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Wikigeotech:Les maximes de Reverdy - part.II

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Les 80 maximes du terrassement routier
par Georges REVERDY

Extrait de la Revue Générale de la Route n°429, Février 1968

Sommaire

ÉTUDE DU PROJET

10. Un projet de terrassement s’étudie avec des bottes.

De bonne bottes de chantier, imperméables, fourrées et sécurisées
Cela signifie qu’il convient évidemment d’aller sur le terrain pour faire une telle étude, et même d’y aller souvent et donc obligatoirement avec parfois des conditions atmosphériques défavorables. Une première difficulté du projet sera ainsi appréciée par les difficultés de circulation avant l’ouverture des travaux car les pneumatiques des engins de terrassements s’accommodent aussi mal de la boue et des mauvais terrains que les chaussures d’un observateurs à pied.

Si exceptionnellement aucun difficulté n’est rencontrée à l’occasion de ces reconnaissances, c’est parce qu’il s’agit sans doute de terrains extrêmement favorables et d’un travail très facile : dans ces conditions il serait inutile de lire la plupart de ce qui suit.

11. Question-clé d’un étude de terrassement : peut-on disposer sur place de matériaux pratiquement insensibles à l’eau ?

Sur place, c’est-à-dire à portée de scrapers ou dans le rayon d’action des engins normalement utilisés dans les limites du chantier.

Quant aux matériaux pratiquement insensibles à l’eau, il s’agit par exemple de roche tendre calcaire, de sable fin suffisamment maigre, ou a fortiori de bonnes graves naturelles. Si de tels matériaux existent dans la zone du chantier, il faut prévoir leur emploi intensif pour constituer au minimum la couche de forme générale de la plateforme des terrassements. Si de tels matériaux n’existent pas en surface, il ne faut pas renoncer à les chercher à une certaine profondeur, surtout si les terrains de découverte de moins bonne qualité sont néanmoins utilisables pour la constitution des remblais ordinaires.

Si au contraire il n’existe pas de tels terrains dans la région, une difficile option est à prendre l se contentera-t-on des médiocres matériaux locaux avec tous les aléas correspondants pour l’exécution des travaux en fonction des conditions atmosphériques ou au contraire adoptera-t-on systématiquement des méthodes de stabilisation ou des apports de matériaux éloignés pour réduire les aléas du chantier ?

Dans les cas intermédiaires où le tracé de l’autoroute traverse un peu plus loin des terrains favorables, il peut être judicieux de choisir les limites des lots de terrassements de façon que chaque chantier puisse disposer dans ses limites d’un gisement de matériaux convenables.

Quoi qu’il en soit si les bons matériaux n’abondent pas dans la région considérée, le problème du choix des meilleurs emprunts reste l’un des plus délicats ; même en 1966 avec des projets bien étudiés, d’importantes modifications des prévisions se sont produites à l’exécution et c’est pourquoi tout un chapitre ultérieur est consacré à cette question.

12. La détermination précise du profil en long est une option très importante, qui échappe le plus souvent aux échelons élevés de la hiérarchie.

Il faut en effet être un fin spécialiste pour s’y reconnaître à un mètre près parmi les multiples lignes qui caractérisent le profil en long des divers éléments du projet ou même du terrain existant : on trouve ainsi sur les dessins le profil en long de l’axe théorique du projet qui ne correspond à rien de matériel, celui du bord intérieur d’une chaussée terminée qui n’a évidemment que des rapports lointains avec la plateforme des terrassements, celui du bord extérieur d’une chaussée ou d’une plateforme terminée qui est soumis en outre à l’incidence des dévers sur le profil en travers de la plateforme, celui de la plateforme elle-même des terrassements mais qui peut concerner soit la surface supérieur, soit la surface inférieure de la couche de forme. Le terrain naturel lui-même peut être représenté soit avec sa surface approximative réelle, soit après décapage de la terre végétale, soit après élimination des terrains qui ne sont admissibles ni sous un remblai ni même sous une plateforme de déblai.

Il s’agit donc là d’un ensemble d’éléments complexes que l’œil discerne mal et que l’on ne peut vraiment apprécier qu’en considérant des profils en travers complètement dessinés. D’autre part, la détermination géométrique du profil en long doit être impérativement liée à l’étude géotechnique complète si l’on veut que le profil retenu corresponde bien au meilleur emploi des déblais et des remblais. Il ne faut pas perdre de vue qu’un simple décalage d’un mètre sur le profil en long de l’autoroute, qui est inappréciable sur tous les documents à petite échelle, correspond facilement à une variation d’au moins 50 000 m3 de terrassements par kilomètre avec la même incidence sur la dépense.

D’autre part, on ne peut guère revenir ultérieurement sur le profil en long adopté dès le départ puisqu’il fixe une fois pour toutes les cotes précises des ouvrages d’art ainsi que les limites d’emprise pour lesquelles on dispose cependant d’un peut plus de souplesse.

C’est donc une grave responsabilité pour le projeteur que de fixer ce profil en long du projet puisque tout le projet en découle ; mais d’autre part, il ne peut correspondre à la solution la plus économique que s’il tient compte de tout le mouvement des terres, des emprunts et des dépôts qui devrait être réglé au préalable.

13. Le profil en long doit permettre avant tout la meilleure circulation sur l’autoroute, mais aussi sa construction la plus facile.

L’étude du profil en long du projet consiste bien entendu à modifier le profil en long du terrain pour permettre une circulation convenable des diverses catégories d’usagers. Ceci proscrit les rampes importantes et les pentes correspondantes, puisque d’une manière générale les chaussées correspondant aux deux sens de circulation sont étroitement liées. Mais une horizontale parfaite n’est pas non plus la meilleure solution car elle n’est pas favorable à l’écoulement des eaux de pluie sur les chaussées et elle engendrerait d’autre part une indiscutable monotonie.

Cependant il est bien certain que cette considération ne fixe que des limites et ne suffit donc pas pour le choix du profil en long du projet : celui-ci résulte alors plus précisément d’une étude géotechnique permettant de réduire au minimum les déblais en mauvais terrain et au contraire de prévoir le maximum de déblais en bon terrain pour fournir, si cela est possible, tous les remblais du projet.

Une dernière considération à ne pas perdre de vue est celle de la facilité d’exécution des travaux si l’on ne se trouve pas dans des terrains excellents, pour des raisons qui sont aussi essentiellement hydrauliques : sur un chantier de terrassement les points bas sont généralement impraticables à la moindre pluie et les points hauts le sont presque autant, étant donné les très grands rayons qu’on est conduit à leur donner, ce qui les rend excessivement plats. Seules les sections en pente suffisante s’assainissent toutes seules très rapidement et permettent ainsi de supporter sans gêne la plupart des précipitations.

En conclusion, il faut toujours chercher un compromis entre le mouvement des terres, les facilités d’exécution et le bilan final de l’usager. Des rampes de 1 à 2% même longues peuvent être facilement acceptables pour la circulation tout en rompant la monotonie d’un tracé trop horizontal. Si les facilités d’exécution du chantier ne sont qu’un élément très secondaire du choix à faire pour le profil en long, il ne faut cependant pas les oublier, mais en tenir compte pour prévoir aux points bas et dans toutes les zones plates les dispositifs nécessaires, tels que pistes de chantier et ouvrages provisoires d’évacuation des eaux.

14. Drainage – le seul danger des eaux pluviales est leur concentration.

Les dispositifs réalisés pour l’évacuation des eaux pluviales d’une plate-forme autoroutière s’avèrent en général extrêmement surabondants. Lorsque les circonstances locales permettent la réalisation de vastes surfaces engazonnées, il est certain que l’on peut compter beaucoup sur l’écoulement superficiel et réduire au minimum les ouvrages d’évacuation souterrains dont la rentabilité ne serait guère démontrée.

Seules les pentes importantes posent des problèmes pour le drainage des eaux superficielles car, d’une part, elles provoquent des phénomènes importants d’érosion et, d’autre part, la rapidité de l’écoulement conduit à des débits et à des concentrations pouvant entraîner la submersion des chaussées et même la ruine des ouvrages.

Dans le calcul d’un dispositif de drainage tout dépend de l’hypothèse faite sur l’intensité, l’étendue et la durée de la précipitation. Les formules couramment admises prévoient que l’intensité de la pluie est inversement proportionnelle à sa durée. On calcule ainsi que dans le cas de pentes longitudinales très faibles, compte-tenu du temps de concentration entre regards, une canalisation de diamètre 60 cm ( ?) pourrait évacuer indéfiniment les eaux tombant sur un grand terre-plein central d’autoroute de longueur illimitée(ceci ne serait mis en défaut que dans le cas où la pluie se déplacerait le long du terre-plein central avec la vitesse de l’écoulement de l’eau dans le tuyau). D’ailleurs, même si les ouvrages d’évacuation souterrains étaient insuffisants, il n’en résulterait qu’une certaine accumulation d’eau temporaire et sans inconvénient dans le terre-plein central ou dans les cunettes latérales de l’autoroute. Tout change dès que la pente augmente et entraîne un rapide écoulement des eaux : lorsque l’on approche d’un point bas du profil en long avec diminution de la pente, risque d’ensablement, etc., toutes les précautions possibles sont à prendre pour améliorer l’évacuation en multipliant les regards d’absorption et en prévoyant des ouvrages transversaux d’évacuation très largement dimensionnés.

En dehors de la plate-forme elle-même, on a souvent intérêt à créer des bassins d’orage pour recueillir la totalité des eaux pluviales provenant de certaines sections de l’autoroute, ou simplement pour écrêter les pointes et réduire ainsi les dimensions de l’émissaire. On peut utiliser ces mêmes bassins d’orage pour recueillir les eaux venant des fonds supérieurs et réduire ainsi les caractéristiques d’un aqueduc traversant l’autoroute. A la limite, dans le cas d’un faible bassin versant et d’un terrain assez absorbant on peut même supprimer totalement l’aqueduc transversal, toujours très difficile à entretenir s’il est de petite dimension : il peut être en effet beaucoup plus économique d’acquérir un excédent d’emprise pour l’accumulation et l’absorption des eaux que de construire un tel aqueduc.

15. L’implantation des ouvrages de franchissement peut et doit se faire en général à l’écart du tracé des voies existantes.

Ces ouvrages sont évidemment un facteur important du profil en long et il est souhaitable de disposer d’une certaine souplesse pour la fixation définitive de leur cote. D’autre part, en s’écartant du tracé des voies en service, on peut souvent améliorer celui-ci et réduire le biais de l’ouvrage à construire, on évite toute gêne aux usagers pendant les travaux, et surtout on économise des déviations provisoires qui doivent être souvent très longues et très onéreuses surtout dans le cas des passages supérieurs. C’est seulement dans le cas très rare où le tracé existant de la voie est sensiblement rectiligne et perpendiculaire à l’autoroute que l’on ne dispose pas d’une grande marge pour le changer.

Enfin, au point de vue du terrassier, les passages inférieurs constituent des points beaucoup plus durs que les passages supérieurs et ils sont directement liés aux problèmes d’hydraulique évoqués dans les deux articles précédents.

16. Le profil en travers doit faire la synthèse de la géotechnique, du paysage et du parcellaire.

C’est la géotechnique qui doit fixer la pente d’équilibre des talus ; c’est elle également qui permet de déterminer les surlargeurs d’emprise souhaitable pour prélever au maximum les bons matériaux disponibles sur le tracé de l’autoroute. C’est l’aménagement du paysage qui peut conduire dans certains cas à modifier les impératifs de la géotechnique et donc les limites d’emprise. Enfin, c’est la considération du parcellaire existant qui peut conduire à choisir le tracé et les dimensions optimales de l’autoroute pour son intégration dans la vie du pays qu’elle traverse. Comme la géotechnique, ceci doit servir au choix des surlargeurs d’emprise pour déterminer les meilleurs emplacements d’emprunts ou de dépôts de matériaux. Bien entendu on tiendra compte de ces extensions du projet pour l’implantation des multiples installations annexes qui se révèleront indispensables en bordure de l’autoroute. On dispose en général de peu de liberté pour le profil en travers de la plate-forme de l’autoroute elle-même qui doit être conforme à un des types normalisés. Dans certains cas, on peut être conduit à décaler le profil en long des deux chaussées pour mieux s’adapter au terrain, réduire les terrassements et améliorer les points de vue. Il est beaucoup plus exceptionnel que l’on puisse séparer complètement les deux chaussées malgré tout l’intérêt que cela présente au point de vue de la circulation, à cause de la perte économique que représentent les terrains enclavés entre les deux chaussées. C’est pour cette raison qu’en Allemagne même on n’a retenu jusqu’à maintenant qu’un terre-plein central étroit, ce qui réduit au minimum la perte des terrains agricoles. On ne saurait donc retenir cette séparation complète des chaussées que dans le cas de terrains incultes ou peu cultivés, ou convenablement desservis par les ouvrages d’art nécessaires pour le rétablissement des voies de communications, car le coût d’un ouvrage d’art supplémentaire est le plus souvent hors de proportions avec la valeur des terrains qu’il permettrait de desservir.

17. Le C.P.S. d’un marché de terrassement est aussi important que les dessins du projet.

C'est un cas assez exceptionnel dans les travaux publics où les dessins du projet renseignent en général parfaitement sur la nature et le mode d'exécution des travaux.

Au contraire dans le domaine des terrassements, l'eau et le temps sont deux éléments de base essentiels qui n'apparaissent évidemment pas sur les plans ; autrement dit, la façon d'exécuter les travaux est aussi importante que leur consistance : il s'agit vraiment d'un ouvrage d'art.

C'est pourquoi le C.P.S. (Cahier des Prescriptions Spéciales aujourd'hui Cahier des Clauses Techniques Particulières) doit donner toutes les indications utiles pour permettre à l'entrepreneur d'apprécier convenablement les difficultés plus ou moins grandes de l'entreprise, avec tous les renseignements nécessaires d'ordre géologique, hydrologique, météorologique, etc., sans oublier toutes les dates auxquelles certains ouvrages seront remis et d'autres devront être remis. IL semble inutile de préciser que tout cela a une importance énorme sur l'organisation du chantier et donc sur les dépenses et les règlements correspondants.

En lui ayant donné tous les renseignements nécessaires pour son étude, il semble cependant souhaitable de laisser l'entrepreneur, en fonction de ses moyens et de ses idées, organiser complètement son chantier. C'est d'ailleurs ce que reconnaît le commentaire du C.P.S. type "Le plan du mouvement des terres réalisé à l'exécution sera la plupart du temps différent de celui étudié au départ par les maîtres d’œuvre". Cependant le même texte prescrit que le projet du mouvement des terres établi par l'administration sera versé au bordereau B du dossier d'appel d'offres pour faciliter éventuellement l'établissement des offres. Une telle attitude semble très dangereuse car devant la complexité et les aléas du problème, l'entrepreneur doit avoir toujours la liberté de s'adapter aux conditions du chantier, et la publication d'un tel plan de mouvement des terres ne peut être que la cause de contestations ultérieures.

18. Le G.E.P. est concerné par tout projet de terrassements routiers.

(G.E.P. Groupe d’Étude et de Programmation) Il est indiscutable que tout nouveau tracé routier a une influence éminente sur les plans ou schémas d'urbanisme des régions qu'il traverse, et cela est même vrai si ce projet ne comporte pas de terrassements importants. Cependant, en plus de l'incidence que peut avoir toute nouvelle route sur l'occupation des terrains qui la bordent, l'effet les plus immédiat d'un chantier de terrassement est constitué par les emprunts et les dépôts qui l'accompagnent inévitablement. le choix et l'étude détaillée de ces emprunts et de ces dépôts doivent être faits impérativement bien avant le lancement des travaux avec les services d'urbanisme compétents, c'est-à-dire principalement avec le G.E.P. dans toutes les zones en pleine évolution.

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