par l'action des brise-glaces qui se sont peu arrêtés durant l'épisode de grand froid, afin de maintenir la navigation dans ces cours canaux et/ou éviter que le public ne se déplace sur des couverts fragiles ou partiellement ouverts.

Les bulletins de VNF indiquent une ouverture complète de la totalité du réseau de grand gabarit après 12 jours d'arrêts.
Par contre le réseau petit gabarit a beaucoup plus souffert. La prise en glace a été très rapide due aux basses températures de début février (voir pente du début de la courbe en rouge de la diagramme ci-dessus).

Formation, évolution et destruction / disparition des couverts de glace

evolution des arrets de navigation sur le reseau vnf
Tableau : cartographie de l'évolution des conditions de navigation sur le réseau VNF touché par les glaces entre le 2 et le 24 février

Légende : en gras les canaux de grand gabarit ; cases rouges : arrêt de la navigation sur une partie du canal ; cases vertes : reprise de la navigation sur la totalité du canal

Abcisse : quantièmes du mois de février 2012.

Phase de formation des couverts

  • Le 3 février, les glaces ont pris dans 3 régions : le bassin de la Seine, Nord-Pas-de-Calais et Nord-Est. En raison d'épaisseur de glace importante, la navigation est interrompue. C'est dans le bassin de la Seine qu'apparait le nombre le plus important de canaux en glace. A noter que pendant cette période, certains canaux étaient fermés à cause de problème de manque de réserve en eau (canal du centre en région Nord-Est) ou encore en crue comme le canal de la Meuse. Certaines de ces conditions se sont prolongées sur une partie de l'épisode ;
  • le 6 février, soit 3 jours plus tard, de nouveaux canaux situés en région Saône-Rhône-Méditerranée et en région Nord-Pas-de-Calais sont frappés d'arrêt de navigation ;
  • le 7 février, soit 4 jours après le début des premiers arrêts de navigation, plusieurs canaux des régions Centre-Est, Sud-Est avec le canal du midi, viennent rejoindre les canaux fermés à la navigation. Seule la région Ouest, au climat océanique n'est pas touchée.

Cette phase de formation n'a duré que quelques jours (voir graphique ci-dessus). Les couverts de glace se forment rapidement puis vont épaissir sous l'effet des basses températures .

Phase de consolidation des couverts

Les basses températures qui génèrent des flux radiatifs très négatifs, provoquent un épaississement du couvert de glace, pendant les 2 semaines suivantes. Malgré l'action des brise-glaces qui rencontrent parfois des épaisseurs de glace élevées et qui ne peuvent donc intervenir, les couverts tiennent bon. Le nombre de km de canaux fermés à la navigation se maintient autour de 400 km pour le réseau à grand gabarit et autour de 2500 km pour le réseau à petit gabarit. Les brise-glaces sont en action lorsque les épaisseurs de glace le permettent.

Phase de destruction et/ou de fonte des couverts

Comme on peut le constater sur le graphique ci-dessus, la période de fonte a été beaucoup plus lente que la période de formation des couverts (hors intervention des brise-glaces)
à partir du 14 février, commence la libération des canaux à grand gabarit. En quelques jours seulement, la majorité des canaux des régions du bassin de la Seine et du Nord-Pas-de-Calais sont rendus à la navigation. Puis c'est au tour des canaux de la région Nord-Est. Les régions Saône-Rhône-Méditerranée, Centre-Est vont être plus lentes à remettre en navigation leurs canaux à petit gabarit. Le canal du midi est libéré vers le 20 février à cause du redoux dans les régions qu'il traverse.

Ainsi, la phase de destruction et/ou fonte est beaucoup plus lente (5 jours sur grand gabarit et 10 jours sur petit gabarit) que la phase de formation des couverts de glace (quelques jours seulement).

Bateaux bloqués dans le réseau

Dès le 3 janvier, à la fermeture des premiers canaux à la navigation, les bateliers sont invités à prendre les dispositions nécessaires afin de préserver leurs bateaux des glaces.

Autres conséquences

Certains bateliers, bloqués par les glaces sont avitaillés en eau par les agents de VNF.
Par ailleurs, les échelles à poissons de certains ouvrages, de par leur écoulement chenalisé, leurs fortes pentes ont pu restés dégagées des glaces.

avitaillement des bateliers pris par la glace
moselle amont passe a poissons

Le nombre de bateaux bloqués sur le réseau à petit gabarit est resté assez conséquent pendant tout l'épisode. Au maximum, on peut noter une centaine de bateaux qui sont restés prisonniers des glaces.

km de petit gabarit en glace vs nb de bateaux bloques

Sur le réseau à grand gabarit, le nombre de bateaux bloqués a atteint la centaine, mais la restriction de navigation a duré beaucoup moins longtemps que pour le petit gabarit, ce qui est explicable notamment par l'action des brise-glaces.

km de grand gabarit en glace vs nb de bateaux bloques

Le graphique ci-dessous représente le cumul de bateaux bloqués sur l'ensemble du réseau de VNF. La période la plus pénalisante se situe entre le 10 et le 13 février, période où les brise-glaces ont eu du mal à intervenir sur le réseau à grand gabarit à cause des épaisseurs de glace importantes.
nbre de bateaux prisonniers des glaces

Synthèse

Le réseau de VNF a été durement touché par la vague de froid qui s'est abattue sur l'Europe et plus particulièrement sur la France en mars 2012. Plus de 400 km du réseau grand gabarit se sont retrouvés fermés à la navigation. Le travail incessant de cassage de glace par les brise-glaces a permis de limiter à une quinzaine de jours la fermeture des canaux. Le réseau à petit gabarit a été plus durement touché, avec au plus froid plus de 2500 km de canaux fermés à la navigation. Plus de 160 bateaux ont été bloqués par la présence des couverts de glace durant cette période de grand froid.



Le créateur de cet article est Jean-Michel Tanguy
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Grâce aux bulletins VNF et aux photographies fournies par les Directions Régionales Est et Alsace de VNF.



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