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ANSWER - Propagation-déformation d'une dune de fond par un courant

De Wikibardig

Sommaire

Eléments de contexte

Cette page fait partie de la démarche collaborative ANSWER , dont l'objectif est créer les conditions de collaboration entre scientifiques et grand public autour du domaine de l'eau.

Quatre sous-domaines ont été identifiées : hydraulique fluviale, hydraulique maritime, hydrogéologie et morphodynamique.

Nos fleuves et nos rivières : des domaines en devenir perpétuel

Les fonds de nos fleuves, nos rivières, nos estuaires et nos côtes sont pour la plupart constitués de sédiments, que ce soit des blocs de rochers arrachés sur les pans de montagnes, de galets, de sable ou de vase.

Au gré des crues, les matériaux fluviaux sont mis en mouvement, transportés et déposés dans leur long cheminement vers la mer. Pendant ces événements, d'énormes quantités de matériaux peuvent être arrachés du fond des rivières et des berges, produisant la destruction de routes et d'habitations riveraines, le déchaussement de piles de ponts. Dans les zones montagneuses, ce sont souvent de véritables torrents de boue qui dévalent les pentes abruptes des torrents et qui viennent éroder ou déposer d'énormes quantités de sédiments, modifiant et transformant les cours des rivières. En plaine, les rivières ont souvent des lits en tresse et la divagation des lits mineurs provoque la disparition d'îles écologiquement riches pour la ripysilve, les frayères et la faune aviaire. Le long de nos littoraux, les falaises sont souvent érodées par les tempêtes qui vont produire des ruptures dans les cordons littoraux à l'origine d'inondations catastrophiques ou de disparition entière des plages de sables.

Tous ces processus sont assez bien connus, mais les phénomènes naturels sont souvent si brutaux et violents que l'homme ne peut constamment lutter en réparant inlassablement les dégâts. Les nouvelles politiques publiques en matière de prévention et de protections en viennent à considérer que certains secteurs de nos littoraux trop exposés doivent subir un repli stratégique, car il serait trop onéreux et illusoire de maintenir coûte que coûte une ligne de défense immuable.

Quels sont les processus qui conditionnent ces évolutions des fonds ?

Nous nous intéresserons ici aux évolutions des fonds de domaines soumis au transport saturé de sédiments non-cohésifs de type sable ou galets, ce qui signifie que le transport correspond aux capacités de transport de l'écoulement. Ce transport résulte de la mise en mouvement des sédiments du fond par les courants par les contraintes qu'il exerce sur le fond. Les matériaux peuvent rouler sur le fond, faire de petits sauts (saltation) ou être transportés en suspension dans la masse de l'écoulement.

Dessin charriage.jpg

On distingue généralement plusieurs processus :

  • le transport par charriage qui regroupe les mouvements des particules qui se déplacent au voisinage du fond, dans une couche d’épaisseur très faible (quelques diamètres de particules), par roulement ou glissement sur le fond ou encore par saltation ;
  • le transport en suspension à l’intérieur de la masse du fluide qui s’étend depuis le niveau supérieur de la couche de charriage jusqu'à la surface de l’écoulement ;
  • les échanges éventuels entre charriage et suspension ;
  • le transport total correspond à la capacité totale de transport d'un écoulement, tous modes confondus
  • l’évolution du fond du domaine considéré, engendré par les processus de dépôt-érosion, reliés au transport des particules.

Le transport de sédiments par les courants s’accompagne de phénomènes de dépôt et d’érosion, qui contribuent à modifier les fonds, lesquels, à leur tour, modifient la distribution des courants. Ces processus sont, en nature, totalement imbriqués et concomitants. Malgré cela, l’hydrodynamique et l’évolution des fonds ont, dans la plupart des cas, des constantes de temps différentes : les transformations des fonds sont perceptibles sur le temps court (crue, tempête) ou sur le temps long (évolution continue des fonds des côtes). En outre, le transport de sédiments est extrêmement sensible au champ des vitesses, ce qui rend toute variation de ce dernier très perceptible sur l’évolution des fonds.

Observation en nature

Des photos ou des vidéos enregistrées en nature peuvent donner une vision dynamique et réaliste du phénomène de modification des fonds.

Elles peuvent concerner des phénomènes en mouvement, mais également des transformations de milieux particulièrement remarquables, après une crue ou une tempête par exemple.

Gros blocs transportés par un torrent de montagne - Nouvelle Zélande - Heavy blocks transported by mountain currents - New-Zeeland - JM Tanguy
Cours d'eau constitué de graviers : lit mineur et dépôts de crues - Nouvelle Zélande -" Gravel bed river : stream bed and flood gravel deposition - New-Zeeland - JM Tanguy
Gros blocs transportés par un torrent de montagne - Nouvelle Zélande - Heavy blocks transported by mountain currents - New-Zeeland - JM Tanguy
Ecoulement d'une source d'eau douce sur une plage tidale avec transport de sable et creusement d'un chenal - Nouvelle Zélande - "Fresh water outflow on a tidal sandy beach with canal erosion - New-Zeeland - JM Tanguy
Ecoulement chargé en sédiment - Nouvelle Zélande - High sediment laden river flow - New-Zeeland - JM Tanguy
Rides de sables formées par les houles sur la zone de déferlement d'une plage - Nouvelle Zélande - Sandy ripple bed in the surf zone on a sandy beach - New-Zeeland - JM Tanguy

Essais en laboratoire

Des essais en laboratoire peuvent être envisagés pour reproduire partiellement ces deux phénomènes. En effet, ces derniers ne peuvent être obtenus de manière très pure, car la turbulence de l'écoulement induit des phénomènes qui ne sont pas pris en compte dans les deux cas traités ci-dessus.

Modélisation mathématique des phénomènes de transport - évolution des fonds

Hiérarchie des hypothèses simplificatrices

Les détails concernant l'obtention du modèle général de propagation - déformation des fonds dû au transport solide par les courants est fournie dans la page théorie.

Rappelons que nous nous limitons ici à l’étude du transport saturé de sédiments non-cohésifs de type sable.

Les simplifications qui suivent nous permettent de développer un modèle non-linéaire de déformation des fonds fluviaux, estuariens ou marins soumis à des contraintes hydrodynamiques exercées par les courants et/les houles.

Les hypothèses sont les suivantes:

↓ continuité des fonds
↓ couplage avec équation de transport : charriage, suspension saturée ou transport total

Expression du modèle simplifié

L'équation de continuité des fonds soumis au transport s'écrit en choisissant la formule de transport total d'Engelund-Hansen :

$ \begin{cases} \dfrac{ \partial Z_f }{ \partial t }+div( \vec {q_s} )=0 } \\ q_s=\alpha Z_f^{-5.5} \end{cases} $

$ q_s $ est exprimé en m3/ml/s.

Cette équation peut se mettre sous la forme:
$ \begin{cases} \dfrac{ \partial Z_f }{ \partial t } }+C_f \dfrac{ \partial Z_f }{ \partial x } } =0 \\ avec \dfrac{ dZ_f }{ dt } }=C_f \end{cases} $

Solution analytique

Le schéma suivant élaboré sous Pearltrees illustre les différentes solutions analytiques dans le domaine de la morphodynamique littorale.

Morphodynamique dans null (hydrologik)

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La solution élaborée ici en constitue une perle.

Ce système ci-dessus peut être "résolu" simplement par la méthode des caractéristiques.
Il est en effet équivalent à l'assertion suivante:

$ Z_f $ est constant le long de la caractéristique (ici une droite) $ x=x_0+C_f(t-t_0) $
(voir ci-dessous les 2 faisceaux de caractéristiques).

Nous allons illustrer cette méthode par un exemple:

Il s’agit de reproduire le transport - déformation d’une forme de fond dans un canal à plafond soumis au transport par charriage, c’est-à-dire un canal dont la surface libre reste horizontale durant le processus d’évolution.
Ce canal a une forme rectangulaire et une pente nulle. Sa largeur est de 1 m et le débit qui y transite est de 400 l/s.
La longueur du tronçon modélisé est de 12 m.
Repère dune 2.jpg


La forme du fond a l'allure d'une bosse d'équation :
$ \begin{cases} Z_f=0.3-0.1 \sin^2\Bigl( \dfrac{ \pi (x-2) }{8}\Bigr)\quad \text{pour} \quad x \mathcal{2}[2,10] \\ Z_f=0.3 \qquad \text{ailleurs } \end{cases} $

la profondeur d’eau en section hors dune est de 0,3 m, ce qui donne une surface libre horizontale à la cote 0,6 m. Le débit à l’amont est maintenu constant et égal à 400 l/s. Les valeurs numériques des paramètres utilisés sont:

  • $ \rho_s=2665 Kg/m^3 $
  • $ d_{50}=0.3 mm $
  • $ K_f=80 m^{1/3}/s $

Transport d'une dune par un transport linéaire

Ce transport a une intensité de $ C_f=1.5 m/h $
Dans le cas d'un transport linéaire, c'est-à-dire constant tout au long du profil en long de l'écoulement, la bosse se transporte sans se déformer vers l'aval.

Dune linéaire.gif

Le faisceau des caractéristiques est un ensemble de droites à pente constante et donc parallèles entre elles.

Dune caractéristiques linéaire.gif

Déformation d'une dune par un transport non-linéaire

Pour le transport non-linéaire, l'équation de transport déformation des fonds est donnée par :
$ \dfrac{ \partial Z_f }{ \partial t }+ C_f\dfrac{ \partial Z_f }{ \partial x }=0 } $

$ C_f=2.10^{-9}Z_f^{-6.5} $

$ Z_f $ est la cote du fond pris à partir de la surface de l'écoulement : c'est-à-dire la profondeur d'eau.

L'animation ci-dessous représente la déformation de la dune soumis au transport non-linéaire des matériaux du fond.

Le transport non-linéaire est particulièrement important $ C_f= 2.10^{-9} Z_f^{-6.5} $, qui représente la célérité de translation de la forme des fonds en tout point.
Cette expression montre que:

  • cette vitesse est d'autant plus importante que la profondeur d'eau est faible, ce qui indique que le sommet de la bosse va se déplacer plus vite que son pied
  • cette différence de vitesse va produire un éboulement numérique qui est visible en fin d'animation à un temps voisin de 27000 s.
  • les pieds amont (x=2 m) et aval (x=8 m) se déplacent très peu car la fonction transport est très amortie à ce niveau

L'animation a été conduite jusqu'au temps t=27000 s.
Ce choc n’a pas d’existence réelle. Il correspondrait en nature à un écroulement de la face aval de la dune, qui ne se produit pas dans la réalité, à cause de l’effet diffusif de la turbulence.


Dune non-linéaire.gif


Le faisceau des caractéristiques qui présente un point de convergence a été tracé pour une partie uniquement de la dune (6 m < x < 8 m). Ce point focal représente un choc et se situe au voisinage de 27000 s.

Dune caractéristiques non linéaires.gif

Conclusions

Les deux exemples traités ci-dessus montrent des comportements très différents suivant que le transport est linéaire ou non.

En réalité, les dunes progressent en nature par transport superficiel et alimentation de la face aval qui est le siège d'un courant de retour à axe horizontal.
Par ailleurs, la méthode des caractéristiques est une méthode très simple et très performante pour représenter de manière exacte les équations simplifiées de propagation déformation des formes de fond.

Bibliographie

Francais

  • Le Guennec B. et Tanguy J.M., 2009, "Modèles de transport solide et d'évolution des fonds", Traité d'hydraulique environnementale - Ed. Jean-Michel Tanguy, Hermes-Lavoisier Vol. 4, pp 161-191.
  • Thual O., 2011, "Hydrodynamique de l'environnement, Editions de l'Ecole Polytechnique, 322 p

Anglais

  • Le Guennec B. et Tanguy J.M., 2010, "Solid Transport Models and Evolution of the Seabed", Mathematical Models - Environment Hydraulics series, Ed. Jean-Michel Tanguy, John Wiley, pp 336 - 367.

Code Scilab

Les animations précédentes ont été réalisées à l'aide le l'application SCILAB.
Elles peuvent être utilisées pour reproduire le graphique. Il suffit de sélectionner l'ensemble du texte dans le fichier *.pdf et de le copier dans l'éditeur du logiciel puis d'exécuter le programme. Le fichier est disponible ici : Fichier:Evolution d'une dune de fond dans un courant.pdf

Nous sommes bien entendu preneurs de toute amélioration du code source.


Le créateur de cet article est Jean-Michel Tanguy
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