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Solutions de gestion durable des eaux pluviales urbaines (HU) : Différence entre versions

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[[File:figure 1.JPG|600px|center|thumb|<center>''<u>Figure 2</u> : Les niveaux de service à atteindre, les objectifs à prioriser et les solutions à mettre en œuvre sont différents selon le niveau de la sollicitation pluvieuse ; les objectifs pris en compte sont les suivants : Objectif 1 : Éviter les nuisances locales (eau stagnante, boue, etc.) et les risques sanitaires associés ; Objectif 2 : Limiter la pollution apportée aux milieux aquatiques ; Objectif 3 : Contrôler les risques d’inondation localement et à l’aval ; <u>Source</u> : Chocat ''et al.' (2022), adapté de  CERTU (2003).''</center>]]
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[[File:figure 1.JPG|600px|center|thumb|<center>''<u>Figure 2</u> : Diversité des fonctions que doit assurer une solution de gestion durable des eaux pluviales et des indicateurs de performances associés ; <u>Source</u> : Flanagan ''et al.'' (2022). ''</center>]]
  
 
===Limites du terme « Technique alternative »===
 
===Limites du terme « Technique alternative »===
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[[File:figure 2.JPG|600px|center|thumb|<center>''<u>Figure 3</u> : Diversité des fonctions que doit assurer une solution de gestion durable des eaux pluviales et des indicateurs de performances associés ; <u>Source</u> : ARCEAU (2019). ''</center>]]
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[[File:figure 2.JPG|600px|center|thumb|<center>''<u>Figure 3</u> : Les niveaux de service à atteindre, les objectifs à prioriser et les solutions à mettre en œuvre sont différents selon le niveau de la sollicitation pluvieuse ; les objectifs pris en compte sont les suivants : Objectif 1 : Éviter les nuisances locales (eau stagnante, boue, etc.) et les risques sanitaires associés ; Objectif 2 : Limiter la pollution apportée aux milieux aquatiques ; Objectif 3 : Contrôler les risques d’inondation localement et à l’aval ; <u>Source</u> : Chocat ''et al.' (2022), adapté de  CERTU (2003).''</center>]]
  
 
Ces deux points de vue sont bien sûr totalement réconciliables et doivent absolument être réconciliés pour les raisons suivantes :
 
Ces deux points de vue sont bien sûr totalement réconciliables et doivent absolument être réconciliés pour les raisons suivantes :
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* Chocat, B., Cherqui, F. (2018) : Proposition d’une typologie systématique des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales ; TSM, N°11 ; pp 9-46 ; disponible sur https://doi.org/10.1051/tsm/201811039  
 
* Chocat, B., Cherqui, F. (2018) : Proposition d’une typologie systématique des techniques alternatives de gestion des eaux pluviales ; TSM, N°11 ; pp 9-46 ; disponible sur https://doi.org/10.1051/tsm/201811039  
 
* De Gouvello, B. (2022) : (Re)penser la gestion de l'eau en ville à partir du bâtiment. Innovations à l'échelle du bâtiment: diffusion et impacts à l'échelle urbaine ; Mémoire d'habilitation à diriger les recherches soutenue le 4 janvier ; ENPC ; 171 p.
 
* De Gouvello, B. (2022) : (Re)penser la gestion de l'eau en ville à partir du bâtiment. Innovations à l'échelle du bâtiment: diffusion et impacts à l'échelle urbaine ; Mémoire d'habilitation à diriger les recherches soutenue le 4 janvier ; ENPC ; 171 p.
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* Flanagan, K., Barraud, S., Gromaire, M.-C., Rodriguez, F. (2022) : Guide méthodologique pour l’évaluation de performances des ouvrages de maîtrise à la source des eaux pluviales, Office français de la biodiversité (OFB), septembre, 164 p. https://professionnels.ofb.fr/fr/node/1252
 
* Fletcher, T.D., Shuster, W., Hunt, W.F., Ashley, R., Butler, D., Arthur, S., Trowsdale, S., Barraud, S., Semadeni-Davies, A., Bertrand-Krajewski, J.-L., Mikkelsen, P.S., Rivard, G., Uhl, M., Dagenais, D. (2015) : ''SUDS, LID, BMPs, WSUD and more – The evolution and application of terminology surrounding urban drainage'' ; Urban Water Journal ; n° 12(7) ; pp 525-542 ; disponible sur https://doi.org/10.1080/1573062X.2014.916314
 
* Fletcher, T.D., Shuster, W., Hunt, W.F., Ashley, R., Butler, D., Arthur, S., Trowsdale, S., Barraud, S., Semadeni-Davies, A., Bertrand-Krajewski, J.-L., Mikkelsen, P.S., Rivard, G., Uhl, M., Dagenais, D. (2015) : ''SUDS, LID, BMPs, WSUD and more – The evolution and application of terminology surrounding urban drainage'' ; Urban Water Journal ; n° 12(7) ; pp 525-542 ; disponible sur https://doi.org/10.1080/1573062X.2014.916314
 
* Lloyd, S.D., Wong, T.H.F., Chesterfield, C.J. (2002) : ''Water sensitive urban design - a stormwater management perspective'' ; CSIOR Industry Report No. 02/10, Cooperative Research Centre for Catchment Hydrology, Melbourne, Australie.
 
* Lloyd, S.D., Wong, T.H.F., Chesterfield, C.J. (2002) : ''Water sensitive urban design - a stormwater management perspective'' ; CSIOR Industry Report No. 02/10, Cooperative Research Centre for Catchment Hydrology, Melbourne, Australie.

Version du 7 décembre 2022 à 14:50

Traduction anglaise : Solutions for the sustainable management of urban stormwater

Dernière mise à jour : 07/12/2022

Cet article est un texte introductif qui vise à préciser le vocabulaire technique utilisé dans le domaine de la gestion des eaux pluviales, et tout particulièrement celui que l'on associe à leur gestion durable, telle qu'elle est définie dans le Plan national d’action sur la gestion durable des eaux pluviales. Il est largement inspiré de l'article "Contribution à une meilleure explicitation du vocabulaire dans le domaine des solutions dites "alternatives" de gestion des eaux pluviales urbaines" (Chocat et al., 2022). Il est complété par plusieurs dizaines d'articles spécifiques qui précisent chacune des notions évoquées ici.

Sommaire

Les enjeux et les difficultés de la communication

L’assainissement a pendant longtemps été exclusivement du ressort des hydrologues, des hydrauliciens ou des spécialistes des réseaux, tant au niveau opérationnel qu’au niveau de la recherche (voir La ville et son assainissement (HU)). Cependant, depuis une cinquantaine d'années, un profond changement de paradigme dans la façon de gérer les eaux pluviales se met progressivement en place (voir Aménagement urbain et gestion des eaux pluviales (HU)). Après une lente maturation, ce changement est en train de s'accélérer, comme le montre le Plan national d’action sur la gestion durable des eaux pluviales, cité plus haut, faisant suite au rapport du CGEDD (Roche et al., 2017), et publié en novembre 2021 ainsi que l'implication forte de très nombreuses collectivités.

L'une des principales caractéristiques de ce nouveau paradigme consiste à positionner la gestion des eaux de pluie comme un élément fort de la structuration urbaine, en particulier du fait de la relation qu'elle entretient avec l'occupation des sols. Pour cette raison, il mobilise de façon transversale un très grand nombre d'acteurs : spécialistes de l’aménagement du territoire (urbanistes, paysagistes, architectes, routiers, etc.), gestionnaires d’infrastructures (routes, voies ferrées, etc.) mais aussi usagers et élus. De plus ces acteurs doivent s'appuyer sur des problématiques extrêmement diversifiées :

  • climatiques : comment s'adapter aux multiples conséquences du changement climatique (en particulier modification de la fréquence et de la sévérité des canicules et des périodes de sécheresse ou de celles des épisodes pluvieux violents) ?
  • hydrologiques : comment mieux maîtriser les risques d'inondation ?
  • écologiques  : comment mieux gérer la ressource en eau et limiter les impacts des rejets urbains sur les milieux aquatiques ?
  • urbanistiques : comment mieux valoriser l’eau dans le paysage et dans les rapports sociaux ?
  • environnementaux : comment mieux répondre à la demande de "renaturation" des villes (même si ce mot est souvent mal compris) ?
  • etc.

Pour ces différentes raisons l'appropriation et le partage de ce nouveau paradigme est difficile et cette difficulté est accrue parce que le vocabulaire, comme les concepts, sont encore en phase de construction.

Cet article vise ainsi à essayer de lever différentes sortes de malentendus qui proviennent du fait que :

  • des termes différents sont utilisés pour désigner le même objet ou le même concept ;
  • des termes apparemment voisins, voire strictement identiques, sont utilisés pour désigner des objets ou des concepts différents.

Son but n'est pas de normaliser le vocabulaire mais de fournir une grille de lecture permettant de clarifier les échanges.

Le principe retenu consiste à associer à chaque terme une liste de propriétés qui définissent sans ambiguïté l’objet ou le concept auquel il fait référence. Nous l'appliquerons à deux champs différents de terminologie :

  • celui des concepts généraux qui structurent la réflexion et la stratégie ;
  • celui du vocabulaire technique proprement dit et en particulier sur la façon de désigner et de distinguer les différentes familles d'ouvrages.

Vocabulaire associé au contexte général de la gestion durable des eaux pluviales urbaines

Qu'est-ce que la gestion durable des eaux pluviales urbaines ?

La première difficulté consiste à bien cerner l'objet même sur lequel porte cet article, c'est à dire à préciser ce que l'on entend par gestion durable, notion extrêmement floue qui peut être utilisée dans des contextes très divers (Rodhain, 2007).

La première définition possible est celle du Plan national d’action sur la gestion durable des eaux pluviales qui indique dans son introduction :

  • "La gestion durable des eaux pluviales est un mode de gestion visant à limiter au maximum le ruissellement des eaux pluviales, en ayant par exemple recours à des solutions favorisant leur infiltration."

Cette définition apparaît très restrictive, en particulier en confondant les objectifs et les moyens.

A l'autre extrême, on trouve la notion de développement durable, telle qu'elle a été définie dans le rapport Bruntland (1987), comme l'objectif de développement compatible avec les besoins des générations futures et reposant sur trois piliers : économique, environnemental et d'équité sociale (figure 1).


Figure 1 : Les principes du développement durable : gérer, restaurer et protéger des ressources plus ou moins renouvelables ; Source : Lamiot — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7718384

Lorsque l'on applique cette notion aux eaux pluviales on aboutit à des objectifs très larges consistant principalement à pérenniser une gestion soutenable des eaux pluviales et dont l’un des principes est de considérer les eaux pluviales urbaines comme une ressource et non comme un problème (Belmezitti et al., 2015). Le nombre de fonctions à remplir et d'indicateurs à considérer devient alors très important (figure 2). Ce type d'approche peut concerner différentes échelles de territoire (ville, quartier, zone aménagée, bassin versant), et met l'accent sur l'objectif à atteindre (le caractère soutenable des solutions) mais pas sur les moyens pour les atteindre.

Nous allons essayer dans ce paragraphe de positionner les différents termes utilisés pour désigner les stratégies de gestion des eaux pluviales entre ces deux extrêmes.


Figure 2 : Diversité des fonctions que doit assurer une solution de gestion durable des eaux pluviales et des indicateurs de performances associés ; Source : Flanagan et al. (2022).

Limites du terme « Technique alternative »

Le terme technique alternative a été le premier utilisé (dès le début des années 1970) pour désigner les solutions répondant en partie aux définitions précédentes de la gestion durable. Il reste encore aujourd’hui le plus utilisé.

Ce terme présente l’avantage d'être connu, au moins dans le milieu des techniques urbaines. Il est simple, générique et simplifiable en "T.A.", mais il présente cependant différents inconvénients :

  • Il est très vague puisqu’il ne se définit que par opposition au réseau d’évacuation et a beaucoup évolué au cours du temps. Il permet donc à chacun de l’utiliser pour désigner les solutions qu’il préconise en croyant que tout le monde comprend à quoi il fait référence. Le problème est que chacun à une vision particulière de ce qu’est une solution "alternative au réseau". Elle peut ainsi correspondre à une solution "sans tuyau", ou, "à l’amont du tuyau", ou encore, "à l’aval du tuyau" !
  • Il met de façon appuyée l'accent sur le côté technique des solutions proposées. Ceci est dommageable car l’évolution de la prise en compte des enjeux amène à dépasser très largement le cadre purement technique. Les solutions proposées, ou plus exactement les espaces urbains qu'elles mobilisent, ont en effet souvent pour vocation de servir de support à d'autres usages que la seule gestion des eaux pluviales (voir Aménagement urbain et gestion des eaux pluviales (HU)).
  • Il maintient ces solutions dans un statut "d'alternative". Il peut donc laisser penser que ces solutions constituent une alternative à la solution "normale" qui resterait le réseau. Le terme d'alternative peut également être compris comme une opposition, voire une incompatibilité, entre les deux types de solutions. A l'échelle de l'opération, le moment est sans doute venu de considérer ces solutions "sans réseau" comme les solutions à étudier en première intention et de faire en sorte que ce soit le réseau qui soit la solution de repli ou complémentaire. A l'échelle du bassin versant, le réseau préexiste et constitue un patrimoine à utiliser au mieux. L’objectif consiste donc à combiner ces deux éléments de solution le plus opportunément possible.

Autres terminologies existantes

Depuis le "technique compensatoire", cher aux Bordelais, et qui date de la même époque que "technique alternative", un très grand nombre d’autres termes ont été proposés, certains traitant de l’aménagement lui-même et d’autres plutôt de choix plus globaux de gestion. Ces termes ont souvent été proposés par le besoin de remplacer le terme "technique alternative" ou, de façon plus constructive, pour incorporer des enjeux spécifiques. De ce fait, même s'ils ont un socle commun (la volonté d'une "meilleure" gestion des eaux pluviales), ils mettent l'accent sur des enjeux spécifiques et ne recouvrent pas exactement les mêmes réalités comme le montre la liste commentée des termes les plus utilisés :

  • Solution sans réseau ou Solution sans tuyau : il s’agit d’une variante de technique alternative, mais qui élimine de fait :
    • les solutions "au bout du tuyau", par exemple un bassin de stockage/infiltration alimenté par un réseau traditionnel ou inséré dans un réseau traditionnel ;
    • les solutions "à l'amont du tuyau", par exemple une toiture stockante à débit régulé débitant vers le réseau (Nota : le terme "sans tuyau" est plus clair car ce sont les réseaux souterrains qui sont visés et non d’éventuels réseaux de surface tels que les réseaux de noues.).
  • Gestion à la source ou Solution à la source : cette appellation pose en principe que toute goutte d’eau doit être gérée au plus près de l’endroit où elle tombe ; elle ne pose aucune contrainte sur le type de solution (verte ou grise, c'est à dire végétalisée ou non) mais impose que celle-ci soit la plus locale possible (avec un minimum de concentration des écoulements de façon à minimiser les volumes à gérer).
  • Gestion à la parcelle : relativement proche du précédent, ce terme insiste en plus sur la domanialité : chaque propriétaire doit gérer chez lui l’eau qu’il produit. Cela pose par principe la compensation de l’impact de l’aménagement. L’une des questions est de savoir s’il est possible et pertinent d’aller plus loin que ce qui est imposé depuis le code Napoléonien, c’est-à-dire ne pas aggraver la situation naturelle (ou le plus souvent antécédente) du fond inférieur (art. 640 et 681 du Code Civil). Cette définition peut poser des problèmes lorsque l’aménagement n’utilise qu’une partie d’une parcelle ou en recouvre plusieurs. Elle peut conduire à réduire les possibilités de gestion en se restreignant à une échelle administrative.
  • Gestion décentralisée : également proche des précédents du fait de la proposition implicite de règles différenciées selon les lieux mais sans imposer de localisation particulière. S’oppose à une solution unique (dite centralisée) permettant de gérer l’ensemble des eaux pluviales d’un bassin versant par un dispositif unique. Ce terme est cependant ambigu car il ne donne aucune indication sur la taille des surfaces des bassins versants concernés par la centralisation.
  • Infrastructure verte : ce terme est constitué de deux composants faisant référence à des notions assez différentes :
    • "L’infrastructure" qui structure la ville ou le quartier et semble nécessiter une vision d’ensemble nécessairement collective, et ;
    • L’adjectif "vert" qui insiste sur la nécessité de la végétalisation et exclut de fait les solutions « grises » ;
    • Par certains côtés ce concept est proche de celui des "trames ou corridors vert(e)s et bleu(e)s", ou encore des "réseaux écologiques" (axe structurant, linéarité, etc.), lequel peut être défini comme un réseau interconnecté d’espaces verts qui conservent une valeur et une fonction écologiques, et qui fournissent des bénéfices associés pour la population (Benedict & Mcmahon, 2002), cité par (Brockbank et al., 2017).
  • Solution verte : ce terme qui définit également la solution par son caractère végétalisé est plus général que le précédent : la solution peut être locale (à la source) et ne pas nécessairement s’intégrer dans une infrastructure pensée à une échelle plus large ; il s’oppose à "solution gris" et élimine de ce fait des solutions de type chaussées à structure réservoir ou toitures stockantes non végétalisées, ce qui est probablement dommage.
  • Solution fondée sur la nature pour la gestion des eaux pluviales : au sens de l'UICN (2018), il s'agit d'actions "visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité ". Les concepts sous-tendus par cette notion vont encore plus loin que pour le terme précédent et font directement référence à l’ingénierie écologique. Au-delà du caractère végétal, il s’agit de redonner à l’espace des fonctions « naturelles » susceptibles de rendre des services écosystémiques : réalimentation du sol et des nappes, filtration de l’eau, support de biodiversité, de bien-être pour les habitants, etc. Ce terme tend à devenir une référence pour les documents réglementaires et stratégiques en particulier au niveau européen. Il recouvre alors des notions complémentaires telles que la co-élaboration des projets pour en assurer la pérennité.
  • Solution hybride pour la gestion des eaux pluviales : le concept d’hybride est majoritairement compris comme la combinaison d’éléments "verts" végétalisés ou naturels avec des éléments "gris" construits (Naylor et al., 2017). L’hybridation peut être au niveau de l’ouvrage (une noue avec des parties enherbées et des tuyaux pour l’arrivée d’eau) ou à une échelle plus large (combinaison d’un réseau et d’autres solutions sur un bassin versant). Plus récemment, le concept d’hybride tend également à intégrer la notion de contrôle intelligent (smart). Cette expression décrit de façon correcte la constitution de l’ensemble des solutions, mais elle n'est nullement explicative des principes qu'elle recouvre et ne permet pas de clarifier les échanges entre acteurs.
  • Désimperméabilisation ou reperméabilisation de la ville : il s’agit là d’un concept de nature un peu différente car il met plutôt l’accent sur un principe de base consistant à corriger les conséquences de la politique hygiéniste antérieure en redonnant de la perméabilité aux sols urbains. Ce terme met donc plutôt l’accent sur les solutions reposant sur l’infiltration ; en revanche, il ne privilégie pas explicitement les solutions vertes : un enrobé perméable à la place d’un enrobé imperméable permet également de désimperméabiliser la ville. Il se rapproche des concepts de ville sensible à l’eau ("Water Sensitive city"), (loyd et al., 2002) qui vise à rendre invisible la ville vis-à-vis du cycle de l’eau ou de ville éponge (sponge city), (Tu & Tian 2015).
  • Déconnexion des surfaces imperméables : cette notion est voisine de la précédente mais plus générale. Le principe consiste à autoriser des aménagements imperméables à la condition que le ruissellement soit dirigé vers un dispositif, par exemple d’infiltration, et non vers un réseau d’évacuation. Le potentiel de déconnexion des surfaces imperméables est très supérieur à celui de désimperméabilisation ; en particulier, il peut concerner les bâtiments (Sohn et al., 2017). De manière plus anecdotique et notamment dans les aides des agences de l’eau, il concerne aussi la possibilité de déconnecter les eaux pluviales qui allaient vers un réseau unitaire (ou eaux usées !) pour les diriger vers un exutoire pluvial ou naturel.

En plus de ces désignations techniques, on trouve également trois autres termes génériques, au moins aussi englobant que celui de gestion durable :

  • Gestion intégrée des eaux pluviales : l’idée principale consiste dans ce cas à mettre l’accent sur le fait que la gestion des eaux pluviales urbaines ne doit pas être conçue comme un objet indépendant mais comme un élément d’un système plus grand dans lequel elle doit s’intégrer. Ce système peut être un territoire (la ville, le bassin versant) et/ou prendre en compte de façon holistique l’ensemble des dimensions et des acteurs des eaux pluviales et non seulement se focaliser sur leur évacuation (sécurité des usagers, multifonctionnalité des usages urbains, écosystème urbain local, etc.). Beaucoup considèrent qu'une approche intégrée est indispensable pour assurer la durabilité et rapprochent les deux concepts (gestion intégrée et durable). Préciser le type d’intégration semble nécessaire pour (bien) se comprendre.
  • Gestion de l'eau par la ville : Expression proposant un changement de perspective heuristique et opérationnelle en considérant conjointement et en amont la fabrique de la ville et la gestion de l'eau, notamment en pensant l'articulation des flux d'eaux, d'énergie, des matières organiques et nutriments en fonction des configurations et échelles urbaines. Basée sur la prise en compte comme ressources potentielles de l'ensemble des propriétés des eaux urbaines, cette approche appelle à la construction d'un dialogue intersectoriel tant entre chercheurs que professionnels (De Gouvello, 2022). Elle se rapproche de celle de ville respectueuse de l’eau promue par l’IWA (https://iwa-network.org/projects/water-wise-cities/).

La liste proposée ici, même si elle n'est pas exhaustive, montre que la diversité du vocabulaire utilisé ne constitue que la partie visible d’une pluralité d’approches, mélangeant d'ailleurs des règles à appliquer aux aménagements eux-mêmes et des options de gestion préconisées à des échelles plus globales. Il est d'ailleurs à noter que ce problème de terminologie et de sémantique n'est pas strictement français ; il se pose également à l’international car une multitude termes existent aussi en anglais : Best Management Practices (BMPs), Sustainable Urban Drainage Systems (SUDS), Low Impact Development Systems (LIDS), Stormwater Control Measures (SCM), Nature Based Solutions (NBS),Green Storm Control Measures (GSCM), etc. (Fletcher et al., 2015). Il s'agit donc bien d'un problème de concept et de choix d’un point de vue particulier sur la gestion de l'eau dans la ville et non d'un simple problème de vocabulaire.

En résumé, la terminologie visant à expliciter le terme de départ de "gestion durable" recouvre un terme trop connoté ("technique alternative"), des termes adaptés mais pas plus explicites que celui de départ ("gestion intégrée des eaux pluviales", "gestion de l'eau par la ville") et des termes plus précis mais qui ne réalisant pas une partition claire du domaine étudié.

Il semble donc important de préciser les frontières de chaque terme pour clarifier quelles solutions ou approches sont incluses / exclues et de donner les clés pour les utiliser de façon plus compréhensible par chacun. Pour ceci il est dans un premier temps nécessaire d’identifier les raisons pour lesquelles ce vocabulaire s'est autant diversifié.

Quelles fonctions doivent remplir les solutions de gestion des eaux pluviales ?

L’objectif de ce paragraphe est d’identifier les critères qui conditionnent le mode de raisonnement des acteurs de la gestion des eaux pluviales et, en conséquence, qui structurent leur façon de penser, les stratégies, et donc le vocabulaire qu’ils utilisent.

la gestion de ces eaux répond à quatre enjeux principaux intimement liés :

  • Ressource, dans le sens de ressource en eau, mais aussi, par extension, dans le sens de « services écosystémiques » à l’échelle du bassin versant ou de la ville (services d'approvisionnement, services de régulation, services socioculturels, services de soutien ou services de support) (Millennium ecosystem assesment, 2005).
  • Support potentiel d’aménité urbaine et de paysage (services écosystémiques à une échelle plus locale), voire de politiques urbaines.
  • Pollution transférée par les eaux pluviales et le ruissellement.
  • Inondations liées aux eaux pluviales et au ruissellement.

Une partie importante des incompréhensions entre les acteurs provient de la façon dont le dernier enjeu, le risque d’inondation, est pris en compte par rapport aux autres. De façon un peu caricaturale, il est possible de considérer deux approches extrêmes :

  • Une approche technique, héritée d'une longue tradition d'ingénieurs, qui considère que les solutions mises en œuvre sont avant tout des ouvrages hydrauliques qui doivent être capables de répondre à toutes les formes de sollicitations hydrologiques non exceptionnelles. La protection contre les inondations est alors considérée comme l’enjeu principal et ceci conduit à considérer le dimensionnement pour les pluies fortes (correspondant au niveau de protection choisi, voir figure 3) comme le principal paramètre de conception. Les autres enjeux ne sont pas nécessairement oubliés mais apparaissent comme complémentaires. C’était le rôle historique attribué aux réseaux et aux premiers bassins de retenue. Voir Aménagement urbain et gestion des eaux pluviales (HU).
  • Une approche privilégiant l’aménagement doux pour laquelle les solutions de ce type sont essentiellement destinées à gérer localement la totalité des flux produits par les situations courantes. Ce sont les trois premiers enjeux précédents qui priment dans la conception et les aménagements avec comme bénéfice secondaire de contribuer à la limitation du risque d’inondation à l’aval en tant qu’ « actions sans regrets ». Ces solutions peuvent bien sûr contribuer à éviter de renvoyer une partie du volume vers l’aval (en particulier en acceptant le principe d'un débordement contrôlé dans l’emprise du projet). Cependant la prise en charge des flux produits par les pluies fortes est principalement reportée sur d’autres dispositifs, par exemple le réseau d’assainissement traditionnel, ce qui est d’ailleurs illusoire car ce réseau est souvent saturé pour ces pluies.


Figure 3 : Les niveaux de service à atteindre, les objectifs à prioriser et les solutions à mettre en œuvre sont différents selon le niveau de la sollicitation pluvieuse ; les objectifs pris en compte sont les suivants : Objectif 1 : Éviter les nuisances locales (eau stagnante, boue, etc.) et les risques sanitaires associés ; Objectif 2 : Limiter la pollution apportée aux milieux aquatiques ; Objectif 3 : Contrôler les risques d’inondation localement et à l’aval ; Source : Chocat et al.' (2022), adapté de CERTU (2003).

Ces deux points de vue sont bien sûr totalement réconciliables et doivent absolument être réconciliés pour les raisons suivantes :

  • Il est tout à fait possible de concevoir des ouvrages à vocation principalement hydraulique et qui soient parfaitement intégrés dans leur environnement ;
  • Il est également tout à fait possible de concevoir des solutions « douces » qui soient dimensionnées pour faire face à des événements ayant une période de retour considérée comme rare en hydrologie urbaine (certaines collectivités demandent de dimensionner ces solutions pour des périodes de retour de 30 ans) ;
  • Enfin, indépendamment de l’approche retenue, il ne sera jamais possible de faire face, par des ouvrages techniques, aux épisodes pluviaux les plus intenses. C'est pourquoi, quel que soit le niveau de protection défini par un territoire et pris en compte pour le dimensionnement des systèmes de gestion des eaux pluviales, il est obligatoire d'adapter la ville pour la rendre résiliente vis-à-vis des événements extrêmes. Ceci peut être fait en utilisant un réseau majeur d’évacuation constitué par les rues et destiné à conduire les eaux vers des zones sans enjeux ou aménagées pour (CERTU, 2003) (figure 3). C'est d'ailleurs l'un des éléments de la logique du Zonage Pluvial rendu obligatoire par la Loi sur l'Eau de 1992 et qui doit en particulier intégrer la définition des axes de ruissellement.


Bibliographie


Pour en savoir plus

  • Chocat, B., Cherqui, F., Afrit, B., Barjot, G., Boumadhi, M., Breil, P., Célérier, J.L., Chebbo, G., De Gouvello, B., Deutsch, J.C., Gromaire, M.C., Hérin, J.J., Jairy, A., Maytraud, T., Paupardin, J., Pierlot, D., Rpdriguez, F., Sandoval, S., tabuchi, J.P., Werey, C. (2022) : Contribution à une meilleure explicitation du vocabulaire dans le domaine des solutions dites « alternatives » de gestion des eaux pluviales urbaines ; TSM n°5 2022 ; pp 103
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