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L'aléa érosion sur le littoral des Côtes d'Armor

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Version du 16 mai 2013 à 13:49 par Iméne Benyoucef (discuter | contributions)

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Par BONNOT-COURTOIS C., LANÇON G. (CNRS. UMR 8586 PRODIG. Laboratoire de Géomorphologie et Environnement littoral. Dinard.), BIZIEN H., DE SAINT-LEGER E., IZABEL G. (GRESARC. Université de Caen. Station marine. Luc-sur-Mer.)

Sommaire

Abstract

The aim of this study concerns the understanding of the littoral risks along the entire coastline of the Côtes d’Armor county (northern Brittany coast, France).Coastal hazards were characterized and classified into several types according to the different geomorphological features. All the different types of coastal geomorphology occur in this area : igneous or sedimentary-rock cliffs, shingle bars, sandy beaches, muddy embayment, estuaries, coastal dunes, dykes and seawalls. The present-day status of the erosion were mapped overall the coastline. Different types of hazards were recognized and recommendations can be applied for the coastline management.

Key-words: hazards, erosion, coastal zone management, northern Brittany coast

Introduction

Figure 1 : Les communes littorales du département des Côtes d’Armor
Compte-tenu des risques de submersion induits par un recul à long terme du trait de côte associé à une montée du niveau de la mer (EUROSION, 2004), l’évaluation des aléas côtiers (au sens d’événements pouvant affecter le système littoral, d’après DAGORNE et DARS, 1999) en Europe est une donnée fondamentale pour la mise en place d’une gestion durable des zones côtières. L’étude du risque « érosion côtière » englobe nécessairement une évaluation de la vulnérabilité mais aussi, et en amont, une analyse précise des aléas. Dans ce cadre, le Service Prospective, Planification et Contrôles de la DDE des Côtes d’Armor a engagé une étude visant à mieux appréhender les risques littoraux liés à l’érosion côtière. Pour ce faire, une analyse de la géomorphologie du trait de côte et de la caractérisation de l’aléa « érosion » a été menée sur l’ensemble du littoral du département (Fig. 1).

Dans un premier temps, une cartographie de l’aléa a été élaborée pour chacune des 49 communes littorales du département afin d’avoir une représentation de l’état actuel du trait de côte. Les paramètres représentés concernent la géomorphologie du trait de côte et les caractéristiques morpho-dynamiques du littoral, les aménagements et le type d’aléa correspondant aux principaux facteurs d’érosion, qu’ils soient d’origine marine, continentale ou anthropique. Ces cartes ont été ensuite utilisées pour déterminer les secteurs sensibles qui ont fait l’objet d’une analyse plus détaillée de la vulnérabilité soulignant les enjeux et donc permettant une meilleure définition du risque « érosion côtière ». Enfin, à partir de ces exemples caractéristiques, il est possible de dégager des principes de base utiles à la gestion de ces littoraux pour chaque type d’aléa.

Méthodologie

Les cartes d’aléas ont été élaborées à partir de la synthèse des données des SMVM TrégorGoélo (Pinot, 1993, 1997) et Baie de Saint-Brieuc (Bonnot-Courtois et Lafond, 1995) et des nombreuses études sur la morphologie côtière et les problèmes d’érosion et d’aménagement du littoral des Côtes d’Armor (Albaret, 2003 ; Corre, 1999 ; Le Berre, 2002 ; Mahé, 1992 ; Moireau, 1998 ; Bouffort, 2002 ; Chevallier, 1996 ; Latteux, 2000 ; Labey, 2002 ; L.C.H.F., 1987) La cartographie synthétique de l’aléa a été réalisée sur le fond de carte Top 25 de l’IGN. L’échelle de travail est le 1/10 000ème pour un rendu cartographique au 1/25 000ème (Bonnot-Courtois et Lançon, 2004). Pour représenter au mieux la réalité terrain et visualiser rapidement les secteurs vulnérables, la légende a été partagée en trois grandes catégories : la géomorphologie côtière, les aménagements et le type d’aléas (Fig. 2). Les principaux types géomorphologiques de côtes sont représentés sur le littoral du département des Côtes d’Armor qui comprend :

  • des falaises taillées dans les roches dures cristallines (granites, gneiss) ou sédimentaires (grès du Cap Fréhel) et/ou dans des formations meubles quaternaires (dépôts périglaciaires de head et limons) ;
  • des côtes sableuses sous forme de cordons littoraux (sableux et de galets), plages adossées et flèches littorales, associées ou non à des massifs dunaires ;
  • des estrans vaseux de baies abritées et d’estuaires où s’installent les schorres.

Les aménagements sont représentés par des figurés spécifiques selon le type de protection : épis et cales, digues (perrés et digues en terre), enrochements, installations portuaires, protections ponctuelles de particuliers, aménagements légers de brise-vent dans les dunes. De façon générale, l’aléa est figuré sous forme de tiretés dans le tracé des faciès géomorphologiques, si le littoral présente une dégradation. L'orientation préférentielle des vagues à la côte est indiquée lorsque l'action des houles prédomine sur le secteur côtier considéré. Les problèmes d'érosion continentale liée au ruissellement et à l'éboulement des falaises, qu’elles soient rocheuses ou meubles, sont figurés par des étoiles dont la taille est proportionnelle à l'ampleur de l'érosion. Sont également figurés par des symboles spécifiques la surfréquentation des massifs dunaires et les zones basses de marais maritimes potentiellement inondables, soit par la mer, soit par des crues trop importantes des petits fleuves côtiers.

Figure 2 : Carte de l’extrémité Ouest du département entre les communes de Trédez et de PleumeurBodou
Légende de la figure 2

La cartographie détaillée (échelle 1/5000ème) des enjeux sur les 15 sites particulièrement sensibles a utilisé l’orthophotoplan 1998 de l’IGN comme fond de référence. Pour chaque secteur, deux cartes distinctes ont été réalisées sur la bande littorale des 200 mètres : une carte de l’occupation du sol présentant la physionomie des parcelles cadastrales et une carte de l’usage du sol précisant la fonction des enjeux (au rez-de-chaussée pour le bâti). Les données extraites des Plans d’Occupation du Sol et des Plans Locaux d’Urbanisme sont également figurées ainsi que la nature du trait de côte et des ouvrages de protection.

Types d’aléas et Géomorphologie côtière

Les aléas cartographiés correspondent soit à l’érosion marine dans les secteurs les plus exposés aux houles, soit à l’érosion continentale pour les effondrements des falaises meubles, soit encore à l’érosion anthropique au niveau de la fréquentation des massifs dunaires et de l’impact d’ouvrages longitudinaux de défense qui fragilisent les plages. La cartographie synthétique des données morpho-sédimentaires, des facteurs dynamiques et des tendances évolutives du littoral a permis d’identifier les sites les plus sensibles (Fig. 3).

Sur les 49 communes littorales du département, 35 d’entre elles présentent des problèmes d’érosion sur un ou plusieurs secteurs de leur trait de côte. La très grande majorité de l’aléa concerne l’instabilité des falaises meubles, le plus souvent d’origine continentale. S’y ajoutent l’érosion des plages, d’origine marine, et l’aléa submersion soit au niveau des zones basses de marais maritimes, soit par franchissement des ouvrages de protection dont l’altimétrie est trop basse par rapport aux niveaux extrêmes. Quinze secteurs sur les communes de Trédez, Trébeurden, Trégastel, Perros-Guirec, Trélévern, TrévoçuTréguignec, Pleubian, Ploubazlanec, Saint-Quay Portrieux, Plérin Les Rosaires, Pléneuf Val André, Erquy et Saint-Jacut de la mer (Fig. 3) ont fait l’objet d’une cartographie détaillée du risque car ils représentaient des enjeux significatifs d’ordre humain, économique et/ou patrimonial. (GRESARC, 2004)

Figure 3 : Caractérisation de l’aléa érosion sur l’ensemble du littoral du département

Les côtes à falaise

Dans les Côtes d’Armor, les côtes rocheuses sont représentées soit sous forme d’une « côte à dénudation », soit sous forme de fausses falaises (Pinot, 1998). Les côtes à dénudation se rencontrent essentiellement dans l’Ouest du département, entre Trélévern et Plougrescant (Fig. 4a), sur un linéaire côtier d’environ 50 km. Aucun problème majeur n’est à signaler, en dehors de quelques murets à restaurer comme dans l’anse de Pellinec sur la commune de Penvénan (Fig. 4a).

Figure 4a : Côtes rocheuses du département : côte à dénudation
Figure 4b : Côtes rocheuses du département : fausses falaises

Le plus bel exemple de fausses falaises du département est représenté par les falaises de Plouha (Fig. 4b) qui s’étendent sur un linéaire côtier d’environ 30 à 40 km. Les problèmes rencontrés sont essentiellement liés au problème d’érosion du sentier littoral. Quelques maisons, construites en haut de falaise sont menacées, comme à la plage du Palus où les risques d’éboulements menacent aussi les usagers de la plage. A l’Est, entre le Cap d’Erquy et le Cap Fréhel, les falaises, taillées dans la formation des grès rouges, sont très résistantes et se prolongent en mer par des écueils et des hauts-fonds. La couverture de dépôts meubles quaternaires est réduite et le ruissellement peu efficace à cause de l’extrême dureté de la roche et de l’infiltration de l’eau dans les diaclases. Aucune installation lourde n’est installée au bord de la falaise, il n’y a donc pas de risques majeurs. Seul le sentier littoral est menacé et il a été récemment réaménagé et reculé en arrière du bord de falaise . Les falaises meubles sont taillées dans les formations périglaciaires qui ont nappé de grandes surfaces du socle ancien particulièrement sur l’ensemble de la côte Nord de la Bretagne (Monnier, 1973). Ce loess forme la majeure partie des terres agricoles. Il est perméable et l’eau s’y écoule lentement, alourdissant le sédiment tout en le rendant glissant (Pinot, 1997). Ces falaises ne sont pas résistantes à l’attaque de la mer mais subissent également une érosion continentale liée aux infiltrations d’eau dans le sol. Ces falaises meubles évoluent assez rapidement car leur vitesse de recul est estimée en moyenne à 0,2 m/an depuis deux siècles (Pinot, 1998). A ces facteurs d’érosion naturelle, il faut ajouter les facteurs anthropiques qui jouent un rôle déterminant sur la stabilité de ces formations et qui, depuis 30 ans, ont accéléré le recul des versants. Les falaises meubles quaternaires sont très représentées sur le département, particulièrement dans la partie occidentale et c’est dans ce type de faciès que la majorité des aléas sont recensés. De nombreux exemples peuvent être cités d’Ouest en Est : plage de Notigou sur la commune de Trédez (Fig. 1), plage de Trestignel à Perros-Guirec, Kermarquer à Trélévern, plage de Trestel à Trévou-Tréguignec (Fig. 4a), Porz Hir en Plougrescant, Porz Even sur la commune de Ploubazlanec (Fig. 5 a), Porz Lazo à Plouezec, Tournemine à Plérin, plage de Lermot à Hillion, plage du Rougeret à Saint-Jacut (Fig. 5 b).


Fig. 5a : Falaises meubles taillées dans les dépôts quaternaires . Nord-Ouest de la baie de Saint-Brieuc
Fig. 5b : Falaises meubles taillées dans les dépôts quaternaires . Extrémité Est du département

L’érosion de ces falaises, d’origine continentale, est liée aux éboulements provoqués par la saturation en eau des formations meubles (Fig. 6). La construction de murs de soutènement au pied de ces falaises ne suffit généralement pas à éviter la poursuite de l’érosion si l’évacuation de l’eau n’est pas prévue. Ainsi, à Porz Hir et à Porz Even, des murs de protection sont déchaussés et basculés sur la plage sous la pression que les formations meubles exercent sur la face interne des murs Cet aléa érosion continentale concerne plusieurs secteurs à enjeux significatifs car le sommet des falaises est parfois entièrement urbanisé (Trestignel à Perros Guirec, site de Porz Garo/Port-l’Epine à Trélévern) (Fig. 6).

Plage des Vallées (Pléneuf) Porz Even
Anse du Pisso (Pléneuf)
Porz Hir
Trestel
Trestignel

Figure 6 : Exemples d’instabilité des falaises meubles quaternaires.(clichés C. Bonnot) Destruction des murs de soutènement et habitations menacées en bordure de falaises.

Les côtes sableuses : cordons littoraux, plages et massifs dunaires

Dans les Côtes d’Armor, les plages adossées se rencontrent très fréquemment sur l’ensemble du département.

  • Soit les plages sont petites et à l’écart des stations balnéaires et elles ne sont généralement pas aménagées. Il n’y a pas de problèmes de démaigrissement comme par exemple aux deux extrémités du département, dans l’anse de Plestin les Grèves et dans les petites criques de Lancieux (Fig. 5b).
  • Soit les plages sont situées aux abords ou dans les stations balnéaires et, dans ce cas, elles sont presque toutes bordées par un ouvrage longitudinal de haut de plage. Ces ouvrages ont été construits pour permettre l’urbanisation au plus près de la mer ou pour faire face à l’érosion des falaises qui servent d’ados. Un fort démaigrissement de la plage est observé sur de nombreux secteurs : plage de Trestignel à Perros-Guirec, plage du Royo (Trévou-Tréguignec, Fig. 4a), Port Lazo (Plouezec), Les Godelins (Etables), Les Rosaires à Plérin (Fig. 7), plage du Val André (Fig. 7) (Pléneuf), plage de la Banche (Saint-Jacut, Fig. 5b). L’aléa érosion marine est donc caractérisé sur ces sites exposés aux houles et il peut s’y ajouter un aléa submersion par franchissements des ouvrages qui bordent le trait de côte lorsque les aménagements n’atteignent pas une cote d’arase suffisante .
Plérin - Les Rosaires
Pléneuf - Val André

Figure 7 : Démaigrissement des plages lié à l’érosion d’origine marine (clichés C. Bonnot). Aggravation du phénomène d’érosion par réflexion des vagues sur des ouvrages longitudinaux trop pentus.

Les cordons littoraux sableux sont souvent surmontés par des massifs dunaires, qui séparent la plage de la zone humide située en arrière et jouent un rôle majeur dans l’équilibre sédimentaire du cordon littoral. Le recul de la dune est dû à l’action du vent qui transporte progressivement le sable sur le revers de la dune alors que la haute plage et le front dunaire sont attaqués par la houle. Le déséquilibre s’installe lorsque de trop grandes quantités de sable sont définitivement perdues pour le système dune/plage, soit par manque d’apports sableux en provenance de la plage et qui viendraient alimenter le haut estran, soit par soufflage des sables vers l’intérieur des terres, ou encore par fixation du trait de côte par un ouvrage longitudinal construit sur le massif dunaire. Dans les Côtes d’Armor, il existe de nombreux cordons littoraux sableux et deux exemples de restauration de massifs dunaires peuvent être cités :

  • Le massif dunaire de l’anse du Croc à Fréhel (ALBARET, 2003) qui était occupé par un camping et qui a été entièrement réaménagé par l’intallation de brise-vent et canalisation de la fréquentation. Ces dunes ont été fait l’objet d’une replantation d’oyats à l’intérieur des alvéoles des réseaux de ganivelles ce qui a permis leur réengraissement et la stabilisation du sable. La végétation dunaire est actuellement reconstituée et le profil du front dunaire se raccorde en pente douce et continue avec la haute plage.
  • La plage des Briantais et du Tertre Corlieu à Lancieux (Fig. 5b) possède un massif dunaire très important, qui subissait une érosion anthropique jusque dans le milieu des années 1980. Cette plage a été acquise en 1998-2000 par le Conservatoire du Littoral qui a entrepris un travail de restauration important et la dune est actuellement en bon état.

Les cordons de galets sont des formes d’accumulation qui évoluent de façon naturelle uniquement par l’action de la mer sur leur front. Les cordons littoraux de galets, généralement en bon état, sont nombreux : Port l’Epine à Trélévern, plage du Royo à Penvénan, Port La Chaine à Pleubian, Launay Mal Nommé à Ploubazlanec, baie de Poulafret à Paimpol. Cependant, la plage du Royo (Fig. 4) subit une érosion marine dans sa partie Ouest au niveau de la falaise de loess plus ou moins bien protégée par des enrochements mais également dans sa partie centrale où le cordon de galets reste altimétriquement bas ce qui peut provoquer un risque de submersion de la zone basse située en arrière du cordon où sont installés un camping, un parking et des habitations dont certaines sont récentes.

Sur le département, il existe deux beaux exemples de flèche à pointe libre, l’une de galets, l’autre sableuse :

  • la plus remarquable flèche à pointe libre est le sillon du Talbert en Pleubian (MONNIER, 1992). Cette flèche de galets s’avance obliquement en mer sur une longueur de 3 km mais son recul a été estimé à près d’un mètre par an sur les 40 dernières années (PINOT, 1998). A partir de 1974, la mise en place d’enrochements sur le front exposé du sillon a stabilisé l’enracinement de la flèche, mais sa partie médiane s’est aplatie car elle n’était plus alimentée en galets. Des brèches se sont ouvertes et le recul vers le Sud-Est s’est poursuivi. La solution préconisée en 2000 est d’enlever et de concasser sur place une partie des enrochements pour réalimenter en matériaux grossiers la partie médiane du sillon et de le laisser évoluer librement (LATTEUX, 2000).
  • le littoral de Sables d’Or les Pins (Fréhel) comprend l’unique flèche littorale sableuse de la baie de Saint-Brieuc. Cette flèche, ancrée à l’Est sur la falaise gréseuse de Fréhel, s’étire vers l’Ouest sur une longueur de 1 500 m et isole en arrière d’elle une petite lagune côtière. Le massif dunaire qui surmonte cette flèche sableuse a été urbanisé en 1924 et les problèmes de recul du front dunaire et d’instabilité de l’extrémité de la flèche nécessitent des mesures de gestion du massif dunaire.

Les côtes basses : marais maritimes, rias et estuaires

Dans le département, les marais maritimes les plus importants sont :

  • à l’extrémité Est, l’estuaire du Douron (Plestin) ;
  • en baie de Saint-Brieuc, le schorre de l’anse d’Yffiniac et celui de la lagune de Sables d’Or les Pins (Plurien) ;
  • à l’Ouest du département, la baie de la Fresnaye, l’estuaire de l’Arguenon (Fig. 5b) et la baie de Lancieux (Fig. 5b).

Le seul aléa lié aux marais maritimes n’est pas dû à l’évolution naturelle de ces milieux littoraux, mais à l’action de l’homme. Vers le XVIIIème siècle, ces zones abritées ont été utilisées par l’homme à des fins agricoles et ont été endiguées et poldérisées. Actuellement, ces polders constituent de bonnes terres agricoles mais l’entretien des digues anciennes (en terre) est souvent négligé, si bien qu’un risque d’inondation existe, comme cela a été le cas en 1990 et en 2006 à Ploubalay (Fig. 8).

Figure 8a : Rupture de la digue en terre et inondation des polders de Ploubalay en 1990 (clichés J.-M. Cochet)
Figure 8b : Rupture de la digue en terre et inondation des polders de Ploubalay en 1990 (clichés J.-M. Cochet)

Les estuaires présents sur le département (en particulier le Douron, le Jaudy, le Trieux, l’Arguenon) ne posent pas de problème géomorphologique particulier et ne nécessitent pas de prendre des mesures contre l’envasement qui les touchent. Le problème majeur rencontré dans les fonds de baie est l’asphyxie du schorre par les algues vertes.

Préconisations pour une gestion du trait de côte

Il est possible de définir des principes de base utiles à la gestion des littoraux pour chaque type d’aléa. Les préconisations varient pour un même aléa en fonction de la présence ou non d’ouvrages et de la géomorphologie du trait de côte.

Aléa érosion continentale

Deux types de morphologies littorales se distinguent :

  • les côtes constituées de formations cristallines dont le toit présente un fort pendage, surmontées de formations meubles. Ces secteurs sont soumis au problème des infiltrations d’eau qui finissent par déstabiliser les limons quaternaires. Les principes à retenir sur ces secteurs sont :
    1. de ne pas construire de sentiers ou de route en sommet ou au pied des falaises à cause des éboulements ;
    2. de cultiver parallèlement à la falaise et de conserver une bande végétalisée à proximité de la corniche ;
    3. de ne pas construire d’habitations sur la pente de la fausse falaise et de raccorder les maisons existantes à un réseau de collecte des eaux usées ;
  • les falaises meubles constituées de loess, donc de sédiments fins perméables dans lesquels les écoulements se font lentement. Les infiltrations alourdissent le sol et le rendent glissant. Pour ces secteurs, les préconisations sont les suivantes :
    1. ne pas construire sur ces falaises ;
    2. raccorder les maisons à un réseau de collecte des eaux usées ;
    3. collecter également les eaux pluviales pour leur évacuation vers des stations d’épuration ou à l’intérieur des terres ;
    4. drainer les formations meubles, les infiltrations liées aux habitations ont multiplié par deux (localement par 3 ou 4) la vitesse de recul du trait de côte ;
    5. éviter les terrassements en sommet de falaise ou la mise en charge (circulation lourde par exemple).

De nombreux sites du département sont concernés par ces recommandations (PINOT, 1998). L’arrêt total de l’érosion supposerait la construction de murs de soutènement sur tout le linéaire concerné et surtout sur toute la hauteur de la falaise, ce qui suppose des protections coûteuses et inesthétiques. Lorsque de tels ouvrages sont construits sur la haute plage pour fixer le trait de côte et éviter la poursuite de l’érosion, il est important de prévoir des barbacanes permettant l’évacuation de l’eau, ce qui permet de limiter la pression des terrains sur la face interne des murs. Concernant l’aléa érosion continentale, majoritaire sur le département, il est important d’informer les communes et les particuliers sur l’importance de la canalisation des eaux et l’inefficacité des ouvrages bas mis en place en pied de falaises meubles. L’interdiction de la construction d’aménagements nouveaux (habitations ou autres) et l’information des randonneurs en sommet et en pied de falaise sont fortement conseillés pour des raisons de sécurité. Il peut également être envisageable et nécessaire de déplacer les voies existantes en sommet de falaise.

Aléa érosion marine

Sur le littoral des Côtes d'Armor la majorité des plages est dite "de poche" car il s'agit d'anses sableuses, de petite taille, encadrées par des promontoires rocheux. Dans l'ensemble, ces plages sont peu exposées à l'érosion marine. Toutefois, elles restent soumises aux fluctuations saisonnières des profils de plage, les sables dérivant sur la haute plage en fonction de la provenance de l'agitation, ou migrant temporairement vers les petits fonds en période hivernale. Les plages ayant subi un démaigrissement, souvent lié à la mise en place d'un ouvrage longitudinal en haute plage, devraient être rechargées et les sables maintenus en place par la construction d'épis (sous réserve d'une étude de faisabilité confirmant l'opportunité de ces interventions). Les plages des Rosaires et de Saint-Laurent (commune de Plérin-lesRosaires), exposées au Nord-Est, pourraient faire l'objet de telles opérations. Cependant, un suivi de la dynamique sédimentaire permettant de mettre en évidence les tendances évolutives sur les sites confrontés au phénomène d'abaissement de la plage constitue un préalable à toute intervention. En effet, cette connaissance détaillée du milieu est un atout important lors du dimensionnement des aménagements littoraux. Dans le cadre d'un projet de rechargement, une étude préalable doit permettre de préciser s'il existe ou non des sites excédentaires en sables à proximité de la plage en érosion (en domaine découvrant ou sur les fonds sous-marins) et si la granulométrie du sédiment est compatible avec une opération de ré-engraissement de plage. Lorsqu'un site d'emprunt est identifié, le rechargement de plage s'effectue généralement :

  • soit par voie terrestre, à l'aide d'engins mécaniques (pelleteuses, tombereaux et bouteurs), si un site excédentaire en sables accessible à marée basse est trouvé non loin de la plage érodée ;
  • soit par l'intermédiaire d'une drague, aspiratrice dans la plupart des cas (les conditions requises pour permettre l'approche d'une drague automotrice et autoporteuse en vue d'un clapage direct sur le bas estran étant souvent trop contraignantes). Un mélange d'eau et de sables dragués est alors refoulé hydrauliquement vers des bassins de décantation aménagés sur le site à recharger, via des canalisations assemblées sur plusieurs centaines de mètres. L'intervention d'une drague est cependant conditionnée par la bathymétrie et l'exposition du site d'extraction vis-à-vis de l'agitation.

Si la construction d'épis s'avère nécessaire, pour favoriser l'exhaussement naturel de la plage par interception partielle du transit littoral (s'il est significatif) ou pour maintenir sur site les sables de rechargement, différents types d'ouvrages peuvent être envisagés, en fonction principalement de leur géométrie et des matériaux utilisés. Sur plusieurs sites en érosion, des modifications directement apportées à l'ouvrage longitudinal visant à le rendre moins réflectif vis-à-vis des vagues pourraient constituer une alternative ou un complément à la solution épi et/ou rechargement.

Aléa érosion anthropique

Sur les sites présentant des cordons dunaires sableux tels que la flèche sableuse de Sables d'Or (Fréhel) et les massifs dunaires de la partie Est du département (communes de Fréhel, Saint-Cast et Lancieux), l'érosion d'origine anthropique peut conduire à une dégradation rapide du milieu (Ministère de l’Environnement, 1984). L'entretien des aménagements mis en place afin de canaliser la fréquentation sur les cordons dunaires doit être poursuivi pour leur préservation. Un suivi régulier de ces infrastructures permettrait de favoriser une remise en état rapide et efficace plutôt que des réparations de grande ampleur. Si des dégradations venaient à se produire sur les cordons dunaires, les interventions à faire prévaloir sont une replantation rapide de végétation pour fixer les sables, éventuellement précédée d'un remodelage des dunes. En revanche, la construction de protections contre la mer en dur en pied des massifs dunaires est à proscrire car elle peut provoquer la suppression définitive des échanges sableux entre la plage et la dune.

Aléa submersion

L'aléa submersion se caractérise par l'envahissement temporaire de zones basses situées en arrière du trait de côte. La plupart des zones naturelles soumises à ces phénomènes correspond à des marais où l'environnement faunistique et floristique est adapté aux conditions changeantes du milieu. La richesse de ces sites naturels est souvent méconnue. Aucune intervention d'ordre structurelle ne s'impose sur ces secteurs en dehors d'éventuelles mesures conservatoires visant à limiter la fréquentation anthropique. Au plan non structurel, une information des populations par des panneaux explicatifs permettrait de sensibiliser le public à la fragilité de ces environnements. Sur les secteurs à enjeux des Côtes d'Armor, le trait de côte est généralement figé par des ouvrages de défense contre la mer. Les submersions peuvent néanmoins survenir par franchissements lorsque les aménagements n'atteignent pas une cote d'arase suffisante. Afin de déterminer si le dimensionnement des ouvrages permet une protection efficace contre les submersions, des mesures d'altimétrie devraient être réalisées sur les sites où cette information fait défaut. La comparaison avec les niveaux marins extrêmes permettrait alors de quantifier l'aléa submersion (extension, volumes des franchissements) et de programmer des interventions éventuelles (rehaussement des ouvrages ou de la plage, structures permettant l'absorption de l'énergie des houles…).

Conclusion

L’étude relative à l’aléa érosion littorale et à l’évaluation des risques sur le rivage des Côtes d’Armor a permis de hiérarchiser les phénomènes à l’origine de l’érosion des plages et au recul du trait de côte sur le département.

Il s'est avéré en particulier que la principale cause de recul du trait de côte sur le département est moins d'origine marine que d'origine continentale. En effet, le trait de côte est constitué, notamment dans la partie occidentale du département, par des falaises taillées dans les formations meubles du Quaternaire au sein desquelles les écoulements sont singulièrement lents. Tout apport d'eau, qu'il soit d'origine météorique (eaux de pluie) ou issu des habitations non raccordées à un réseau de collecte des eaux (usées et pluviales), a pour conséquence d'alourdir le sédiment et de le rendre glissant. Sur le littoral, les glissements de terrain se traduisent par l'éboulement de ces formations meubles sur la grève. La mer joue alors un rôle dans la dispersion des éboulis qui protègent le pied de falaise.

Sur les sites naturels, non urbanisés, les risques sont limités aux promeneurs qui fréquentent le sentier littoral en sommet de falaise et aux usagers de la plage située en contrebas. Dans ce cas, des panneaux d'information signalant le danger devraient être mis en place de façon visible, sur le chemin littoral et au niveau des accès à la plage. Sur les secteurs à enjeux limités, il conviendra de confronter le coût d'une éventuelle protection contre l'érosion à celui des biens menacés, afin de juger de l'opportunité d'une intervention ou, au contraire, de laisser le site évoluer naturellement. Une procédure d'expropriation peut être envisageable si les enjeux menacés sont faibles au regard du coût de la protection à mettre en place pour entraver les glissements de terrain.

Pour les secteurs construits, des plaquettes expliquant le rôle des infiltrations dans l'érosion littorale et incitant les élus à développer les réseaux de collecte des eaux usées et pluviales au sein de ces zones instables, devraient être adressées aux mairies concernées. Ces plaquettes devraient également informer les particuliers du risque encouru à construire à proximité du trait de côte, et encourager les maires à interdire toute nouvelle construction en bordure littorale. Une information concernant l'inefficacité des ouvrages bas mis en place au pied de ces falaises meubles dans le cadre de la lutte contre le recul du trait de côte, devrait également figurer sur ces brochures. Localement, des routes ont été construites en sommet de falaise meuble et ces voies devraient être réservées à la circulation des véhicules légers, dans la mesure du possible, afin d'éviter la déstabilisation du sous-sol par surcharge.

Des érosions d'origine marine ont été observées localement, sur les secteurs les plus exposés à l'agitation. Des démaigrissements de plage ont également été constatés sur des sites plus abrités, en avant d'ouvrages de défense contre la mer trop réflectifs. Sur ces secteurs, un suivi de l’évolution altimétrique des plages permettrait d'ajuster le degré de vulnérabilité de certaines zones menacées ou qui pourraient l'être dans un futur plus ou moins proche. Un tel suivi permettrait également d'apprécier l'impact réel des aménagements de protection contre la mer sur l'évolution des plages, et d'intervenir en cas de besoin pour réduire les impacts négatifs en terme d'évolution morpho-sédimentaire.

Des sites potentiellement exposés à l'aléa submersion ont été identifiés mais, le plus souvent, des lacunes concernant la cote d'arase des ouvrages ne permettent pas de se prononcer quant au degré de vulnérabilité des biens situés en arrière du trait de côte. Ces manques pourront être comblés par des mesures topographiques, dont les résultats seront comparés aux niveaux marins extrêmes connus pour la région. Sur les secteurs naturels à enjeux limités, la submersion de zones basses situées en arrière du trait de côte peut dans certains cas s'avérer acceptable, une intervention humaine n'étant alors pas indispensable.

D'une façon générale, les élus devraient être sensibilisés à l’intérêt d’une connaissance du fonctionnement hydro-sédimentaire des sites sensibles et aux conséquences d'un abaissement de plage sur la stabilité des ouvrages de défense contre la mer. L'objectif serait d'aboutir à un outil d'aide à la décision intégrant la totalité des données nécessaires pour optimiser la gestion à moyen terme de la bande côtière.

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