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Wikibardig:Sollicitations hydrauliques sur les digues : influence de la géomorphologie

De Wikibardig

Sommaire


Cette page est extraite de l’ouvrage « Référentiel technique digues maritimes et fluviales »

En géologie, la géomorphologie est la science qui étudie les formes d'un relief ainsi que leurs évolutions, le domaine qui étudie la morphologie de la terre, les caractéristiques morphométriques, la configuration et l'évolution de formes de terrains et de roches.

Selon l'étymologie même du mot, cela consiste en l'étude scientifique des formes du terrains (reliefs) mais aussi les processus telluriques qui les façonnent. (Source : https://www.aquaportail.com/definition-11629-geomorphologie.html)

Une digue de protection contre les inondations fluviales ou les submersions marines est implantée dans un environnement susceptible d’évoluer.

L’approche géomorphologique vise à fournir au concepteur de l’ouvrage les informations nécessaires pour définir les évolutions prévisibles de l’environnement de l’ouvrage.

Le processus d’étude doit être itératif. En effet, l’évolution morphologique de l’environnement de l’ouvrage peut conduire à des pathologies de l’ouvrage, voire à sa rupture. Réciproquement, la présence de l’ouvrage peut avoir une influence plus ou moins marquée sur l’environnement de l’ouvrage et qui s’en trouve ainsi modifié.

Par ailleurs, les évolutions morphologiques peuvent aussi avoir un impact en termes de modification des sollicitations hydrauliques, de la même manière que la création ou la modification d'un système de digues peut avoir des conséquences en termes de morphodynamique ou de modification des sollicitations hydrauliques.

Les évolutions morphodynamiques s'étudient à différentes échelles de temps :

  • Courte, pendant les événements crue ou tempête,
  • Moyenne et longue pour des actions non exceptionnelles, à la durée d'un cycle de maintenance/diagnostic (10 ans par exemple pour respecter la réglementation française actuelle),
  • Durée de vie prévisible de l'ouvrage (100 ans en toute vraisemblance).

Géomorphologie fluviale

En préambule, il convient de rappeler que la logique de la morphologie fluviale est liée à la logique des écoulements liquides, à la logique du transport solide et à l’influence de la végétation. Seule une approche globale peut éviter des échecs. Toute intervention doit être précédée d’une phase de diagnostic du comportement de la rivière sur un tronçon bien plus long que celui sur lequel on compte intervenir.

Le guide traitant de l’hydraulique et de la morphologie fluviale [Degoutte, 2006] constitue un ouvrage de référence dans ce domaine.

Transport solide

Pour définir les sollicitations géomorphologiques, il faut s’intéresser au transport solide du cours d’eau et de ses affluents. Deux modes caractérisent le transport solide :

  • Le charriage (mouvement de roulement ou de saltation [1]. près du fond) concerne plus particulièrement les sables, les graviers, les galets et les blocs ;
  • La suspension, concernant plus particulièrement les sables et les limons, est due à la turbulence s’opposant à la chute du sédiment.

En règle générale, la pente d’un cours d’eau décroît de l’amont vers l’aval plus ou moins régulièrement. Les dépôts les plus grossiers se situent alors dans le cours amont, alors que les plus fins continuent leur transit vers l’aval. Ainsi, l’étendue granulométrique est large dans les parties amont et se resserre à l’aval. Les affluents dont les pentes sont plus fortes peuvent apporter à nouveau des matériaux plus grossiers. Dans les rivières à pente forte ou moyenne, certains gros grains peuvent avoir un rôle structurant en organisant une armature de surface, appelée pavage, que seule une forte crue pourra détruire. Dans les rivières pavées, le transport solide peut être très inférieur de ce qu’il aurait été sans cette protection. Si le pavage est emporté à l’occasion d’une forte crue, le substratum peut être découvert et le transport solide peut s’en trouver grandement modifié en fonction à la résistance à l’érosion du substratum. Il n’y a pas de formule universelle de transport solide. Toutes les formules de transport solide doivent être utilisées avec prudence car elles ont été établies à partir de mesures dans des conditions particulières notamment en terme de topographie, granulométrie et d’hydraulique. Dans les torrents (pente supérieure à 6%), le charriage a un rôle prédominant et influe fortement sur l’écoulement liquide. La hauteur d’écoulement est significativement supérieure à ce qu’elle serait en présence d’eau seule. La hauteur d’écoulement est encore plus importante lorsqu’il s’agit de laves torrentielles.

  1. processus de transport de sédiment par l'eau ou par le vent. Entraîné par le fluide, les particules, de la taille des sables ou des graviers, se déplacent par sauts. Source: https://www.aquaportail.com/definition-7623-saltation.html

Morphologie des cours d’eau

Dans une rivière, l’écoulement n’est jamais uniforme en raison des variations géométriques (largeur, pente) et de la présence de singularités naturelles ou artificielles (méandres, obstacles, ouvrages, végétation, …). Les zones de fortes vitesses sont les zones privilégiées d’érosion, a contrario les zones de faibles vitesses sont propices aux dépôts.

Le lit des cours d’eau est façonné par le transport solide et le transport liquide. Au-delà d’un certain débit, le lit va évoluer : ce sont les crues morphogènes. L’évolution du lit peut concerner la largeur, la profondeur et la pente. Ces évolutions dues à la discontinuité des apports (solide et liquide) sont appelées « respiration » mais le lit maintient en général sur le long terme un équilibre entre la pente, la granulométrie des matériaux du fond et le régime hydraulique.

Un tronçon de rivière considéré est à l’équilibre si le taux d’érosion est égal au taux de dépôts. Cet équilibre général n’est en rien contradictoire avec des processus localisés alternant des zones d’érosion et des zones de dépôt, notamment dans les coudes.

Les affluents les plus importants peuvent modifier les apports solides et liquides. Le cours d’eau s’adapte en modifiant sa pente.

L’érosion, si le lit s’approfondit, et l’exhaussement, dans le cas contraire peuvent être régressifs, s’ils se développent de l’aval vers l’amont, ou progressifs, de l’amont vers l’aval.

L’érosion régressive est la conséquence d’un abaissement du fond alors que l’érosion progressive est due à un déficit en matériaux transportés par charriage.

Les processus d’évolution concernent aussi le tracé en plan de la rivière. Le plus souvent, la forme du lit évolue de l’amont vers l’aval d’un cours d’eau :

  • tracé rectiligne et vallée étroite, à l’amont,
  • puis tracé en tresses large et plat, composés de plusieurs chenaux séparés par des bancs,
  • suivi d’un style divagant, le nombre de tresses diminue et un tracé principal sinueux s’organise,
  • lit unique à méandres nettement calibré, à l’aval.

Dans le cas des rivières à méandres, des évolutions de tracé conduisent à un déplacement des méandres (reptation, déplacement latérale, coupure). Dans le cas des rivières en tresses, les évolutions concernent les bras (déplacement, création et comblement).

Sollicitations du cours d’eau sur la digue

Les évolutions géomorphologiques peuvent avoir un impact sur la sécurité des digues d’autant plus que celles-ci sont proches du lit mineur. La présence ou l’absence d’un espace entre le lit mineur et l’ouvrage ainsi que la plus ou moins forte mobilité naturelle du lit conditionnent la nécessité d’une étude morphologique plus ou moins approfondie.

Divers processus sont susceptibles d’être rencontrés :

  • érosion des berges par le courant pouvant déstabiliser la digue ;
  • évolution du tracé du cours d’eau qui peut augmenter la vitesse d’écoulement au droit de la digue et donc provoquer une érosion du talus ou saper le pied de la digue;
  • réactivation d’un ancien bras sur lequel ou à proximité duquel la digue est implantée ;
  • évolution du profil en long par enfoncement localisé ou généralisé modifiant les conditions de surverse ;
  • évolution du profil en long par exhaussement localisé ou généralisé modifiant les conditions de surverse ;
  • Formation d’embâcles qui peuvent être, d’une part, des agresseurs pour les berges voire les digues, et, d’autre part, à l’origine de surverses.

L’étude géomorphologique peut comporter plusieurs volets.

Elle peut viser à définir le fuseau de mobilité du cours d’eau et à estimer les vitesses d’évolution dans ce fuseau, très rapides à l’échelle d’une crue, ou lentes. Pour cela peuvent être utilisés :

  • des documents cartographiques historiques :
    • cartes de Cassini,
    • cadastres napoléoniens ;
    • campagne de topographie spécifique (ex : Loire 1850, Rhône 1856) ;
  • des documents plus récents :
    • cartes IGN,
    • plans cadastraux,
    • cartes géologiques,
    • photographies aériennes,
    • profils en long du fil d’eau de la rivière,
    • levés bathymétriques.

En complément, il est utile de faire une analyse à une échelle plus fine. Sur le terrain le géomorphologue recherchera la présence de pavage, d’anciens chenaux, de zones d’érosions et de dépôts… Une analyse granulométrique des alluvions permet d’apprécier la composante sédimentologique. La profondeur et la nature du substratum des matériaux de recouvrement (y compris les berges) conditionnent la possibilité que les mécanismes d’érosion se développent plutôt en profondeur ou au contraire latéralement.

La végétation joue un rôle généralement positif sur la résistance des berges car elle limite l’érosion et le glissement. Cependant son action peut aussi être inverse : turbulences érosives, basculement d’arbres… La végétation ligneuse est source de dangers pour la digue si elle est implantée dessus ou à proximité de ses pieds [Zanetti et al, 2008]. L’étude de la végétation, utile pour apprécier l’impact de celle-ci sur l’ouvrage et sur la berge environnante, peut être étendue plus en amont pour évaluer le risque d’embâcles : arbres arrachés, présence de pièges potentiels (ponts, seuils, coudes prononcés). La présence d’îles ou d’atterrissements implique un rétrécissement local, une divergence des lignes de courant et un mouvement hélicoïdal des masses d’eau. Les forces tractrices sur les berges sont donc augmentées.

Impact de la digue sur le lit de la rivière

La réalisation d’une digue ou le déplacement d’une digue peuvent modifier l’équilibre morphologique de la rivière en créant une discontinuité du transport des matériaux grossiers. Le rétrécissement du lit peut conduire à l’apparition d’érosions et, a contrario un élargissement peut favoriser des dépôts. Si la perturbation est suffisamment longue, le cours d’eau retrouvera un équilibre en modifiant sa pente et son tracé (méandrage). Les conséquences ne sont pas limitées au tronçon endigué : en général, on constatera une érosion régressive à l’amont de l’endiguement et à un dépôt à l’aval (ré-élargissement). Si l’aménagement est court, une variation locale du fond est à attendre.

En cas d’érosion d’une couche alluviale de faible épaisseur, le substratum peut être découvert. Dans ce cas et si celui-ci est tendre ou peut se déliter, l’érosion peut être considérable. A l’inverse, selon la granulométrie du lit, l’érosion peut être limitée par la formation d’un pavage.

Un nouvel endiguement sur un cours d’eau à l’équilibre aura pour conséquences morphologiques de provoquer :

  • l’incision d’un cours d’eau, d’autant plus forte que les digues sont hautes et que l’espace inter digues est réduit (augmentation du tirant d’eau, des vitesses d’écoulement et donc des forces tractrices),
  • un dépôt des matériaux transportés en suspension dans l’espace inter-digues, d’autant plus épais que cet espace est réduit et que la phase en suspension et la fréquence des débordements sont importantes.


Geomorphologie-Schéma1.jpgGeomorphologie-Schéma2.jpg

Dépôt dans l'espace inter-digues et approfondissement du lit mineur consécutif à l’élévation du niveau d’eau due à la suppression des débordements dans le lit majeur

Selon Ramette (guide d’hydraulique fluviale), les fonds évoluent sensiblement parallèlement aux fonds initiaux. L’approfondissement est de l’ordre de :

ΔH = H0 ((Q/Qm)2/3-1)

Avec :

Q : débit du lit endigué,

Qm : débit du lit mineur avant endiguement (Qm < Q),

H0 : profondeur du lit mineur avant endiguement


Références

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