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Eau de ruissellement (HU)

De Wikibardig

Traduction anglaise : Runoff water

Dernière mise à jour : 11/10/2022

Terme ambigu qui est utilisé dans différents sens proches mais cependant différents ; il peut s'agir :

  • De l'excédent de pluie qui, n'ayant pu s'infiltrer, ruisselle en surface ; c'est le sens courant en hydrologie générale (voir ruissellement) ;
  • d'une eau de pluie qui ne s’est écoulée qu’en surface, normalement sans avoir emprunté aucun ouvrage (caniveau, fossé, conduite, etc.) ; c'est le sens généralement pris en compte en hydrologie urbaine lorsque l'on parle de pollution des eaux de ruissellement (voir ruissellement urbain) ;
  • d'une eau de surface qui n’est pas « gérée » par un dispositif dédié et qui n'est pas encore rentrée dans un système pérenne naturel d'écoulement (cours d'eau) (Roche et al, 2017) ; c'est un sens réglementaire qui lui confère un statut différent de celui des eaux pluviales qui sont elles gérées par un dispositif dédié (figure 1).

Pourquoi différentes définitions ?

Les deux premières définitions sont phénoménologiques. Elles sont en apparence assez proches, si ce n'est que la deuxième s’intéresse plutôt aux eaux qui ruissellent sur des surfaces urbaines alors que la première ne tient pas compte de la nature de la surface. En réalité elles recouvrent une différence importante car le ruissellement urbain s'observe pour pratiquement toutes les pluies, du fait de l'importance des surfaces imperméables, alors que le ruissellement, en hydrologie générale, est plutôt associé à des événements forts, générateurs de crues.

La troisième définition est réglementaire. Elle vise à donner un statut aux eaux produites par les événements extrêmes, potentiellement générateurs d'inondations urbaines et qui ne sont pas prises en charge par le système de gestion des eaux pluviales (figure 1).

En effet, de façon simple, il existe deux compétences principales en matière de gestion des eaux :

  • La compétence GEMAPI correspond à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations ;
  • La compétence GEPU correspond à la gestion des eaux pluviales urbaines ; elle est obligatoire pour les communautés d'agglomération depuis le 1er janvier 2020 ; de façon générale elle fait partie de la compétence assainissement et doit donc être prise en charge par les communes qui ne la délèguent pas à une autre forme d'intercommunalité.

Les eaux de ruissellement n'entre dans aucune de ces deux catégories. Le CGEDD (Roche et al, 2017) a donc proposé de renoncer à ces termes "d’eaux pluviales" et "d’eaux de ruissellement" en soulignant que ce n’étaient "que deux facettes d’une même eau qui circule sur, sous et à travers la ville". Il a toutefois tenté de clarifier leur usage :

  • "Les eaux pluviales, en milieux urbain et péri-urbain, sont définies comme la partie des eaux issues de précipitations dont l’écoulement est pris en charge par des dispositifs dédiés (infiltration, transfert, stockage, etc.). Elles sont en interaction permanente avec les eaux souterraines et les autres réseaux."
  • "Les eaux de ruissellement sont définies non pas à partir d’un processus physique d’écoulement sur une surface mais comme la partie de l’écoulement qui n’est pas « gérée » par un dispositif dédié.".

Le même document précise : "les eaux de ruissellement s’écoulent pour partie en surface et empruntent en particulier les rues. Elles transportent de nombreux macro-déchets et sont parfois d’une forte turbidité, jusqu’à constituer des laves torrentielles. Une part chemine dans le sous-sol (zone dite non saturée, tranchées et conduites, voire métro). Elles se stockent et se déstockent, en situation de fortes pluies, non seulement dans le sol, mais aussi en surface (zones inondées) et dans le sous-sol (parkings, caves)."

La distinction réglementaire est donc tout à fait légitime dans l'état actuel (peu satisfaisant) de la réglementation (GRAIE, 2019).


Figure 1 : eau de ruissellement au sens de la définition du CGEDD ; Crédit photo : Patrick Savary.

Comment lever l’ambiguïté ?

Il existe donc une double ambiguïté d'une part entre le sens réglementaire et les sens phénoménologiques et d'autre part entre les différents sens phénoménologiques eux-mêmes.

La première ambiguïté peut être levée simplement en réservant le sens réglementaire à celui proposé par le CGEDD.

La seconde ambiguïté est plus difficile à gérer. Elle provient des deux sens techniques très différents donnés à l'expression "eau de ruissellement" :

  • dans l'expression "pollution des eaux de ruissellement" où elle fait référence à une eau produite par n'importe quelle pluie (faible ou forte) qui s'est écoulée de quelques dizaines de mètres sur une surface urbaine (sol ou toiture) et avant qu'elle ne rentre dans un dispositif de gestion des eaux pluviales (collectif ou alternatif) ou qu'elle ne soit restituée au milieu naturel (figure 2) ;
  • dans le sens du CGEDD ou elle fait référence à une eau produite par une pluie très forte qui s'écoule à travers la ville soit parce qu'il n'y a pas de dispositif de gestion des eaux pluviales (collectif ou alternatif), soit parce que celui-ci est saturé et avant qu'elle ne rejoigne le réseau hydrographique naturel (figure 3)


Figure 2 : eau de ruissellement au sens de l'expression "pollution des eaux de ruissellement".


Figure 3 : eau de ruissellement au sens de la définition du CGEDD.


Même si le contexte d'utilisation du terme peut souvent suffire à lever l'ambiguïté, nous proposons, lorsque l'on parle d'eau de ruissellement sur un plan autre que réglementaire :

  • de ne pas utiliser le terme "eau de ruissellement", dans le sens "eau qui ne s'est écoulée que sur une surface urbaine", en dehors de l'expression "pollution des eaux de ruissellement" ;
  • de privilégier l'expression "eau ruisselante et débordante" proposée par Bachoc et al. (2022) à celle "d'eau de ruissellement" pour parler des eaux produites par des événements intenses et qui traversent la ville sans être prises en charge par le système de gestion des eaux pluviales et avant d'avoir rejoint un élément pérenne du réseau hydrographique naturel.

Bibliographie :

  • Bachoc, A., Gandouin, C., Kovacs, Y., Maytraud, T., Morin-Batut, C., Pierlot, D., Roche, P.-A., Savary, P. (2022) : Mieux penser les eaux débordantes et ruisselantes en surface dans l’espace urbain , TSM n°5, mai 2022, p.7 à 13.
  • GRAIE (2019) : Articulation Pluvial / Ruissellement / Gemapi ; Atelier de réflexion collective ; 12 mars 2019 ; 28p. ; disponible sur http://www.graie.org/.*
  • Roche, P.-A., Velluet, R., Aujollet, Y., Helary, J.L., Le Nouveau, N. (2017) : Gestion des eaux pluviales : 10 ans pour relever le défi, rapport n° 010159-01 CGEDD, avril 2017 ; le tome 1 présente les propositions et le tome 2 apporte des éléments de diagnostic et de méthodologie ; documents disponibles sur https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0008967&reqId=83bb1606-6f4a-45b2-9955-38f5015f000f&pos=1
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