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Les inondations du Var, 15 & 16 juin 2010

De Wikibardig

AIRT « Démarche REX Catastrophes »

Sommaire

Contexte

Le rapport présenté ici propose la synthèse des enseignements tirés des enquêtes territoriales conduites sur le site touché par les intempéries sur le bassin de l'Argens dans le département du Var en juin 2010.

Présentation du territoire


Territoire étudié, Var 2010.bmp


L’urbanisation de ces dernières décennies a profondément modifié le contexte et l’impact d’événements météorologiques exceptionnels tels que les inondations de 2010. Il existe dans cette région une véritable « soif » de construire, entretenue par les propriétaires et les promoteurs et relayée par les élus locaux. Ce territoire est pourtant particulièrement vulnérable.

Dans le Var, le fleuve côtier Argens (114 km de longueur, 2 700 km2 de bassin versant) traverse 21 communes pour se jeter dans la Méditerranée à Fréjus. Il a toujours été sujet à de grandes crues formant des marécages, qui ont constitué au fil du temps la plaine alluviale de la basse vallée, autour de Fréjus.

Le Var a connu une évolution démographique très marquée : 708 331 habitants en 1982, 1 013 458 désormais (+ 43 %). Depuis plusieurs années, une majorité des nouveaux arrivants a souhaité s’installer au pied du Malmont dans un quartier résidentiel orienté au sud. C’est de là qu’est partie la majorité des eaux de ruissellement qui ont inondé plusieurs quartiers de la ville. Le risque d’inondations, essentiellement agricole jusqu’au milieu du XXe siècle, est ainsi progressivement devenu urbain depuis les années 1980.

Le territoire d'étude:

  • 16 communes (84 000 ha, dont 17 000 ha urbanisés = 20%)
  • 2 SCoT (Dracénie et Var-Est) au stade de l'arrêt avant enquête publique sur ce territoire
  • 14 POS et 2 PLU (Fréjus, Taradeau)
  • Bassins versants de l'Argens et de la Nartuby

Présentation de l'évènement

Le Var a connu, du 15 juin 2010 à partir de 10H, et jusqu’au 16 juin à 5H, des précipitations d’une intensité exceptionnelle qui ont, du fait de leur durée et de leur volume, déferlé quasi intégralement venant enfler très rapidement les rivières de la Dracénie se jetant dans l’Argens. La brutalité de l’évènement s’explique aussi par la mise en charge de rivières souterraines amorçant des siphons existants dans ce sous-sol karstique. Des crues paroxysmiques de certains cours d’eau et rivières du bassin de l’Argens s’en sont suivies. Cet épisode pluvieux s’est traduit par des inondations dramatiques en Dracénie et dans la basse Vallée de l’Argens. 62 communes ont fait l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle mais ce sont 19 communes5 qui ont été particulièrement sinistrées. Les effets les plus violents sont intervenus en fin d’après midi et début de soirée du 15 juin au moment où la population était sur la voie publique effectuant les trajets travail/domicile. Beaucoup de personnes ont été empêchées de rejoindre leur habitation. Dans la journée du 15 juin et jusqu’en milieu de nuit, il est tombé 400 mm d’eau (l’équivalent de 400 litres au mètre carré) dont 397 mm en 5 heures sur une zone restreinte.

Le bilan humain des inondations de 2010 est dramatique : 23 morts et 2 disparus. Outre les décès, il convient de noter:

  • 1350 personnes évacuées par hélicoptères,
  • 1100 personnes évacuées par voie terrestre,
  • 1000 familles ayant du quitter leur logement dont 193 (473 personnes) ont du être relogées définitivement car elles ne pouvaient réintégrer leur logement,
  • 35 000 sinistrés (610 M€ à la charge des assureurs),
  • 2000 entreprises sinistrées représentant 5000 salariés : 600 d'entre elles étaient en arrêt total au 15 mars 2011.

Certains décès ont eu lieu dans la période de la crue mais ne semblent pas imputables directement à la crue. Leur nombre reste inconnu. Le bilan psychologique (dépressions, suicides ?) n'est pas connu, mais il est certain que la crue a fortement marqué les esprits.

Les inondations de 2010 ont occasionné environ 1 milliard de dommages directs, dont 615 M€ à la charge des assureurs, 255 M€ pour les biens non assurables des collectivités et plus de 50 M€ de pertes pour l’agriculture. Les résultats collectés sont, au 31 mai 2011 pour les inondations de 2010, sont de 35 700 sinistres déclarés, pour un coût estimatif global de 615 M€ ventilés comme suit :

  • dommages aux biens des particuliers : 20 200 sinistres, 230 M€
  • automobiles : 11 300 sinistres, 85 M€
  • dommages aux biens des professionnels : 4 200 sinistres, 419 M€

Problématiques majeures retenues

Un certain nombre de problématiques majeures (la connaissance du phénomène – ruissellement en particulier, les systèmes d'alerte et de secours, la prévention en matière d'urbanisme, la gouvernance, les indemnisations)ont pu être identifiées à partir du bilan de la catastrophe et sur la base des retours d'expériences des différentes missions qui se sont rendues sur place 8.

Celles retenues dans le cadre de cette synthèse traite plus particulièrement de :

  • la préparation de la crise : culture du risque, comportements
  • l'organisation de l'alerte et de la gestion de crise, au niveau local principalement
  • la gestion de crise : gouvernance des acteurs publics (sur l'urbanisme, par exemple)
  • la gestion post-crise, le retour à la normale : travaux, indemnisation, répartition et organisation des compétences et des moyens.

Enjeux du territoire en matière de vulnérabilités

Divers témoignages clés montrent que l’évènement aura durement frappé, outre les réseaux et infrastructures : • les populations • et les activités économiques (commerciales, industrielles, et agricoles) .. mais montre aussi que, face à un événement de ce type, les diverses institutions n'ont pas de plan d'organisation, ne sont pas préparées « professionnellement » pour rétablir un fonctionnement adéquat des activités des entreprises et des ménages. Pour autant, des organisations spontanées et une mobilisation d'aides importante a été apportée par ces institutions au travers leurs personnel et leurs moyens propres pour favoriser aussi rapidement que possible la résilience du territoire.

Concernant les populations

Pendant 15j après la catastrophe, les services de secours ont aidé à déblayer, nettoyer, etc. Leur bilan est de :

  • 2450 sauvetages, 1100 par le sol et 1350 par hélicoptère
  • 23 victimes de personnes vulnérables (dont 14 de plus de 60 ans)

L'expérience de cet événement aura induit chez les particuliers qui ont vécu la catastrophe de juin 2010 :

  • des difficultés pour le rachat d'objets utilitaires
  • une perte de confiance dans les informations officielles
  • des comportements anticipant l'apparition d'une crise prochaine
  • une perte de valeur des biens immobiliers en zone inondable, et augmentation des risques
  • ils souhaiteraient avoir la possibilité de vendre à l'Etat si cela était possible
  • des biens souvent « mal assurés et mal « évalués » après sinistre.


Concernant les activités

La catastrophe a révélé :

  • le manque de soutien et de compréhension des banques aux entreprises en difficulté
  • l’inadaptation du système assurantiel aux entreprises sinistrées (désormais beaucoup d'entreprises ne sont plus assurées).


Chateaudouble.bmp


Concernant les institutions

La CCI du Var, avec l'aide de ses 2 agences de Draguignan et de Saint Raphael-Fréjus, a suivi 600 dossiers d'entreprises, et a procuré différentes formes d'aides, significatives de la vulnérabilité des activités :

  • aide matérielle directe de la CCI aux entreprises
  • facilitation pour la constitution de dossiers, de procédures, de mesures
  • instruction de dossiers d'aide.


Actions menées en faveur de la résilience territoriale

Concernant les populations

Suite à cet évènement traumatisant, des « sinistrés » se sont organisés en association (comme l'association VIVA2010) pour défendre leur cause et faire progresser les demandes ou idées concernant leurs problèmes, leur vulnérabilité :

  • des demandes d'informations, d'enquêtes
  • contribution à la collecte et diffusion d'informations
  • initiation de la demande de Mission Commune d'Information Sénatoriale
  • demande de la création d'une « Mission Interministérielle » aux inondations qui opère une coordination transversale
  • des demandes concernant la prévention, l'alerte et la résilience directe des populations
  • avoir une meilleure information météo
  • poursuivre la mise en place du réseau d'information et d'alerte (Prédict principalement)
  • avoir un meilleur système d'alerte et d’informations des populations (donner le début de l’alerte mais aussi informer de la suite des événements et de la fin de l’alerte)
  • faire des PCS partout : depuis 2 ans toutes les communes touchées sont en train de les réaliser


Concernant les travaux en zone inondable et l'urbanisme

Des requêtes d'association concernant les travaux sur les zones inondables :

  • faire les travaux préconisés (rapport Lefort & Koulinski 10) et nécessaires à une meilleure sécurisation du territoire et des habitants : bassins de rétention, travaux sur les cours d'eau, entretien des cours d'eau ; mais aussi aider les communes pour faire ces travaux plutôt que de construire des habitations, soutenir les ASA (Association Syndicales Agriculteurs qui s’occupent des canaux d’irrigation)
  • arrêter de remblayer les zones inondables (c'est une pratique et un commerce important et très rentable dans la région)

Des requêtes d'association concernant l'urbanisme :

  • donner la possibilité de changer la destination des bâtiments exposés pour l'utiliser à d'autres fins (activités d'élevage, maraichage, arbres, vignes), ou racheter les biens à un prix décent, pour que les personnes sinistrées, menacées, puissent s'installer ailleurs.
  • arrêt de l'urbanisation en plaine et sur les coteaux (imperméabilisation sans retenues des eaux de ruissellement).


Concernant les activités

La Chambre de Commerce du Var a conduit plusieurs actions depuis la catastrophe pour renforcer la résilience du territoire :

  • le suivi d'entreprises en difficulté à cause des inondations (quelques dossiers encore en cours en octobre 2012)
  • conseils en matière d'assurances : depuis la catastrophe la CCI a formé des personnels pour sensibiliser les chefs d'entreprise à cette problématique.
  • Dans le cadre du PAPI d'intention du bassin de l'Argens (voir document joint), deux actions sont proposées et seront portées par la CCI :

- appui aux entreprises et installations de service en zone inondable pour mieux se préparer en cas de crue : créer, améliorer et promouvoir les plans d'intervention permettant la protection des personnes et des biens

- diagnostics de vulnérabilité d'un échantillon d'entreprises volontaires en zone inondable : mobiliser les entreprises autour de la thématique de la réduction de la vulnérabilité et identifier les actions à prévoir dans le PAPI complet.


Concernant l'organisation des institutions

Le SDIS du Var a réfléchi à des réformes dans son organisation et son fonctionnement sur la base d'un retour d'expériences (RETEX) qui a révélé : . Plusieurs axes sont ont été entrepris :

Des points positifs dans la gestion de la crise :

  • l'anticipation et la réactivité de la chaine de commandement : (sauveteur côtiers), le binôme COS-DOS (Maire ou Préfet) a bien fonctionné,
  • l'utilisation d'Antares, réseau de transmission (atypique) a également bien fonctionné
  • l'adaptation de la structure de commandement (dans Carrefour à Draguignan puis transfert le lendemain au CGI du LUC
  • le COD a été très réactif dans le Var (expérience feux de forêt) : hélicoptère, colonnes de renfort.

Enseignements

Concernant les populations

Les populations, représentées par des associations comme VIVA2010 retiennent de ces événements :

  • le traumatisme des habitants et entreprises ayant vécu les événements
  • la résilience très difficile : « on ne peut compter que sur soi dans un premier temps ; pour le reste, on est en situation de faiblesse dans des rapports inégaux face à des spécialistes (assureurs, banquiers,..) dont la préoccupation n'est pas le « sinistré » mais la viabilité/rentabilité des affaires »
  • il faut être sensibilisé au fait que ce n'est pas un phénomène exceptionnel. Il y a récurrence des inondations.
  • pour autant les populations continuent de voir que des actes illicites se poursuivent (remblais, constructions, ..) alors que les aménagements prévus n'ont pas été réalisés (bassins de rétention, évacuations, entretiens des cours deau,..)
  • elles demandent que les mesures qui s'imposent sur le fond (aménagement du territoire, assurances, délocalisations, réforme des assurances et services aux sinistrés, éducation de la population) soient effectivement prises.

Concernant les secours

La souplesse apportée par l'organisation du SDIS du Var et par les systèmes d'alerte installés début 2010 (interchangeabilité des fonctions d'appel sur les différents centres d'intervention, système radio Antares) ont permis, dans un contexte très difficile (PC de commandement détruit, caserne de Draguignan inondée, équipes isolées par les inondations) de poursuivre la coordination des interventions locales et de l'aide par des moyens extérieurs.

L'expérience acquise par les feux de forêt a beaucoup contribué à une bonne anticipation et réactivité de la chaine de commandement et des équipes. Le retour d'expérience a révélé des besoins en formation pour les personnels, la nécessité de sécuriser le PC de commandement, et la réflexion sur la délocalisation de la caserne de Draguignan.

Concernant les activités

Au cours des événements de juin 2010, les services publics et professionnels (chambres consulaires, assurances, ..) se sont mobilisés conjointement, et ont investit massivement en regroupant des moyens de leur réseau. Cette expérience traumatisante et couteuse a néanmoins été efficace (environ 600 entreprises suivies, instructions de dossiers de subventions, aides matérielles) et elle est acquise pour réagir rapidement dans un contexte similaire par la mise en place de guichets uniques et des visites sur le terrain auprès des entreprises..

Depuis, des actions spécifiques ont été proposées aux entreprises par la CCI du Var concernant notamment le développement commercial, les assurances et via le PAPI de l'Argens-Nartuby qui est en cours de mise en place, l’adaptation des locaux. Mais de nombreuses pistes restent à explorer pour améliorer la résilience des entreprises !

Concernant les institutions

La catastrophe de 2010, puis les crues de 2011 ont fait mesurer l'apport d'une expérience, voir d'un plan d'organisation, pour réagir en temps de crise et post crise.

Après la catastrophe de juin 2010, Le Conseil Général du Var a été confronté à la remise en état du territoire, en tant que maître d'ouvrage de l'entretien d'une grande partie des rives de l'Argens. Il a aussi été confronté à la difficulté d’organisation des multiples acteurs concernés par les cours d'eau et leurs abords. Au demeurant, des points durs persistent comme le problème du déni de l'inondation par les élus : afficher qu'un territoire est inondable n'est pas porteur, ni refuser un permis de construire pour cause d'inondation. Les communes ont souvent privilégié le nettoyage.. plutôt que réfléchir aux actions de prévention. Il faut faire évoluer cette posture.. d'où l’intérêt d'une structure de gestion au niveau du bassin (EPTB, syndicats de bassin, EPAGE ?).. C'est un enjeu important du PAPI2 que de faire émerger ces structures.

Aussi, le PAPI de l'Argens-Nartuby constitue-t-il une opportunité de mise en place d'une gouvernance plus appropriée pour améliorer l'entretien et la prévention des cours d'eaux. Cependant, cette amélioration nécessite en parallèle une évolution vers plus de sécurité juridique et économique des maitres d'ouvrage concernés... dans le cadre de la décentralisation des collectivités locales, un texte de loi pourrait être proposé pour créer des « EPAGE » (Établissement Publics d'Aménagement des Eaux), pour palier à la fragilité réglementaire, économique, et juridique des structures locales, ou spécifiques actuelles.

Il y aurait un net bénéfice :

  • à travailler et associer de manière plus systématique les services de l'Etat et les services des collectivités locales concernés sur ces problématiques de prévention des inondations.
  • à élargir la préoccupation de résilience : on associe beaucoup la notion de résilience à l’objectif de se relever au plus vite, mais surtout d'un point de vue économique.. On insiste pas assez sur l'alerte .. et on laisse souvent de coté la partie culture du risque, maintien de cette conscience du risque.

Références

Fiche résumé réalisée par Adeline Bordais (CGDD-DRI) sous l’initiative et la relecture de Jean-Michel Tanguy (CGDD-DRI) ; à partir des travaux de la version complète de Geneviève Faure-Vassal (CETE Méditerranée). 07/07/2014.

Références bibliographiques

  • Rapport de retour d’expérience du CGEDD et de l’IGA, octobre 2010
  • Rapport CGEDD-IGA-IGF-conseil général de l’alimentation, l’agriculture et des espaces ruraux de juillet 2010
  • « Crues du Var : analyse des situations de dangers – Retour d'expérience », CETE Méditerranée / DREC / SVGC, février 2012
  • « Inondations dans le Var : les actions de l’Etat depuis 2010 » Préfecture du Var, 13 juin 2012
  • « Les enseignements ds inondations de 2010 sur le littoral atlantique et dans le Var », Cour des comptes, juillet 2012, www.ccomptes.fr
  • « Mission d'information sur les inondations dans le Var et dans le sud-est de la France », Rapport d'information de M. P-Y Collombat, Sénat, novembre 2011, http://senat.fr/notice-rapport/2011/r11-775-notice.html

Personnes consultées

  • AIRT « REX Catastrophes » - Inondations du Var de juin 2010 16/04/13 p.24
  • CETE Méditerranée / Département Eau Risques Construction / Service Vulnérabilité Gestion de Crise
  • AIRT « REX Catastrophes » - Inondations du Var de juin 2010 16/04/13 p.25
  • Organisme Qui VIVA 2010
  • SDIS83 Fréjus
  • CG83 – Département Environnement
  • Service Rivière et Milieux Naturels Anne Thévenot - Marc Vincent – Olivier Audat
  • J-Noel Brandenburger
  • Louis Reymondon
  • CCI83 – Agence de Draguignan –
  • Développement extérieur
  • Carole Pétroni (dir réseau des agences)
  • Aline Di Plassimo et Sylvie Tantzer (resp cellule d'aide aux créateurs)
  • Colonel Farcy, responsable du SDIS Fréjus
  • Entreprise SOMMEPP (mécanique de précision, fabrication de moules et modèles)
  • François Patoureaux, chef d'entreprise et Membre Elu, Conseiller Territorial à la CCI Var
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