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Impacts des toitures végétalisées sur la qualité des eaux pluviales

De Wikibardig
Version du 22 juillet 2013 à 12:39 par Julie Schwager (discuter | contributions)

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Dans un contexte de gestion à la source des eaux pluviales en vue d'une meilleure protection de la ressource en eau 1 et de réutilisation des eaux de pluie 2, l'obtention d'une eau de bonne qualité en sortie de toiture est essentielle. Or les eaux de pluie ne sont pas exemptes de polluants. Elles contiennent notamment des concentrations non négligeables en certaines substances identifiées comme prioritaires par la Directive Cadre sur l'Eau 2000/60 CE3 et son application à l'échelle nationale4. Une étude réalisée sur l'agglomération lyonnaise a notamment montré des concentrations en plomb dans certaines eaux de pluie près de trois fois supérieures à la norme de qualité environnementale fixée dans le cadre de la DCE pour les eaux de surface (Dembele et al., 2009). Les toitures végétalisées regroupant « sol » et végétaux, éléments identifiés dans certaines techniques de dépollution des eaux (Scholes, 1998; Reeves, 2006 ; Susarla et al., 2002), pourraient être une technique intéressante de construction durable dans le cadre de la protection et de l'optimisation des usages de la ressource en eau. Dans les années 1990, des toitures végétalisées réalisées dans le cadre de l'aménagement de la Potsdamer Platz à Berlin ont d'ailleurs permis d'atteindre les objectifs de réduction de pollution de la Spree, rivière traversant la ville, en limitant les apports de nutriments présents dans les eaux de ruissellement (Köhler et al., 2003). Cependant, les tendances identifiées à ce jour restent mitigées, avec un impact globalement positif sur les composés de l'azote ainsi que sur l'aluminium, le plomb et le zinc malgré quelques rejets identifiés pour ces métaux, mais plutôt négatif sur le fer, le manganèse et les composés du phosphore. Ces résultats peu satisfaisants s'expliquent, selon Czemiel Berndtsson (2010), par un non dimensionnement des structures de végétalisation de toiture en vue d'une dépollution des eaux, problématique qui nécessite une meilleure compréhension des paramètres influençant le fonctionnement de ces structures pour être à même d'apporter des solutions.

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Sommaire

Principales caractéristiques des toitures végétalisées

Intérêt des toitures végétalisées pour la gestion des eaux pluviales : une synthèse bibliographique


Présentation des études identifiées

Un nombre d'études limité

Les premières études relatives à l'impact des toitures végétalisées sur la qualité des eaux pluviales ont eu lieu en Allemagne à la fin des années 1990 – début des années 2000 (Steusloff, 1998 ; Köhler et al., 2003). Puis cette thématique s'est développée en Suède sous l'impulsion de Czemiel Berndtsson qui a réalisé une thèse sur le sujet et publié de nombreux articles dont un état de l 'art sur les performances quantitatives et qualitatives des toitures végétalisées en terme de gestion des eaux pluviales (Czemiel Berndtsson et al. 2005, 2006, 2009 ; Czemiel Berndtsson, 2010). D'autres études ont également eu lieu en Amérique du Nord (Moran, 2005; Vander Linden, 2008), Estonie (Teemusk et al., 2007) ou encore au Japon (Czemiel Berndtsson et al., 2009) mais leur nombre reste restreint. Ainsi, via ces différents travaux, 56 études différentes de toitures ont pu être recensées, il s'agit soit de toitures différentes, soit parfois de toitures similaires étudiées à différentes périodes notamment pour les travaux de Czemiel Berndtsson.


Polluants analysés

Les polluants étudiés en sortie de toitures végétalisées sont dans un premier temps les nutriments (essentiellement NH4, NO3, N total, PO4 et P total) et un certain nombre de métaux identifiés comme PHE (Potentially Harmful Elements), notamment Cu, Fe, Zn, Pb, Cd ou Cr. Aucune publication analysant des polluants organiques tel que des pesticides ou des hydrocarbures n'a été recensée lors de la rédaction de cet article début 2012. Selon les articles, les auteurs présentent sous deux formes différentes les quantités de polluants dans les eaux en entrée (généralement pluie) et en sortie de toitures:

  • en terme de charge surfacique annuelle de polluants, exprimée en g/m²/an. Cette méthode permet de prendre en compte les quantités de polluants entrants et sortant de la toiture végétalisée, indépendamment des volumes d'eau, et donc d'évaluer précisément ce qui est retenu ou rejeté par la structure végétalisée.
  • en concentration de polluants, exprimée en mg/l. Donnée qui permet de comparer la qualité de ces eaux en sortie de toitures végétalisées à la réglementation en vigueur dans le domaine de la santé publique(Arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine.) et de la protection des milieux aquatiques (Arrêté du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d'évaluation de l'état écologique, de l'état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface).

Remarque : Concernant les métaux, certains d'entre eux, notamment le Cd, sont souvent non détectés dans les échantillons en entrée et sortie de toiture (Czemiel Berndtsson et al. 2005, 2006 et 2009). Dans ces études la limite de détection du cadmium était de 1 µg/l, or désormais, les règlementations telles que la Directive Cadre sur l'Eau exigent dans certaines masses d'eau des concentrations en cadmium inférieure à 0,08µg/l.


Quelques tendances générales

Comme indiqué par Czemiel Berndtsson (2010), d'importantes différences dans la qualité des eaux en sortie de toitures végétalisées peuvent être observées dans les études existantes. Cependant certaines tendances, décrites ci-dessous, peuvent être identifiées selon les polluants. Celles-ci sont issues de la réalisation d'un état de l'art prenant en compte les résultats de rapports et articles scientifiques décrivant le comportement d'une cinquantaine de toitures végétalisées.

Nutriments

Composés phosphorés : une tendance à l'augmentation des rejets dans plus de 90% des cas

On observe notamment une concentration en phosphore total de 1,42 mg/l en sortie de toiture dans une eau initialement dépourvue de cet élément (Czemiel Berndtsson et al. (2006)). Pour l'une des rares structures végétalisées ayant un impact positif sur les composés du phosphore, Köhler et al. (2003) indique toutefois une capacité de rétention intéressante de l'ordre de 76%.

Un impact majoritairement positif sur les composés azotés

Sur l'ensemble des toitures végétalisées évoquées précédemment et qui ont un impact épuratoire sur ces éléments, des diminutions moyennes de plus de 80% des concentrations de NH4 et 46% pour Ntotal entre l'entrée et la sortie des toitures ont été observées, et la moitié de ces toitures diminuait de plus de 95% la teneur en NO3.

Métaux

Des apports fréquents mais quantitativement limités

L'impact des toitures végétalisées en terme de rétention des métaux est mitigé. Après leur passage dans certaines toitures, des concentrations largement supérieures ont pu être observées dans les eaux en sortie, induisant par exemple des flux surfaciques annuels de 2,2mg/m²/an de Pb (Czemiel Berndtsson et al., 2005) ou encore de 1,2 mg/m²/an de As (Carillo, 2009) en sortie de toiture végétalisée alors que les apports en entrée étaient nuls. Cependant, l'augmentation de ces concentrations reste généralement largement inférieure à ce qui peut être observé pour les nutriments. Cela se rapproche donc des conclusions de Czemiel Berndtsson (2010) qui indique que les toitures végétalisées ne représentent pas un apport substantiel de métaux.

Des capacités épuratoires parfois très intéressantes
  • Chrome : impact positif dans 20% des cas et pour deux de ces toitures végétalisées la totalité du chrome présent en entrée a été retenu lors de son passage dans la toiture végétalisée (Czemiel Berndtsson et al., 2006).
  • Cuivre et Fer : impacts positifs dans 5 et 20% des cas environ avec une épuration moyenne de l'ordre de 75% (Czemiel Berndtsson et al. 2005, 2006 et 2009, Vander Linden, 2008)
  • Zinc : impact positif dans 40% des cas avec une capacité épuratoire moyenne de 42% et un maximum à 81% (Vander Linden, 2008).
  • Plomb : impact positif dans 44% des cas avec une capacité épuratoire supérieure à 80% pour la moitié d'entre eux.
  • Cadmium : Köhler et al. (2003) et Steusloff (1998) mentionnent des efficacités épuratoires vis-à-vis du Cd dépassant les 90%.

Des résultats influencés par les caractéristiques des toitures végétalisées

Ces toitures ont des caractéristiques très différentes les unes par rapport aux autres. Or, comme l'indique Czemiel Berndtsson (2010), ces paramètres peuvent avoir un impact sur la qualité des eaux pluviales en sortie de toitures végétalisées :

  • les apports de polluants (nature et quantité) auxquels elles sont soumises : la nature des dépôts atmosphériques de temps secs et temps de pluie est extrêmement variable selon les lieux et les activités à proximité de la toiture (zones résidentielles, commerciales, industrielles...), les saisons, les évènements pluvieux sur un même lieu... (Dembélé et al., 2008)
  • la nature et l'épaisseur des matériaux constitutifs de la toiture: végétaux, substrat, drainage... Par exemple, les substrats contenant des matériaux recyclés ont tendance à rejeter plus de métaux ( Carillo, 2009; Bates et al., 2007). Par ailleurs, sans pouvoir pour autant généraliser l'impact positif de l'épaisseur de substrat, on notera que les impacts des deux toitures d'épaisseur significativement importantes (environ 40cm) sur les concentrations en nutriments ainsi qu'en Fe, Pb et Zn sont tous positifs (Czemiel-Berndtsson et al., 2009).
  • leur âge. Au cours du temps les végétaux pourraient être moins à même d'absorber certains éléments, comme les composés de l'azote (Czemiel-Berndtsson, 2006), induisant une augmentation des concentrations. A l'inverse, des substances initialement présentes pourraient être progressivement épuisées et voir leurs concentrations décroître avec l'âge de la toiture (Köhler et al., 2003 ; Czemiel-Berndtsson, 2006)
  • les saisons aux quelles elles ont pu être étudiées. Celles-ci influencent en effet les capacités de rétentions hydriques de la structure végétalisée, pouvant induire une rétention plus ou moins importante de la pollution également, ainsi que les besoins en nutriments des végétaux notamment.
  • l'entretien qu'elles ont subi (nature, fréquence, quantité de fertilisants apportés...). Emilsson et al. (2007) ainsi que Czemiel Berndtsson (2005 ; 2009 ; 2010) identifient les apports de fertilisants comme la source majeure de nutriments dans les eaux en sortie de toitures végétalisées.
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Vers une toiture végétalisée épuratrice ?

Des structures pensées pour dépolluer les eaux

A ce jour, les toitures végétalisées ne sont pas dimensionnées en vue d'une dépollution des eaux pluviales (Czemiel Berndtsson et al., 2009). Pourtant cette fonction est attendue de ces structures du simple fait de la présence d'un sol et de végétaux. Or, concernant la dépollution des eaux par les zones humides, système comparable aux eaux de pluie traversant les structures de toitures végétalisées, il a été démontré que les zones humides construites avec pour objectif une capacité épuratoire optimisée sont considérablement plus efficaces que les zones humides naturelles (Horne, 2000; Mays et al., 2001). D'ailleurs, l'expérience positive menée sur la Potsdamer Platz (Berlin) dans les années 1990 (Köhler et al., 2003) a nécessité la réalisation de toitures végétalisées spécifiques à la problématique de réduction des nutriments dans les rejets urbains de temps pluie, notamment en terme de nature des matériaux et pratiques d'entretien mises en oeuvre (pas de fertilisation). Ces deux thématiques sont les pistes d'évolution des toitures végétalisées pour l'amélioration de la qualité des eaux pluviales également avancées par Czemiel Berndtsson (2010).

Des travaux de recherches complémentaires nécessaires

Plusieurs auteurs soulignent la nécessité de mener des études complémentaires sur des structures végétalisées suivies sur plusieurs années afin d'être en mesure d'évaluer les impacts des différents paramètres influençant le comportement des toitures végétalisées vis-à-vis de la qualité des eaux pluviales. Il serait également intéressant de suivre le cycle des polluants, notamment des métaux, au sein même des structures de végétalisation de toitures. Cela pourrait permettre en effet d'évaluer les proportions de polluants initialement présents dans l'eau de pluie et apportés par les matériaux constitutifs des toitures végétalisées dans les eaux issues de ces structures.

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Références bibliographiques

Bates A., Greswell R., Mackay R., Sadler J., Tellam J. (2007) Inaugural green roof research in Birmingham, UK: configuration and preliminary results. 2nd SWITCH Scientific Meeting, Tel Aviv, Israel, 25-29 November 2007, 10p.
Carillo L. (2009) Substrate quality assessment for extensive roof greening according to FLL guideline and quality assessment of resulting drainage water. Travail de fin d'étude pour l'obtention du diplôme d'ingénieur de l'Institut Supérieur des Sciences Agronomiques, Agroalimentaires, Horticoles et du Paysage, 92p.
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Czemiel-Berndtsson J. (2010) Green roof performance towards management of runoff water quantity and quality: a review. Ecological Engineering 36 (2010), pp. 351-360.
Dembélé A., Becouze C., Bertrand-Krajewski J.L., Barillon B., Coquery M., Cren-Olivé C. (2008) Prototype de collecte des retombées atmosphériques sèces et humides: description du dispositif, mode de fonctionnement et premiers résultats pour les métaux dissous. Actes des 3ème Journées Doctorales en Hydrologies Urbaines, 14-15 octobre 2008, Nancy, pp. 95-110.
Dembélé A., Becouze C., Bertrand-Krajewski J.L., Cren-Olivé C., Barillon B., Coquery M. (2009) Quantification des polluants prioritaires dans les rejets urbains de temps de pluie. TSM 2010 n°4, pp.60-76
Emilsson T., Czemiel Berndtsson J., Mattsson J., Rolf K. (2007) Effect of using conventional and controlled release fertiliser on nutrient runoff from various vegetated roof systems. Ecological Engineering, Volume 29, Issue 3 (2007), pp. 260-271.
Horne A. (2000) Phytoremediation by constructed wetlands. In Terry N. and Bañuelos G. (eds.) Phytoremediation of contaminated soil and water. Lewis Publishers, Boca Raton, FL, pp. 14-37.
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Mays P., Edwards G. (2001) Comparison of heavy metal accumulation in a natural wetland and constructed wetland receiving acid mine drainage. Ecological Engineering 16 (2001), p. 487-500.
Moran A., Hunt B., Jennings G. (2005) Hydrologic and Water Quality Performance from Greenroofs in Goldsboro and Raleigh, North Carolina. Paper presented at Green Roofs for Healthy Cities Conference in Washington, D.C. May 2005, 11p.
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Scholes L., Shutes R.B.E., Revitt D.M., Forshaw M., Purchase D. (1998) " The treatment of metals in urban runoff by constructed wetlands " The Science of the Total Environment 214 (1998), p. 211-219.
Steusloff S. (1998) Input and output of airborne aggressive substances on green roofs in Karlsruhe. In: Breuste J., Feldmann H., Uhlmann O. editors. Urban Ecology 1998, Springer-Verlag Berlin Heidelberg, Germany.
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Teemusk A., Mander U. (2007) Rainwater runoff quantity and quality performance from greenroof: the effect of short-term events. Ecological Engineering, volume 30, pp. 271-277.
Vander Linden W. (2008) Wet Weather Performance of an extensive vegetated roof in Waterloo, Ontario. Thèse de Master, Master of Environemental Studies in Planning, 140 p.

Références réglementaires

Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
Arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine
Arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments.
Arrêté du 17 juillet 2009 relatif aux mesures de prévention ou de limitation des introductions de polluants dans les eaux souterraines.
Arrêté du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d'évaluation de l'état écologique, de l'état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface pris en application des articles R. 212-10, R. 212-11 et R. 212-18 du code de l'environnement.
Arrêté du 8 juillet 2010 établissant la liste des substances prioritaires et fixant les modalités et délais de réduction progressive et d'élimination des déversements, écoulements, rejets direts ou indirects respectivement des substance prioritaires et des substances dangereuses visées à l'article R. 212-9 du code de l'environnement.


Le créateur de cet article est Julie Schwager
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