S'abonner à un flux RSS
 

Espèce exotique envahissante / EEE (HU)

De Wikibardig

Logo eurydice.jpgLogo OFB soutien financier.png

Traduction anglaise : Invasive Species

Dernière mise à jour : 15/08/2025

Espèce animale ou végétale introduite volontairement ou involontairement dans un domaine géographique dont elle n’est pas originaire et où elle se développe de façon anarchique en l’absence de prédateur ou de consommateur naturel (figure 1) ; on parle également d'espèce envahissante ou d'espèce invasive.

Nota : On limite généralement la dénomination "espèces exotiques envahissantes" à celles qui ont été introduites par l'Homme (voir le § "Espèce envahissante ou espèce en conquête ?").


Figure 1 : Originaire d'Amérique du sud, les jacinthes d'eau sont devenues une espèce exotique envahissante dans beaucoup de pays tropicaux ; crédit photo Bernard Chocat.

Sommaire

Des éléments de vocabulaire qui cachent une notion très complexe

Vocabulaire retenu par l'UE

Les scientifiques on longtemps utilisé le terme espèce invasive en s'inspirant du vocabulaire anglo-saxon. On utilise aujourd'hui préférentiellement le vocabulaire normalisé par l'Union Européenne (voir par exemple le Règlement (UE) n ° 1143/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l'introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes).

  • espèce exotique : "tout spécimen vivant d'une espèce, d'une sous-espèce ou d'un taxon de rang inférieur d'animaux, de végétaux, de champignons ou de micro-organismes introduit en dehors de son aire de répartition naturelle, y compris toute partie, gamète, semence, œuf ou propagule de cette espèce, ainsi que tout hybride ou toute variété ou race susceptible de survivre et, ultérieurement, de se reproduire" ;
  • espèce exotique envahissante : "une espèce exotique dont l'introduction ou la propagation s'est révélée constituer une menace pour la biodiversité et les services écosystémiques associés, ou avoir des effets néfastes sur la biodiversité et lesdits services" ;
  • espèce exotique envahissante préoccupante pour l'Union : " une espèce exotique envahissante dont les effets néfastes ont été jugés de nature à exiger une action concertée au niveau de l'Union en vertu de l'article 4, paragraphe 3" ;
  • espèce exotique envahissante préoccupante pour un État membre : "une espèce exotique envahissante autre que les espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l'Union, pour laquelle un État membre considère, en s'appuyant sur des données scientifiques, que les effets néfastes de sa libération et de sa propagation, même s'ils ne sont pas pleinement démontrés, sont lourds de conséquences pour son territoire, ou une partie de celui-ci, et requièrent une action au niveau de l'État membre concerné".

Difficultés à établir ce qu’est une espèce exotique et envahissante

Ces définitions relativement précises ne permettent cependant pas de caractériser totalement la notion d'espèce exotique et envahissante.

Espèce exotique ou espèce indigène ?

Il n'est déjà pas toujours simple de départager sans ambiguïté une espèce "native, indigène" et une espèce "exotique".

Pour Yohann Soubeyran, chargé de recherche à l’UICN, dire qu’une espèce est indigène, donc originaire du territoire, "est en fait difficile à déterminer. Au cours des temps géologiques, la flore a constamment changé, sous l’effet des variations des climats, des dynamiques de diffusion et des processus de spéciation. Mais ces processus sont liés aussi à l’anthropisation, depuis que l’humain est capable de se déplacer" (Tréhet et al., 2025).

Pour établir la liste des espèces présentes naturellement en France il explique que "de manière assez consensuelle, a été retenue la date de la découverte du Nouveau Monde comme point de bascule important. Dans le groupe des plantes exotiques, par exemple, on distingue alors les archéophytes, introduites avant 1500 en Europe occidentale, et les néophytes dont l’arrivée est postérieure à cette date".

Espèce exotique envahissante ou espèce en conquête ?

Le fait de limiter le qualificatif "exotique" aux espèces introduites du fait d'une action humaine n'est pas un point anodin. Les espèces ont toujours voyagé, ne serait-ce que pour s'adapter aux changements climatiques. Qu'une nouvelle espèce arrive dans un écosystème où elle était absente et le transforme rentre donc dans la logique d'évolution du vivant. L'Homme en est le meilleur exemple puisqu'il a progressivement conquis (vocabulaire plus positif que celui d'invasion !) tous les continents et s'est adapté à tous les environnements avant de les transformer à son avantage (ou plus exactement en fonction de ses intérêts à court terme).

Le Règlement (UE) n ° 1143/2014 note d'ailleurs : "Certaines espèces migrent naturellement en réponse aux changements dans leur environnement. Elles ne devraient pas être considérées comme des espèces exotiques dans leur nouvel environnement et devraient être exclues du champ d'application du présent règlement. Le présent règlement devrait uniquement porter sur les espèces introduites dans l'Union par suite d'une intervention humaine."

Encore faudrait-il définir clairement ce que signifie "intervention humaine". La réponse est claire en ce qui concerne le maïs ou la pomme de terre, mais par exemple beaucoup plus ambigüe en ce qui concerne le moustique tigre. Même si l'homme a probablement joué un rôle direct en en ramenant certains dans ses bagages, c'est plutôt son rôle indirect (développement urbain et changement climatique), associé à la capacité d'adaptation de l'insecte qui explique le développement très rapide de son aire de répartition. En ce sens l'invasion peut être vue comme une meilleure capacité d'adaptation à un environnement profondément transformé par l'Homme.

Il est également intéressant de se mettre à la place de l'espèce exotique, ce qui conduit à parler plutôt de conquête de nouveaux territoires et d'adaptation à de nouveaux environnements, tout comme l'Homme l'a fait au cours des dernières dizaines de milliers d'années. Finalement, c'est peut-être parmi les espèces que nous qualifions aujourd'hui d'envahissantes que se trouvent celles qui demain régneront sur la planète.

Seules les espèces exotiques sont-elles envahissantes ?

Une espèce exotique peut-être envahissante sur certains territoires et pas sur d'autres. Toujours selon Yohann Soubeyran (Tréhet et al., 2025) : "en toute rigueur, il conviendrait de parler de “populations” d’espèces exotiques envahissantes" ; en effet une même espèce n’a pas le même statut selon le territoire.

A l’inverse, une espèce locale peut également être proliférante, sans pour autant qu'il soit possible de bénéficier des aides prévues pour les espèces exotiques envahissante pour contenir sa progression. Par exemple, "Les algues sargasses prolifèrent et envahissent les plages caribéennes, du fait de la hausse des températures, avec de fortes conséquences sociales et économiques. Mais, comme c’est une espèce locale, les populations peinent à obtenir de l’aide au titre des dispositifs dédiés aux espèces exotiques envahissantes", observe Roseli Pellen, Experte pour le ministère en charge de la Transition écologique et de la Biodiversité auprès de l’IPBES (Tréhet et al., 2025).

Il est même possible de considérer, comme Jacques Tassin, chercheur en écologie forestière au Cirad, que les EEE "sont aussi des boucs émissaires utiles.". "Ils évitent que l’on parle des dégradations environnementales, de la monoculture en agriculture, etc. Bien sûr que le moustique tigre et l’ambroisie soulèvent des problèmes. Mais le premier profite du changement climatique et les effets allergènes de la seconde sont boostés par la pollution de l’air."

En pratique, comme déjà indiqué, il est important de comprendre que c’est la destruction ou la dégradation par l’humain des habitats naturels qui facilitent l’émergence d’espèces envahissantes dans des milieux fragilisés.

Dangers présentés par les espèces exotiques envahissantes

Malgré les ambiguïtés que nous venons de relever, il faut reconnaître que les espèces exotiques envahissantes peuvent perturber fortement les nouveaux écosystèmes dans lesquels elles se développent, avec un rôle néfaste sur la biodiversité, les habitats et les espèces locales, mais également sur les services écosystémiques rendus par l'écosystème.

Comment une espèce exotique peut-elle de venir invasive ?

Tous les animaux ou plantes exotiques ne deviennent pas invasifs et problématiques. L’IPBES pour identifier une EEE considère d’abord l’introduction de ladite espèce, hors de son aire de répartition naturelle, par intervention humaine, volontaire (l’importation d’espèces par les jardineries) ou non (des moules collées à la coque d’un bateau). Puis cette espèce parvient à former une population viable et autosuffisante dans l’espace où elle a été introduite. Enfin, si elle se propage et entraîne des effets négatifs.

De façon pratique on peut distinguer ainsi deux niveaux d'analyse :

  • un niveau écologique : on constate l'arrivée d'une espèce nouvelle dans un milieu donné ; la plante ou l'animal est alors considérée, au moins pendant une certaine durée, comme exogène (exotique) par rapport aux espèces indigènes et modifie le fonctionnement de l'écosystème ; la cohabitation avec les espèces indigènes (ou certaines d'entre elles) peut être difficile et mettre en péril de façon plus ou moins importante leur survie dans ce milieu et plus généralement l'équilibre de l'écosystème. La difficulté provient du fait que toute espèce envahissante transforme l'écosystème à son avantage, y compris en éliminant les espèces qui la gênent ou qui constituent ses proies. Cependant, certaines des espèces ainsi éliminées peuvent être indispensables au fonctionnement de l'écosystème. Si les boucles de rétroactions sont insuffisantes, l'écosystème peut alors s'effondrer et devenir invivable, y compris pour l'espèce qui a initié le processus.
  • un niveau environnemental : les effets sont alors vus sur l'Homme, la concurrence pouvant faire disparaitre ou mettre en danger des espèces qu'il utilise à son profit ou tout autre service écosystémiques ; comme l'Homme dépend de ces services pour son alimentation, sa santé, son bien-être, ses activités de production, ses activités récréatives et son enrichissement culturel, une redistribution globale de cette biodiversité aura un impact sur l’ensemble de ces aspects (https://fr.unesco.org/courier/2021-3/migration-especes-revolution-silencieuse).

Classification des espèces exotiques envahissantes vis-à-vis des dangers qu'elles présentent

Toutes les espèces introduites ne sont donc pas envahissantes et toutes les espèces envahissantes ne présentent pas la même dangerosité. On estime que 12 000 espèces présentes dans l'environnement de l'Union et d'autres pays européens sont exotiques ; 10 à 15 % d'entre elles (soit environ la même proportion qu'au niveau mondial) sont considérées comme envahissantes (Règlement (UE) n ° 1143/2014) et seule une faible partie des espèces envahissantes présentent un danger réel (https://www.ecologie.gouv.fr/especes-exotiques-envahissantes). On peut distinguer trois niveaux de dangerosité (Dutartre et al., 2012):

  • les espèces envahissantes avérées : espèces envahissantes ayant une dynamique d’extension rapide dans son territoire d’introduction et formant localement des populations denses et bien installées.
  • les espèces envahissantes potentielles : espèces envahissantes non indigènes ne présentant pas actuellement de caractère invasif avéré dans le territoire considéré mais dont la dynamique, à l’intérieur de ce territoire et/ou dans des régions limitrophes ou climatiquement proches, est telle qu’il existe un risque de la voir devenir à plus ou moins long terme une invasive avérée.
  • les espèces à surveiller : espèces exotiques ne présentant actuellement pas (ou plus) de caractère invasif avéré dans le territoire considéré mais dont la possibilité de développer un caractère invasif existe, compte tenu notamment du caractère invasif de cette plante dans d’autres régions du monde.

Ordre de grandeur des dégâts causés par les EEE

Le dernier rapport de l'IPBES (plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques), publié le 4 septembre 2023, dénombre 37 000 espèces exotiques dans le monde ; moins de 10 % (3 515) sont considérées comme envahissantes ; 6 % sont des plantes, 22 % des invertébrés, 14 % des vertébrés et 11 % des microbes.

Le problème est donc très important car les espèces exotiques envahissantes constituent un danger pour environ un tiers des espèces terrestres et ont contribué à 60% des extinctions connues à l’échelle mondiale ; dans 16 % des cas, elles en sont même l'unique cause. Elles peuvent aussi représenter un risque direct pour l’homme, par exemple être vectrices de pathogènes (moustique tigre), allergisantes (ambroisie) ou avoir un comportement agressif (frelon asiatique). Enfin elles coûtent extrêmement cher à la collectivité : en 2019, le coût total des dégâts qu'elles ont occasionnés et des mesures de lutte a été estimé à 423 milliards de dollars et le rapport note que ce montant est "probablement grandement sous-estimé".

Nota 1 : Il est intéressant de noter que ces estimations ne tiennent pas compte des dégâts causés par l'homme (homo sapiens sapiens) qui constitue probablement l'espèce envahissante la plus dangereuse pour l'ensemble des écosystèmes de la planète.

Nota 2 : Toutes les espèces envahissantes ne jouent pas un rôle négatif. Par exemple les "arbres à papillons" (Buddleia daviddi) qui prolifèrent sur les terrils, sont des espèces ligneuses pionnières qui vont préparer le terrain pour d'autres essences indigènes et permettre une colonisation ultérieures par des essences ligneuses indigènes semblables à celles que l'on aurait obtenu avec des bouleaux au départ, mais plus rapidement (https://www.promessedefleurs.com/conseil-plantes-jardin/blog/plante-invasive-plante-envahissante-ne-melangeons-pas-tout/). Toute règle a ses exceptions...

Nota 3 : "Environ 85 % des extinctions se manifestent dans les îles, car les écosystèmes y sont bien plus fragiles. Or les trois quarts de ces disparitions sont dus au rat noir et au chat. Pourquoi ne pas le dire ?" Jacques Tassin in Trehetet al. (2025).

Cas des écosystèmes aquatiques

Les écosystèmes aquatiques sont bien évidemment impactés par les EEE, qu'elles soient animales ou végétales. Sarat et al. (2015) indiquent parmi les conséquences sur les milieux aquatiques, une modification de la chaine trophique, des modifications de température de l’eau, des variations importantes dans la journée du Ph et de l’oxygène dissous, une atténuation de la lumière et donc une réduction des potentialités de développement des végétaux, une fragilisation des berges et des ouvrages, et une banalisation des paysages.

Comment lutter contre les EEE

Éléments de stratégie

Différents moyens complémentaires peuvent être mis en œuvre pour lutter contre les dégradations des écosystèmes associées aux EEE.

Réduire les risques d’introduction d’espèces exotiques

Pour ceci, se doter de dispositifs de surveillance aux frontières, dans les lieux de transit (port, aéroport) et dans les lieux utilisant des produits contaminés (ex : scieries pour les insectes xylophages) et dans les régions : à la tête de l’unique brigade régionale sur les EEE, répartie entre Caen et Rouen et pilotée par le conservatoire d’espaces naturels de Normandie, Jean-François Dufaux suit 150 de ces exotiques colonisatrices, essentiellement les espèces aquatiques qui menacent particulièrement les mares de la région.

Réglementer les espèces introduites dans les pays

La France s’est dotée d’une liste désignant quatre-vingt-quatorze espèces réglementées. Elle distingue des espèces de niveau 1 (espèces végétales non cultivées et espèces animales non domestiques) dont l’introduction dans le milieu naturel est interdite et celles de niveau 2 dont la détention, le transport, la mise en vente, l’échange sont proscrits.

Améliorer la qualité des écosystèmes

Comme indiqué plus haut les espèces exotiques perturbent d'autant plus facilement les écosystèmes dans lesquels elles s'implantent que ceux-ci sont en mauvais état. Améliorer leur qualité permet généralement aux espèces indigènes de beaucoup mieux résister à l'introduction d'une espèce exotique.

Tirer parti des EEE ?

Jacques Tassin remarque "qu’il est très difficile de parler des effets positifs des espèces exotiques. Le procès d’intention n’est jamais loin". Claire Tréhet interroge alors : pêcher et consommer la rascasse, ce poisson tropical jugé envahissant ? Utiliser la jacinthe d’eau, qui obstrue le passage des pirogues dans des lacs africains, pour nourrir le bétail ou fertiliser les champs ?

Politique française de lutte contre les espèces exotiques envahissantes

Conformément à la réglementation européenne, la France a mis en place différents éléments, en particulier :


Bibliographie :

  • Dutartre, A., Mazaubert, E., Poulet, N. (2012) : Bilan des espèces exotiques envahissantes en milieux aquatiques sur le territoire français : essai de bilan en métropole ; Sciences Eaux & Territoires 2012/1 (N° 6), pp 56-63 ; disponible sur : https://www.cairn.info/
  • Sarat, E., Mazaubert, E., Dutartre, A., Poulet, N., & Soubeyran, Y. (2015) : Les espèces exotiques envahissantes dans les milieux aquatiques ; Connaissances pratiques et expériences de gestion, 1.
  • Tréhet, C. (2025) : Entre constats alarmants et boucs émissaires utiles ; avec les propos de Streito, J.-C., Rossi, J.-P., Pellens, R., Tassin, J., Gosselin, L., Linder, P., Roques, A., Soubeyran, Y. et Dufaux, J.-F. ; Sesame, 17(1), p 46-49 ; disponible sur https://shs.cairn.info/revue-sesame-2025-1-page-46?lang=fr.


Pour en savoir plus :

Outils personnels