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B.25 - Modèles hydrologiques distribués

De Wikibardig

Sommaire

Introduction

Les modèles pluie-débit sont dits distribués (géographiquement) s'ils tiennent compte de la spatialisation des phénomènes, c'est-à-dire quand leurs fonctions de production et de transfert (et/ou leurs paramètres) ne sont pas homogènes sur tout le bassin versant. Cette catégorie inclut des modèles empiriques, conceptuels et à base physique. Bien qu'un modèle distribué est susceptible de fonctionner de manière optimale avec, en forçage d'entrée, un champ de pluie (issu de l'interpolation des pluviomètres ou d'une grille de pluie issue d'un radar météorologique), il peut être également utilisé avec une pluie moyennée sur le bassin (comme pour un modèle dit global).

Un modèle distribué est globalement soumis aux mêmes types d'incertitude qu'un modèle global (fiche B.21). Cette fiche se concentre sur les incertitudes spécifiques, liées à la paramétrisation distribuée du modèle, à son interaction avec la variabilité spatiale des forçages ainsi qu’à l’incertitude qui concerne la notion de délai d’anticipation.

Incertitude sur la paramétrisation du modèle

La question qui se pose souvent lors de la mise en place d'un modèle distribué est le niveau de spatialisation de ses paramètres. Deux réponses sont en général apportées par les hydrologues. Elles induisent des incertitudes spécifiques :

Spatialisation des paramètres sur la base de descripteurs physiques

La première approche consiste à partir d'une spatialisation a priori de tous les paramètres du modèle, dans la mesure où on dispose de données pour les décrire spatialement. C'est le cas du modèle MARINE (Roux et al., 2011) qui nécessite, pour la spatialisation des paramètres de sa fonction de production – fonction de Green et Ampt –, des cartes d'épaisseurs (hydrologiques) de sol, de perméabilité et de succion. Ces cartes dérivent de variables descriptives du milieu (épaisseur des sols, textures principalement) auxquelles ont été appliquées des fonctions de pédo-tranfert. Ces fonctions relient des variables pédologiques descriptives du milieu à des variables hydrologiques.

Même si le modèle est à base physique, un calage du modèle reste nécessaire. Celui-ci consiste généralement à caler des coefficients multiplicatifs sur les cartes de paramètres. Ces coefficients multiplicatifs sont en général de quelques unités (Roux et al., 2011) et, tout comme les modèles globaux, plusieurs combinaisons de paramètres aboutissent à des calages aux performances équivalentes (équifinalité).

On distingue deux niveaux d'incertitude spécifiques :

  • l'incertitude sur les cartes de descripteurs : malgré le programme Inventaire, Gestion et Conservation des Sols du GIS Sol qui vise à la constitution d'une Base de Données nationale des Informations spatiales pédologiques (DONESOL) au 1/250 000 (Référentiel Régional Pédologique, cf Fig. 1), la connaissance des sols reste encore parcellaire et imprécise notamment dans les zones naturelles non agricoles. À défaut, des bases de données sols dérivées de la géologie (Champeaux et al., 2003) sont constituées. C’est le cas des données sol utilisées par le modèle ISBA (Noilhan et Mahfouf, 1996) ;
  • l'incertitude sur les fonctions de pédo-transfert : ces relations sont issues de tests en laboratoire sur des sols idéaux (aux propriétés homogènes) réalisés à de petites échelles spatiales (non comparables à la dimension de mailles de modèles distribués. Différentes formulations existent et le choix d'une relation induit une incertitude (Potot, 2006).

Dans le cas d'un modèle à base physique, notons qu'un autre niveau d'incertitude concerne la physique qui est mise en œuvre dans le modèle et dont on suppose qu'elle représente le processus dominant dans la réponse hydrologique du bassin, ce qui est parfois discutable.

Spatialisation par unités hydrologiques élémentaires

Une seconde approche consiste à spatialiser les paramètres du modèle par entité spatiale supposée homogène d'un point de vue hydrologique (exemple : spatialisation par entité géologique). Cette manière de procéder nécessite toutefois de disposer d'un nombre suffisant de stations d'observation intermédiaires sur le bassin pour pouvoir caler les paramètres sur chaque entité. Pour que le problème ait une chance d’être résolu, il faut disposer d'au moins autant d'observations indépendantes que d'entités spatiales. Dans la pratique, on dispose souvent d'un nombre insuffisant de points d'observations par rapport au nombre d'entités spatiales : le problème est surparamétré et on aboutit également à de l'équifinalité.


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Incertitude liée au forçage de pluie

L’incertitude sur le cumul de pluie est la source d’incertitude liée aux pluies jugée la plus importante pour les prévisions (entre autres Lobligeois, 2014). Cette incertitude rend plus difficile l’analyse de l’incertitude liée à la localisation des pluies. Cependant, il a été montré qu’un modèle distribué, calé avec des pluies spatialisées qu’on fait tourner avec une pluie moyenne aura tendance à sous-estimer les débits. Des études (Arnaud et al., 2002) ont par ailleurs montré que cette sous-estimation est corrélée à la variabilité spatiale des pluies mesurées par le coefficient de variation du champ de pluie CVS qui est égal au rapport entre l’écart-type du champ précipitant et sa moyenne (Fig. 2).


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Ce résultat s'explique aisément par les raisonnements suivants :

  • D'un point de vue du transfert : le fait de moyenner dans l'espace une pluie nette localisée à transférer (exemple : averse orageuse) conduit à un étalement dans le temps sa contribution à l'exutoire.
  • D'un point de vue de la production du ruissellement, le résultat est moins tranché : Dans l'hypothèse où on a affaire à une fonction « coefficient de ruissellement » positive et croissante avec la pluie, le résultat dépend à la fois de la convexité de la fonction faisant évoluer le coefficient de ruissellement en fonction de la pluie mais également de la stationnarité du système pluvieux.

Dans le cas d'une fonction convexe, à même état initial du bassin, le fait d'appliquer une pluie moyenne aura tendance à sous-estimer la production totale du ruissellement. Ce n'est pas vrai dans le cas d'une fonction concave où l'effet inverse se produit. Toutefois, dans le cas d'un système pluvieux stationnaire, le fait de repartir localement d'un coefficient de ruissellement plus faible nuance ce résultat.

Une conséquence opérationnelle de ces résultats est qu'un modèle distribué appliqué avec des scenarii de pluie prévue moyennés sur tout ou partie du bassin (tels qu'ils sont disponibles aujourd'hui en opérationnel) conduit à sous-estimer les débits. Inversement, un modèle distribué calé avec des pluies globales verra ses paramètres de production calés dans un sens à faire augmenter la production du ruissellement.

Exemple 1. La figure 3 illustre la différence entre les simulations d’un modèle SCS (associé avec un transfert lag-and-route) appliqué avec des pluies spatiales – le coefficient de ruissellement évolue alors différemment sur chaque maille carrée du Modèle Numérique de Terrain de côté 50 mètres en fonction de la pluie locale – et le même modèle auquel on fournit sur chaque maille de la topologie la valeur moyenne du champs de pluie.


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Variabilité du délai d’anticipation d’un modèle distribué

La notion de délai d'anticipation associée à un modèle distribué est moins intuitive que celle relative à un modèle global. Un modèle global de transfert (type hydrogramme unitaire) fait l'hypothèse d'un temps de montée (de l'hydrogramme unitaire) indépendant de la localisation et de l'intensité de la pluie. Le délai d'anticipation du modèle est généralement estimé comme étant environ de deux tiers du temps de montée de cet hydrogramme unitaire, étant donné que, dans cette conceptualisation du transfert, l'impact du scénario de pluie prévue devient alors minoritaire (il explique au maximum un tiers du débit prévu).

Un modèle distribué travaillant avec une pluie spatialisée ne fait pas d'hypothèse sur la localisation de la pluie : à même intensité moyenne de bassin, le délai d'anticipation associé au modèle distribué dans une configuration où la pluie descend le bassin sera supérieur à une configuration où la pluie remonte le bassin, tandis que le modèle global prévoira les mêmes hydrogrammes et donc les mêmes délais d'anticipation. Vu différemment, l'impact du scénario de pluie prévue peut devenir prépondérant, même à des échéances inférieures au temps de réponse du bassin.


Voir également

Fiche B.21 – Modélisation hydrologique


Pour aller plus loin

  • Arnaud P., Bouvier C., Cisneros L. et Dominguez R. (2002). Influence of rainfall spatial variability on flood prediction. Journal of Hydrology, 260, 216 – 230
  • Champeaux J.-L., Masson V. et Chauvin F. (2003). ECOCLIMAP, une base de données globale de paramètres de surface continentale à la résolution kilométrique et son utilisation dans les modèle météorologiques. Publication de l'Association internationale de Climatologie, 15.
  • GIS Sol. www.gissol.fr
  • Lobligeois, F. (2014). Mieux connaître la distribution spatiale des pluies améliore-t-il la modélisation des crues ? Diagnostic sur 181 bassins versants français. Thèse de doctorat, AgroParisTech
  • Noilhan, J. et Mahfouf J.-F. (1996). The ISBA land surface parameterization scheme. Global and Planetary Change, 13, 145 – 159
  • Potot (2006). Exploration de la base de donénes BDSol de l’Ardèche. Mémoire de master 1, Université Joseph Fourier (Grenoble). http://www.ohmcv.fr/Documents/rapportstage2006/Rapport_Potot.pdf
  • Roux H., Labat D., Garambois P.-A., Maubourguet M.-M., Chorda J. et Dartus D. (2011). A physically-based parsimonious hydrological model for flash floods in Mediterranean catchments. Natural Hazards Earth System Sciences, 11, 2567 – 2582. http://oa.imft.fr/2761/
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