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Wikigeotech:Les maximes de Reverdy - part.I

De Wikibardig

Les 80 maximes du terrassement routier
par Georges REVERDY

Extrait de la Revue Générale de la Route n°429, Février 1968


Sommaire

LES QUATRE ELEMENTS DE BASE

1. Comme les anciens avaient reconnu dans le monde quatre éléments simples, il y a quatre éléments fondamentaux dans un travail de terrassement : l’eau, la roche, l’espace et le temps

L’eau constitue le premier et le plus important de ces éléments par l’action qu’elle a sur les sols et plus spécialement sur leurs parties fines. On pourrait être ainsi tenté de considérer plutôt à sa place un autre élément qui serait l’argile ou le limon, mais il semble préférable de garder l’eau car c’est elle qui les rend mauvais et elle a d’ailleurs une influence beaucoup plus générale sur toutes les activités d’un chantier. La roche, ce sont les éléments durs qu’il est indispensable de bien connaître pour pouvoir les réduire mais dont le caractère permanent dans le temps permet au spécialiste de les aborder sans inquiétude. ‘espace, c’est l’étendue du chantier, la distance de transport, puisque les terrassements consistent essentiellement à déplacer d’un point à un autre des matériaux pesants. Enfin, le temps, c’est toute la durée du chantier, la période pendant laquelle les travaux doivent être exécutés, ce qui définit impérativement les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Les anciens considéraient de leur côté comme éléments fondamentaux l’air et le feu, ce qui représenterait essentiellement pour les chantiers de terrassement le vent et le soleil, c'est-à-dire l’évaporation. Malheureusement sous nos climats il s’agit d’éléments secondaires qui ne peuvent avoir une influence considérable sur la marche des travaux et il suffit de les prendre en compte comme des alliés éventuels réduisant l’action néfaste de l’eau. Tous ces éléments doivent être parfaitement connus avant l’établissement d’un marché des travaux, ce qui implique une reconnaissance parfaite des lieux, mais seule l’eau du ciel ne le sera pas de sitôt. Il semble d’ailleurs anormal à ce sujet que les renseignements géologiques donnés dans un dossier aient un caractère uniquement indicatif et non contractuel : bien entendu une coupe géologique qui résulte d’interpolations et d’extrapolations ne peut pas être garantie ; en revanche, les observations et mesures faites sur un sondage donné à un emplacement donné doivent être aussi indiscutables que toutes les autres pièces du dossier.

2. Il pleut en moyenne à Paris plus de 160 jours par an.

Il pleut en moyenne à paris de 12 à 17 jours par mois selon les mois. Les mois les plus pluvieux sont en moyenne à Paris : août, juillet, mai, octobre et novembre. Il s’agit là de conditions climatiques bien connues, caractérisant le climat océanique et qui s’appliquent sensiblement, non seulement au bassin parisien, mais à une grande partie de la France. Ces éléments gagneraient toujours à être mieux connus de ceux qui s’étonnent qu’il pleuve pendant les mois d’été.

3. L’eau de pluie s’écoule, s’infiltre ou s’évapore.

C’est dans le domaine agronomique que ces problèmes d’écoulement des eaux et de bilan hydrologique sont étudiés depuis longtemps et il est fort important de mieux les connaître dans l’optique des terrassements routiers. Sur un chantier de terrassement, il est essentiel que le maximum d’eau ruisselle en surface pour ne pas imbiber les terrains en cours de déblaiement. Nous poursuivons des mesures sur des planches d’essais pour déterminer en fonction de la nature des matériaux, de leur compacité, de la pente et de l’état de leur surface, les meilleurs résultats à attendre du ruissellement superficiel. De toute façon le bilan hydrologique des précipitations se répartit entre l’écoulement superficiel, l’écoulement souterrain ou drainage et l’évapotranspiration. Sous nos climats, les hydrologues estiment à une centaine de millimètres la capacité de rétention moyenne du sol. En dehors des zones forestières on peut admettre qu’en général, en France, c’est une tranche supérieure des sols d’environ un mètre d’épaisseur qui constitue leur capacité de rétention et qui alimente l’évapotranspiration au cours d’un été donné on peut suivre ainsi l’évolution de la réserve hydrique du sol qui en 2 ou 3 mois peut être complètement épuisée. Avec les renseignements de toute station météorologique on peut suivre jour par jour pendant les mois d’été le bilan des précipitations et de l’évaporation, qui très différent suivant les années : c’est ainsi qu’à Auxerre, pendant les étés pluvieux comme 1958 ou 1965, le total des précipitations et de l’évaporation a été sensiblement égal du mois d’avril au mois d’octobre. En revanche, pendant les années sèches, on a observé un excédent très important d’évaporation, par exemple 400 mm en 1964 et 540 mm en 1959. On peut aussi suivre constamment le bilan des durée de précipitations et d’insolation. A Auxerre, pendant les premiers mois de l’année et jusqu’au mois d’avril environ, les durées de précipitations l’emportent sur les durées d’insolation. Dès que le bilan se renverse et qu’il y a excédent important d’insolation, on peut considérer que les circonstances sont favorables aux travaux. D’ailleurs au point de vue agronomique, on considère que sous nos climats pendant la saison chaude, seules les pluies journalières de plus de 5 mm présentent un intérêt biologique et hydrologique. Des études plus globales ont été faites depuis longtemps à ce sujet en utilisant des lysimètres avec des cases renfermant divers sols sur 0 ?60 m de profondeur et reposant sur un massif drainant. Avec une bonne terre végétale limoneuse et sur cette épaisseur, on a constaté que 36 % des précipitations se traduisaient en drainage profond et 64 % en évaporation. La répartition est très différente suivant les saisons car bien entendu, en hiver l’évaporation est très réduite et le drainage très important. D’autre part, s’il y a de la végétation en surface, les bilans sont complètement modifiés avec naturellement une augmentation importante de l’évaporation. En conclusion, il reste beaucoup de points à préciser sur les chantiers de terrassements pour déterminer les variations de teneurs en eau des couches de surface en fonction des conditions atmosphériques et de l’état de surface des terrains eux-mêmes.

4. Le soleil est un allié puissant mais toujours superficiel et souvent inconstant.

Nous avons fait de nombreuses mesures d’évaporation sur des planches d’essai plus ou moins profondes comportant des matériaux plus ou moins grenus. Les mesures ainsi faites aient pour but de comparer la perte d’eau mesurées à l’évaporomètre et les variations de teneur en eau des terrains eux-mêmes qui est toujours plus réduite. En surface même, l’effet du soleil est rapide : la craie saturée d’eau commence par perdre 1 à 2 % de teneur en eau par heure, qu’elle soit sous la forme de blocs de plusieurs kg ou d’éléments très fins. Mais si l’on opère avec des échantillons massifs de 10 à 20 cm d’épaisseur, on constate d’une part que la perte d’eau totale ne varie guère en fonction de l’épaisseur, c’est-à-dire qu’elle n’intéresse vraiment que les 10 cm superficiels, et que d’autre part, sur ceux-ci la diminution de teneur en eau par évaporation ne dépasse guère 1 à 2 % par journée ensoleillée. Des résultats analogues sont d’ailleurs observés que l’on opère sur des matériaux compactés ou non. A l’occasion de mesures faites pendant tout l’été on a pu constater que pour des matériaux graveleux la teneur en eau avait toujours été comprise en surface entre 1 et 5 % et à 30 cm de profondeur entre 3 et 7 % ; au contraire pour des matériaux argileux la teneur en eau avait varié en surface entre 8 et 26 %, et à 30 cm de profondeur entre 16 et 24 % seulement. L’action du soleil est donc importante en surface c’est-à-dire notamment pour tous les problèmes de circulation sur les chantiers, mais en revanche pour la plupart des matériaux elle est insensible en profondeur et il ne faut pas compter la plupart du temps pouvoir mettre en œuvre ces matériaux à une teneur en eau différente de leur teneur en eau naturelle qui est généralement voisine de la limite de plasticité. Les sols les plus défavorables sont évidemment les limons pour lesquels la limite de liquidité est voisine de la limite de plasticité, et qui ont couramment une teneur en eau intermédiaire entre les deux avec une consistance presque liquide. Les argiles fortes au contraire ont une teneur en eau qui ne s’écarte guère de la limite de plasticité et ainsi une consistance presque solide.

5. Le gel aussi est un allié s’il n’est pas trop puissant.

Les difficultés des chantiers de terrassement sont en effet en majorité des difficultés de surface ; un gel léger qui solidifie la boue et les terrains détrempés permet de travailler parfois utilement pendant des saisons défavorables. C’est ainsi que des terrassements non négligeables ont pu être exécutés en janvier 1966 sur l’autoroute Nemours-Auxerre dans des terrains gelés en surface et même légèrement enneigés. Un autre avantage accessoire des périodes de temps froid est de faciliter la détection de toutes les arrivées d’eaux souterraines dans les talus de déblai et les plates-formes de terrassement ; si le débit de ces sources est très faible elles sont difficiles à découvrir, surtout en période pluvieuse où l’ensemble des terrains est saturé. Au contraire l’accumulation de la glace qui se forme à l’émergence de ces filets d’eau en période de gel les fait remarquer immédiatement et facilite ainsi les dispositions à prendre pour la mise en place d’ouvrages complémentaires de drainage.

6. La roche n’est un problème pour le terrassier que si elle est mélangée.

Il existe en effet des techniques parfaitement au point et bien connues des spécialistes pour exécuter des les meilleures conditions économiques et avec des engins appropriés des terrassements dans les diverses sortes de roches. S’il s’agit de bancs homogènes on peut déterminer très précisément, en faisant s’il y a lieu quelques essais préliminaires sur place, la durée et le coût de l’exécution de ces travaux : c’est ainsi que pour le déblaiement de la platière de grès dans la traversée du massif de Fontainebleau par l’autoroute Paris-Lyon, malgré la nature extrêmement compacte et abrasive de ces matériaux, il a été facile de mettre rapidement au point la technique appropriée de perforation et de débitage : on peut déterminer ainsi le type de fleuret le plus convenable pour une perforation rapide ainsi que le type et la quantité d’explosifs nécessaire par mètre cube de rocher. Paradoxalement un des points les plus difficiles pour ce genre de travaux, lorsqu’il ne s’agit pas de roche en bancs réguliers, est de déterminer exactement les cubes donnant droit à l’application des prix de terrassement correspondants ; on est ainsi conduit parfois à installer des bascules pour peser les engins de transports qui évacuent ces déblais. Lorsqu’il s’agit de chantier exceptionnellement importants, la mise en œuvre de moyens aussi exceptionnels permet également de résoudre ces problèmes : sur tel chantier américain par exemple, avec une seule pelle de 6 m3, on a pu ainsi exécuter en 10 mois un terrassement de 600 000 m3 dans le granit compact : précédé des dispositifs de minage appropriés, cette pelle travaillait 20 heures par jour et chargeait 3 tombereaux de 27 t avec une production horaire atteignant 200 m3. Il convient donc essentiellement pour le rocher d’appliquer la 2è règle de la méthode de Descartes c’est-à-dire de « diviser les difficultés en autant de parcelles qu’il se pourrait ». le problème n’a pas de solution satisfaisante si cette division n’est pas possible c’est-à-dire dans le cas où la roche est mélangée de façon hétérogène avec d’autres terrains ayant des caractéristiques complètement différentes. Un exemple particulièrement typique à ce sujet est donné par les terrassements dans les calcaires de Brie de la région parisienne, au-dessus du banc d’argile verte. Ce calcaires de Brie comporte des matériaux tendres et même argileux avec des rognons ou des bancs énormes de matériaux entièrement siliceux sous forme de meulière poreuse ou compacte ; tous ces rochers reposent en outre sur ce banc d’argile verte parfaitement imperméable d’où il résulte que tous ces terrassements s’effectuent dans l’eau et sur un sols inconsistant. Il est impossible d’évaluer précisément à l’avance, et même de cuber a posteriori, les massifs de meulière rencontrés et l’exécution de tels travaux, qui ne relèvent pas de méthodes industrielles bien organisées, ne peut laisser que de mauvais souvenirs à ceux qui ont eu à les connaître.

7. Le mètre cube n’est pas l’unité de terrassement, c’est le mètre cube × kilomètre.

Il faut reconnaître que les entreprises et même les ingénieurs ont l’habitude de caractériser l’importance de leurs chantiers en parlant toujours de millions de mètres cubes alors que l’essentiel du travail est de déplacer les m3 en question. Encore ne faut-il pas commettre l’erreur plus ou moins volontaire d’additionner les m3 de déblais et de remblais car il s’agit bien toujours des mêmes matériaux ! Il faut également parler de m3 en place et non de m3 foisonnés, bien que pour l’entrepreneur ce soient finalement des m3 foisonnés qu’il ait à transporter, ce qui détermine la capacité de ses engins. Quoi qu’il en soit, il est beaucoup plus facile de déterminer les m3 de déblais d’un chantier que les m3 × km correspondant réellement aux travaux, et donc il est à craindre que l’on parle encore le plus souvent de m3 pour suivre la bonne marche d’un chantier. Il est cependant souhaitable de pouvoir faire chaque mois le bilan des m3 × km réellement exécutés par rapport au travail total qu’il y a à faire, d’autant plus que la tendance humaine est toujours de commencer par les travaux les plus faciles, c’est-à-dire normalement par les m3 dont la distance de transport doit être la moins grande. Pour être parfaitement exact, il ne suffit pas d’ailleurs de parler de m3 × km pour définir un travail mais il faut encore tenir compte des rampes à franchir pendant le transport, c’est-à-dire de la dénivellation totale à faire subir à ces m3. peut-être les méthodes modernes de calcul permettront-elles un jour de parler de la sorte mais il semble impossible pour le moment d’introduire systématiquement ce facteur complémentaire qui complique aussi bien l’étude des projets que la surveillance et le règlement des travaux.

8. Date plutôt que délai : la fortune est à ceux qui commencent leur campagne de bonne heure.

Si les intempéries ne sont pas en général un facteur qui puisse empêcher totalement l’exécution des travaux de terrassement, il faut reconnaître qu’avec la plupart de nos terrains et des engins de nos entreprises, les travaux exécutés dans de mauvaises conditions deviennent infiniment plus difficiles et onéreux. C’est pourquoi l’organisation des chantiers doit tenir compte essentiellement des saisons favorables, d’est-à-dire de celles ou l’ensoleillement et l’évaporation permettent de travailler et de circuler longuement sur les chantiers dans les meilleures conditions. Il est donc tout à fait anormal que, par suite de la procédure administrative qui doit les précéder, la plupart des marchés de terrassements soient dressés avec l’indication d’un délai au lieu d’une date, c’est-à-dire sans que l’entrepreneur puisse savoir dans quelles conditions climatiques exactes il devra travailler. Cette incertitude est évidemment encore accrue lorsque les consultations sont faites alors que l’administration elle-même n’a pas la libre disposition de tous les terrains et ne sais pas exactement à quelle date elle pourra en disposer. Si ce point ne pas l’objet de discussions et de réclamations plus importantes, c’est parce qu’à cette incertitude initiale s’ajoute toujours l’incertitude encore plus grande du temps qu’il fera pendant la période des travaux, même si celle-ci est bien connue. C’est un des inconvénients du climat océanique, qui possède heureusement par ailleurs quelques avantages ; cependant il nous semble que sans attendre des progrès encore incertains dans l’amélioration des prévisions météorologiques, il conviendrait impérativement de supprimer au moins l’incertitude qui ne dépend que de l’administration pour permettre aux entreprises de faire leur offre dans les meilleures conditions.

9. Le voisin d’un chantier de terrassement est à plaindre surtout s’il n’est pas touché directement par les travaux.

Ceci est vrai pour les voisins de n’importe quel chantier de travaux publics ou de bâtiments. Il y a même une disproportion flagrante entre les inconvénients d’un tel voisinage en zone d’habitation, qui peuvent rendre la vie impossible pendant un ou deux ans sans aucun droit à indemnité et, au contraire, les diverses indemnités pour trouble de jouissance ou d’exploitation qui peuvent être attribuées pour des travaux en zone agricole.

Cependant, pour qu’une telle indemnisation soit possible, il faut essentiellement que les intéressés soient directement touchés par les travaux, c'est-à-dire soit par les expropriations, soit par les occupations temporaires entraînées par ces travaux. au titre des indemnités pour l’acquisition ou l’occupation temporaire de leurs terrains, les propriétaires ou exploitants font valoir tous les préjudices ou dépréciations causés à leur biens par l’existence du chantier et les ouvrages définitifs qui seront réalisés. Au contraire, le simple voisin qui n’a pas la chance d’avoir quelques mètres carrés touchés par les travaux ne peut qu’en supporter toute la gêne sans aucune compensation. En dehors du bruit, de la poussière, des explosions, etc., cette gêne est principalement constituée par toutes les détériorations provisoires ou définitives subies par les diverses voies publiques de la région et dont il faut bien s’accommoder au moins pendant la durée du chantier.

Les habitants d’un hameau ou d’un village situé en bordure d’un itinéraire de transport de matériaux d’emprunt par exemple sont bien à plaindre, puisqu’ils devront vivre pendant de longs mois dans le bruit, la poussière, les vibrations et la boue.

Comme dans les problèmes plus permanents d’urbanisme il est souhaitable de tenir compte de l’environnement pour organiser un chantier et notamment ses itinéraires d’approvisionnement.

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