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Wikigeotech:Les dix commandements du compactage

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Version du 9 mars 2018 à 15:54 par Yasmina Boussafir (discuter | contributions)

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Par Georges ARQUIÉ

Les informations qui figurent dans cet article sont issues d’un ouvrage plus complet sur le sujet[1] et d’une synthèse présentée dans la Revue Générale des Routes et Aérodromes[2]. Cet article ayant été rédigé en 1970, certaines notions développées à cette époque ont depuis évoluées et ont fait l’objet de recommandations. Pour plus de lisibilité par rapport à l’actualité, on trouvera en italique des références aux documents actuels.

Sommaire

1- « Sur le compactage, point ne lésineras »

exemple de fissure en crête de talus lié à un défaut de compactage du bord de remblai
Les dépenses de compactage ne représentent qu’un très faible pourcentage de la route que l’on construit, de l’ordre de grandeur de 1%. Les économies que l’on peut faire sur le compactage sont donc tout à fait minimes. Or une insuffisance de compactage entraine des dépenses ultérieures, sans aucune mesure avec l’économie procurée. Tassement différentiel des remblais, déformations d’assises mal compactées, diminution grave, voire effondrement de leurs caractéristiques mécaniques, rendront très onéreux l’entretien de la chaussée ou imposeront des réparations, dont le prix pour la collectivité dépasse leur simple coût, car les usagers subiront tous les inconvénients des chantiers sous circulation ou des déviations.

2- « Ton projet, en temps utile, étudieras »

Ce commandement résulte des indications précédentes. Ce n’est pas au moment de la réalisation des travaux que l’on doit s’apercevoir des difficultés : l’ingénieur maître d’œuvre et l’entrepreneur qui va exécuter doivent impérativement étudier : nature du matériau, circonstances atmosphériques probables, solutions de remplacement, etc. de manière à ne pas, tels la cigale de la fable, se trouver fort dépourvus lorsque la bise (ou la pluie) sera venue.

La RTR[3] de 1976 puis le GTR[4] de 1992 (réédité en 2000) ont depuis fourni toutes les informations utiles permettant d’adapter les engins de compactage en fonction de la nature des matériaux et des conditions météorologiques. Avant l’édition de ces documents, les marchés travaux faisaient référence à un tableau d’utilisation des matériaux de déblais. Un document édité par le Sétra concernant la météorologie[5], bien que très ancien, fournit des indications précieuses et toujours d’actualité sur les études statistiques des données météo analysant les fenêtres d’exécutions de travaux en conditions favorables et défavorables.

3- « La saturation et l’imperméabilisation jamais ne conjugueras »

Lorsqu’un matériau (sol fin) est à la fois peu perméable et avec un degré de saturation élevé, il est incompactable, soit que l’on voit apparaître le phénomène du coussin de caoutchouc, soit que le sol se comporte comme une boue. Il faut donc éviter de se placer dans une telle situation et les commandements 4 et 5 exposeront comment. Mais le troisième commandement n’interdit pas de compacter les sols saturés s’ils sont suffisamment perméables pour que l’on puisse expulser leur eau. Les indications que nous donnerons sur les remblais hydrauliques le montrent.

Le GTR[4] autorise le compactage des sols fins à l’état hydrique humide mais cela n’évite en aucune façon les phénomènes de matelassage, d’orniérage et autres phénomènes liés à l’excès d’eau tels que décrits dans l’article.

4- « Des sols fins, l’indice de consistance étudieras »

Nous croyons avoir clairement montré dans notre ouvrage que, comme le mentionne le commandement n°3, la caractéristique essentielle des sols fins, du point de vue du compactage, est leur imperméabilité ; c’est ce phénomène qui leur confère des propriétés difficiles si la teneur en eau est trop élevée. Plus que la teneur en eau absolue, jouent d’ailleurs des caractéristiques relatives telles que degré de saturation (le degré de saturation est le rapport du volume des vides occupé par l’eau au volume total des vides) et indice de consistance. C’est ainsi que le coussin de caoutchouc, dont le mécanisme n’est plus mystérieux, apparaît lorsque le degré de saturation est voisin de 1.
4.1- l’emploi de ces sols en remblai impose l’étude des teneurs en eau naturelles, c’est-à-dire de celles constatées au lieu d’emprunt.
4.2- il est aussi nécessaire de réfléchir aux conditions climatiques probables au moment des travaux. Ce n’est que si celles-ci sont favorables que la teneur en eau probable de compactage w sera plus basse que la teneur en eau naturelle, puisque maîtrisée aisément par les pratiques classiques d’aération.

S’il n’en est pas ainsi, tout ce que l’on peut espérer obtenir du chantier, c’est que grâce à des précautions convenables sur lesquelles nous reviendrons, la teneur en eau de compactage ne dépasse pas la teneur en eau naturelle. Dans ce cas, la teneur en eau probable de compactage sera la teneur en eau naturelle augmentée de 1 ou 2 points. 4.3- En comparant cette teneur en eau probable de compactage avec les limites d’Atterberg, on peut déterminer l’indice de consistance probable :

Ic = (wL – w)/IP

Avec

  • wL = limite de liquidité
  • w =teneur en eau probable de compactage
  • IP = indice de plasticité.

Le tableau I donne une première indication grossière des possibilités de compactage. Bien entendu, les frontières indiquées sont très approximatives et l’on cherchera seulement dans ce tableau une possibilité d’exploration des difficultés à attendre. En particulier, les valeurs de Ic indiquées comme frontière sont très imprécises et très grossièrement approximatives ; les une proviennent de la littérature technique, les autres de réflexions et de supputations. Elles demandent donc à être confirmées par une expérimentation ; mais même aussi floues, elles peuvent servir de signal d’alarme lors des premières études d’un projet.

L’idée centrale ainsi que certaines valeurs décrites dans ce commandement se retrouvent dans les tableaux de classification du GTR[4], dans la colonne évaluation des états hydrique des matériaux de classe A.

Indice de consistance Ic Difficultés de compactage
Ic < 0,5 Le sol est boueux ou même liquide ; le compactage est impossible.
0,5 < Ic < 0,75 à 0,8 Compactage très difficile ; la portance est très faible.
0,8 < Ic < 1,0 Compactage possible mais peu efficace ; coussin de caoutchouc possible
1,0 < Ic < 1,1 Compactage efficace
1,1 < Ic < 1,3 Voisinage de l’optimum
1,3 < Ic Le sol commence à devenir trop sec


Tableau I – difficultés de compactage d’un sol fin en fonction de l’indice de consistance





Celles-ci sont précisées en dressant des diagrammes Proctor et C.B.R complets. Nous conseillons vivement de faire figurer sur ces diagrammes la teneur en eau probable de compactage ou plutôt la gamme de ces teneurs en eau, c’est-à-dire la fourchette dans laquelle il est probable que se tiendra la teneur en eau au moment du compactage. Cette étude menée au moment du projet conduira au choix d’une solution parmi celles possibles et qui, dans les cas extrêmes mais non rares, comporte l’évacuation du sol à la décharge et son remplacement ou son traitement à la chaux. Nous ne nous étendrons pas sur ce traitement et renvoyons soit aux articles qui traitent du sujet, soit à notre ouvrage [1].

4.4- nous pensons que dans ce court résumé, il est plus important de rappeler que l’on doit prendre au déblai et au remblai des précautions qui éviter qu’une pluie ne vienne augmenter la teneur en eau du matériau et entraîner un important arrêt de chantier. Le cinquième commandement traite de ces précautions.

5- « Au déblai, l’évacuation des eaux prévoiras et au remblai pareillement »

Il est possible d’obtenir, comme indiqué plus haut, que la teneur en eau de compactage ne s’élève pas au-dessus de la teneur en eau naturelle (c’est-à-dire celle existant dans le corps du déblai) et cela malgré des circonstances atmosphériques défavorables, mais il faut alors prendre une série de précautions tant au déblai qu’en remblai.

5.1- il faut d’abord prévoir l’évacuation des eaux. Non seulement on doit ménager des pentes suffisantes aux surfaces excavées ou à la partie supérieure du remblai en cours d’exécution, mais il faut aussi entretenir ces pentes et venir tous les soirs combler les cuvettes où l’eau pourrait séjourner et lisser la surface du remblai pour imperméabiliser la surface de celui-ci.

exemple de déblai sans exutoire, photo Hervé Havard

5.2- il faut aussi éloigner l’eau du chantier, et pour cela mettre en place et entretenir en bon état un système adéquat et complet d’évacuation des eaux.

5.3- on ne doit pas extraite du sol d’avance que l’on laisserait dans un état foisonné. En effet, si une précipitation se produit sur un tel matériau, la pénétration de l’eau en serait facilitée. Certes, il est recommandé, lorsque les circonstances atmosphériques sont favorables, de foisonner le sol pour l’aérer. Mais ce procédé est véritablement un procédé de gribouille quand il fait mauvais. Il est donc indispensable, au-moment de l’exécution des travaux, de suivre les circonstances atmosphériques pour s’adapter à elles et aérer lorsqu’elles sont favorables et stables (et au besoin même aérer d’avance) et au contraire ne pas foisonner le sol d’avance lorsque les circonstances sont défavorables.

6- « D’une solution de remplacement disposeras, si nécessaire évidemment »

Si l’étude préalable montre que le sol, placé dans les conditions probables de compactage, ne pourra pas être compacté, il ne faut pas décider de l’éliminer en toutes circonstances. On peut avoir de la chance et rencontrer des circonstances atmosphériques exceptionnellement favorables, il faut alors garder la possibilité d’en tirer parti. Mais il faut aussi être prêt à éliminer le matériau et à le remplacer par un autre insensible à l’eau. On peut aussi le traiter à la chaux (cf. paragraphe 4-3 ci-dessus).

7- « Les craies tendres, de malaxer éviteras »

« Je suis rocher, voyez ma masse. Je suis un sol, voyez mes fines ». Ambivalentes comme la chauve-souris du fabuliste, les craies et les marnes qui se présentent au chantier d’extraction sous l’apparence d’une roche massive, se transforment souvent après avoir subi des manipulations, des malaxages, des compactages sous l’aspect d’une pâte plastique incompactable. Ce n’est cependant pas toujours le cas. Certaines craies restent assez dures pour échapper à une telle transformation. Nous les examinerons au paragraphe 7.2 ci-après.

Le GTR[4] a permis de préciser des règles d’utilisation des craies basées sur leur classification en fonction de la masse volumique sèche.

7.1- craies et marnes sols. Il s’agit de matériaux à porosité élevée et à forte teneur en eau, où des grains de très petites dimensions sont soudés entre eux par des ponts qui cèdent peu à peu sous l’effet des manipulations. Le traitement de ces matériaux est difficile et nous donnons les indications qui suivent avec réserves :

7.1.1- une première méthode consiste à limiter les manipulations, et à employer la pelle et le camion plutôt que le scraper dont les pneus malaxent le matériau. On se contente alors d’un compactage modéré avec des engins à pneus de poids moyen. Cette méthode semble avoir été employée avec succès en Normandie, sur les conseils du Laboratoire Régional de Rouen. Nous devons cependant indiquer que la stabilité à long terme dont nous traiterons au paragraphe 7.1.3 ci-après n’a pas encore la sanction d’une expérience suffisamment longue pour être concluante.

7.1.2- comme ces matériaux sont gorgés d’eau et sont, après fractionnement, incompactables, la méthode « sandwich » utilisées notamment à Etampes et à Pacy-sur-Eure consiste à alterner des couches de ce matériau et d’un sable ou d’une grave propres que l’on compactage avec des engins à pneus lourds (à notre connaissance, on n’a pas utilisé de vibrants lourds pour ce travail, mais nous pensons qu’ils doivent parfaitement convenir). Les contraintes engendrées en profondeur dans ce sol se traduisent par des pressions interstitielles élevées qui chassent l’eau vers le sable ou la grave perméable. On réussit ainsi à compacter la craie à travers la couche de sable. De plus, un cercle de glissement éventuel recoupe des couches d’un sol à frottement interne élevé et la stabilité à long terme est assurée (cf. paragraphe 7.1.3 ci-après).

Il est fortement déconseillé d’utiliser la méthode sandwich sans précaution, car cela a tendance à favoriser la stagnation et le piégeage d’eau dans les remblais. Néanmoins, dans le cas des craie l'exception est intéressante car cette technique facilite le compactage et le travail de la craie.

7.1.3-nombreux sont les remblais en craie qui, après quelques mois ou quelques années, donnent des déboires[6]. Des glissements plastiques se produisent sur lesquels la lumière ne nous paraît pas complètement faite. Certes, la méthode sandwich les élimine, mais elle est onéreuse ; si la première méthode indiquée se révélait exempte de ce défaut, ce pourrait être un sérieux progrès économique.

7.1.4- en l’état actuel de nos connaissances, la craie sol (et certaines marnes qui se compactent de manière analogue) nous paraît être un des matériaux sur lesquels l’ingénieur doit être particulièrement prudent. C’est un domaine sur lequel constatations et recherches nous paraissent les plus utiles.

On pourra utilement renvoyer à la littérature existante depuis sur les craies et leur réemploi[7]. Le GTR[4] donne de précieuses recommandations en matière de réemploi des craies. De la même façon, on pourra utilement attirer l’attention sur tous les matériaux qui présentent des risques d’évolutions et pour lesquels les essais de type Fragmentabilité et Dégradabilité ont ensuite été mis au point.

7.2- craie roche – marnes rocheuses. Mais toutes les craies et toutes les marnes ne se comportent pas de cette manière ; celles dont la porosité n’est pas trop élevée, dont la teneur en eau reste limitée, se débitent en blocs de toutes dimensions, si bien que le matériau à compacter se présente comme une grave à gros éléments que l’on compacte comme ces matériaux aux rouleaux à pointes ou à grille.

8- « De la dilatance, te méfieras »

Prenons un sol entièrement composé de sphères toutes de même diamètre. On peut ranger ces grains en plaçant les centres des sphères aux sommets d’un réseau cubique ; chaque sphère sera en contact avec six autres. Si l’on cisaille un tel matériau, tout ce qui peut se passer, c’est que le nombre de contacts d’une sphère avec d’autres sphères augmente : il se densifie. Rangeons maintenant ces mêmes sphères de manière à ce que les centres se placent aux sommets d’un réseau constitué de tétraèdres réguliers ; chaque sphère est alors en contact avec douze autres sphères. Si l’on cisaille un tel matériau, tout ce qui peut se passer, c’est que le nombre de points de contacts d’une sphère avec d’autres sphères diminue : le sol va alors se décompacter. Ce phénomène s’appelle la dilatance. Pour compacter un sol, il faut le cisailler ; mais si le sol est sujet à dilatance et s’il est déjà très compact, on peut aussi le décompacter. Or, les sols non cohérents à granularité serrée et à faible angularité sont évidemment ceux qui répondent le mieux à la description schématique précédente, c’est-à-dire ceux qui risquent le plus de se décompacter. Pour éviter la dilatance, on doit donc améliorer la granularité, augmenter l’angularité et créer une cohésion apparente grâce à « l’interclavage ». Les anglo-saxons appellent en effet interlocking (et nous proposons d’appeler interclavage) le fait que des grains de forme tourmentée et dans un sol bien compact s’engrènent les uns dans les autres en créant une résistance à la traction. Faute d’avoir de telles caractéristiques, on protégera le sol susceptible de dilatance sous une couche d’autre sol, c’est-à-dire qu’on le frettera en l’enfermant.

Il va s’en dire que les sables présentant des propriétés dilatantes sont extrêmement rares dans la nature. Le cas de ces matériaux peut être résolu dans le GTR[4] en faisant référence aux matériaux classés B1.

8.1- sables propres à granularité serrée (symbole Sm de la classification L.P.C.). La plupart des sables naturels de cette catégorie ont des grains arrondis ; leur angle de frottement interne est donc faible et l’interclavage pratiquement nul. Tout ce qui vient d’être dit sur la dilatance est donc vrai pour ces matériaux, que nous conseillons de compacter avec un engin vibrant lourd. Certes, on ne compactera pas en surface, mais seulement à une certaine profondeur où la dilatance sera bloquée par le poids du matériau situé au-dessus. Le remblai à obtenir s’élèvera donc par couches successives et la partie supérieure de chaque couche ne sera compactée qu’à travers la couche suivante. Il est difficile de fixer à l’avance le poids de la bille vibrante du compacteur à employer. La limite est donnée par la nécessité de faire évoluer l’engin sur le sable foisonné. Il est clair que, plus les couches seront épaisses, plus cette évolution sera difficile. En pratiquant un précompactage, on peut augmenter les épaisseurs des couches et corrélativement le poids du compacteur ; le précompactage facilite enfin l’évolution de ce dernier. Une bonne méthode peut être d’utiliser un rouleau vibrant très lourd (10 tonnes statiques environ sur le cylindre vibrant) dont on pratique une passe ou deux sans vibration ; puis on introduit celle-ci. On peut compacter ainsi des couches de l’ordre du mètre d’épaisseur ou même plus. Notons enfin que l’évolution remarquable des engins de compactage de ce type, dont les diamètres de cylindre (et de roues motrices à pneus) sont de grandes dimension, permet leur emploi là où les engins de la génération précédente se seraient « plantés » (signalons aussi que l’emploi d’un engin vibrant doit pouvoir (cf. paragraphe 9-2 ci-après) compacter un tel matériau à sec, ce qui peut être intéressant sous certains climats). Bien entendu, la partie supérieure de la dernière couche du remblai ne pourra être compactée qu’à travers la couche de forme.

8.2- Graves creuses. Il est bien connu que ces matériaux sont très difficiles à compacter. Il y a plusieurs années, nous avions tenté de compacter une grave de la plaine d’Alsace, à éléments ronds et sans fines. Nous étions bien arrivés à lui conférer une certaine compacité, mais ce matériau se décompactait très aisément, précisément du fait de la dilatance. On peut certes, si l’on doit mettre ces matériaux en remblai, tenter de les enfermer et de les compacter au vibrant à travers une couche de ces mêmes matériaux, couche qui ne sera pas compactée et qu’il faudra enfermer à son tour. Mais si l’on souhaite utiliser ces graves en couche de chaussée, il faut absolument les transformer et pour cela les concasser ; l’amélioration de l’angle de frottement interne, la création d’éléments fins supprimeront ou atténueront considérablement la dilatance.

9- « À la vibration, pensera »

Une visite à Expomat 1970 est très frappante. Dans le domaine du compactage, cette exposition marque le triomphe des engins vibrants. Les plaques vibrantes, trop peu utilisées en France, ont été présentées par de nombreux exposants. Mais surtout les rouleaux vibrants abondent. On est en particulier frappé du nombre de rouleaux vibrants automoteurs constitués d’un cylindre lourd articulé grâce à un pivot vertical sur un train moteur à pneus. De tels engins doivent avoir sur certains matériaux une efficacité considérable. Il n’est pas exclu aujourd’hui de compacter des couches de remblai d’un mètre ou plus d’épaisseur.

9.1- mais pour utiliser convenablement la vibration, il faut comprendre le mécanisme de son intervention : la vibration ne compacte pas, elle décompacte. Pour paradoxale que soit cette affirmation, elle correspond à l’exacte vérité : la vibration en effet crée une « pression d’expansion » qui joue le même rôle que la pression interstitielle, c’est-à-dire qu’elle écarte légèrement les grains du sol les uns des autres et favorisant ainsi leurs mouvements relatifs ; il faut alors faire agir en même temps un champ de contraintes (qui peut être la pesanteur propre du massif de sol, mais peut-être aussi l’action d’une charge verticale) et c’est ce champs de contraintes qui compacte. Cette indication explique à la fois le décompactage superficiel souvent constaté, les ségrégations apparemment contradictoires (remontée des éléments fins si ceux-ci sont nombreux, descente des éléments fins si la grave a une courbe creuse), l’efficacité des vibrants sur sols secs.

9.2- pour mettre cette efficacité en évidence, le Centre d’Expérimentation Routière de Rouen vient de compacter un sable d’excellente granularité et très anguleux avec trois rouleaux vibrants lourds, d’une part à sec, et d’autre part à la teneur en eau de l’essai optimum Proctor modifié. Les densités sèches obtenues sont très voisines pour les trois engins (pratiquement indiscernables les unes des autres), mais alors qu’avec une teneur en eau égale à l’optimum Proctor modifié, on obtient une compacité de 100% c’est-à-dire αd = opt.Proct. modifié, lorsque le matériau est sec, on obtient 105%. Cette conclusion n’était pas inattendue. Il suffit d’examiner la variation du coefficient de vibrocompactage de Barkan en fonction de la teneur en eau d’un sable pour constater que ce coefficient présente bien un maximum voisin de l’optimum Proctor modifié, mais que pour les teneurs en eau plus faibles, on trouve un minimum, et que pour une teneur en eau nulle, on obtient un autre maximum.

9.3- la vibration doit aussi permettre le compactage des remblais hydrauliques. Ces types de remblai sont peu utilisés en France en technique routière ; mais ils sont employés dans d’autres pays, et chez nous ils sont utilisés pour d’autres techniques. Il est assez naturel que ce type de remblai soit peu utilisé pour construire une route : on sait en effet que l’on commence par entourer la zone à remblayer d’un « diguon », petite digue destinée à retenir les matériaux refoulés. Ce diguon est percé d’un ou plusieurs pertuis pour permettre le drainage des eaux contenues dans le remblai hydraulique. Pour que le prix de ce diguon ne devienne pas prohibitif par rapport au prix du remblai, il est nécessaire d’une part que la surface à remblayer soit aussi carrée que possible, d’autre part qu’elle soit relativement peu haute. Ces deux caractéristiques sont très loin d’être celles des remblais routiers. Si l’on a cependant à compacter un remblai hydraulique, on doit utiliser des rouleaux vibrants aussi lourds que possible ; sous l’influence de la vibration, l’eau remonte en surface exactement comme la laitance d’un béton. On peut compacter des épaisseurs importantes, allant jusqu’à 2 mètres. On peut rapprocher ce problème de celui de la consolidation par vibroflottation. Nous renvoyons pour ce sujet à l’excellent article de Arimas[8] dans la revue « Construction ».

10- « Le compactage, contrôleras… et du contrôle, te méfieras »

Puisque le compactage a une telle influence sur la durée des ouvrages et leurs dépenses d’entretien ou de grosses réparations, il est bien évident que maître d’œuvre et entrepreneur ont le devoir de vérifier que le compactage est bien effectué. Malheureusement, une série de pièges les attendent et deux d’entre eux sont contradictoires au point de rendre incompréhensible et inacceptable un contrôle insuffisant.

10.1- premier piège : 94 = 96% = 98%. Le C.P.S. (aujourd'hui on parle de Cahier des Clauses Techniques Particulières ou CCTP) l’affirme : on doit obtenir 95% du Proctor modifié ; l’ingénieur l’exige ; il faut respecter le C.P.S. Le chef de chantier jure les grands dieux qu’il a bien compacté. Le laboratoire a fait une mesure de densité sèche qui ne donne que 94% de compacité. Supposons que le chef de chantier soit de bonne foi. Nous conseillerons alors à l’entrepreneur de faire un simulacre de compactage supplémentaire et de mesurer γd en un autre point ; peut-être aura-t-il la chance de trouver 96% ou 98% ou 92%.

C’est qu’en effet jouent des causes de dispersion nombreuses et importantes, dont la moindre n’est pas qu’à l’endroit où l’on mesure γd le matériau en place peut avoir une granulométrie assez différente de celle du matériau qui a servi à établir la référence des 100% du Proctor modifié. Il y a du reste beaucoup d’autres facteurs de variabilité, si bien qu’une mesure de densité sèche isolée n’a aucune signification. Les expériences de reproductibilités exécutées au Centre d’expérimentation Routières de Rouen l’ont bien mis en évidence. Pour obtenir une valeur significative, il faut travailler sur des moyennes d’au moins 20 mesures (quelquefois 30). C’est la raison pour laquelle on préconise aujourd’hui de concentrer les moyens de laboratoire au début du chantier pour exercer un contrôle efficace, en déduire une méthode de compactage et se contenter ensuite de surveiller qu’elle continue à être suivie.

10.2- deuxième piège : 96%, c’est beaucoup plus que 94%. Pénétré de formation statistique, l’ingénieur sait bien qu’une valeur isolée n’a pas grand sens et il se satisfait d’obtenir à peu près les 05% fatidiques de son C.P.S. Malheureusement, si la vraie compacité est inférieure à ce qui exigé, il en résulte des performances mécaniques considérablement amoindries et ce fait est vrai pour toutes les couches de chaussées quelles qu’elles soient, traitées ou non-traitées, grave-laitier ou graves-ciment, graves-bitume (une restriction toutefois : pou rester stables, un enrobé doit contenir un minimum de vides d’air de l’ordre de 3% ; ceci s’explique fort bien par le commandement n°3) ou graves-émulsion, etc.

10.3- troisième piège : la trahison des instruments et méthodes de mesure. Nos laboratoires ont mis au point des appareils de mesure et des méthodes excellentes, mais qui peuvent être défaillants : erreur systématique par excès des densitomètres à membrane ne se plaquant pas complètement sur la paroi, compactage supplémentaire du nucléodensimètre à pointe, etc. Il est donc conseillé de contrôler une méthode par une et d’y ajouter… l’art de l’ingénieur.

La RTR[3] puis le GTR[4] ont préconisé une méthode de contrôle qui permet de s’affranchir du problème de la mesure : il s’agit d’évaluer l’énergie de compactage globalement dégagée par un compacteur et de la comparer à une énergie de référence. Il s’agit de la méthode Q/S qui évalue par compacteur le cube de matériau compacté par rapport à la surface balayée et compactée, puis compare cette valeur à la valeur de référence présentée dans le GTR[4] et qui est celle qu’il faudrait au minimum atteindre. Si cette valeur n’est pas atteinte c’est qu’il y a risque de sous-compactage.

11- Tableau du choix des engins

Nous avons promis un tableau permettant le choix d’un engin de compactage. Nous le donnons en conseillant de ne l’utiliser qu’avec prudence. Autrement dit, nous ajoutons à nos dix commandements, un onzième « Du tableau II te méfieras ».

Ce tableau n’est pas reproduit ici car il ne présente plus d’actualité par rapport aux tableaux présentés dans le GTR[4]. D’autant que depuis la parution de cet article, la classification des compacteurs a largement évolué et qu’il est somme toute très difficile de s’y retrouver.

Références

  1. ARQUIE G. (1970). Le compactage – Routes et Pistes. Ed° Eyrolles
  2. ARQUIE G. (1970). Les dix commandements du compactage. RGRA sept. 1970. pp.106-117
  3. 3,0 et 3,1 LCPC – Sétra (1976). Recommandations pour les Terrassements Routiers – fascicules 1, 2, 3 et 4.
  4. 4,0, 4,1, 4,2, 4,3, 4,4, 4,5, 4,6, 4,7 et 4,8 LCPC – Sétra (1992). Réalisation des remblais et des couches de forme – Volume 1 et 2.
  5. LCPC - Sétra (1986). Météorologie et Terrassements. Editions Sétra D8629. 41 pages.
  6. La craie. (1973). Compte-rendu des journées d'études organisées les 3 et 4 novembre 1971 au LRPC de Rouen. Bull. Liaison Labo. P. et Ch. Spécial V - octobre 1973. 190 pages.
  7. BLPC spécial craie
  8. ARIMAS R.-A. (1969). Consolidation des sols par vibration. Revue Construction. Octobre 1968 et juillet-août 1969.
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