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Résidu pharmaceutique (HU)

De Wikibardig

Traduction anglaise : pharmaceutical residue

Dernière mise à jour : 11/04/2024

Substances pharmaceutiques provenant de médicaments destinés à la consommation humaine ou animale et trouvés à très faible concentration dans les milieux aquatiques ; on parle également de résidus de médicaments.

Sommaire

Origine des résidus pharmaceutiques dans l'eau

L’origine de ces produits est multiple (voir figure 1). A l’échelle du territoire, les principales sources sont :

  • le rejet par les systèmes d’assainissement de molécules non métabolisées ou de leurs produits de dégradation, les métabolites ; ces molécules proviennent essentiellement des excrétas (urine et fèces) des personnes soignées mais également du déversement direct dans le réseau d’évacuation de médicaments non utilisés ;
  • le rejet, dans les urines ou les excréments des animaux d’élevage, de résidus de médicaments utilisés pour les soigner ou pour faciliter leur croissance ;
  • le rejet accidentel ou volontaire, par mise en décharge, de médicaments périmés ou non utilisés.


Figure 1 : Différentes voies d'introduction des résidus pharmaceutiques dans les milieux aquatiques ; Source : Dossier EauMéliMélo "Les médicaments dans l'eau"

Localement les rejets industriels (industrie pharmaceutique) ou hospitaliers peuvent contribuer fortement à la pollution des milieux aquatiques.

Dangerosité des résidus pharmaceutiques

Même si les concentrations dans l’eau sont très faibles, il est démontré que certains de ces résidus de médicaments ont des effets mesurables sur différentes espèces aquatiques (en particulier poissons et batraciens). Les résidus de médicaments sont donc considérés comme des polluants émergents susceptibles d’affecter la qualité des milieux aquatiques. Le rapport OCDE (2019) indique par exemple que 10% des 2000 composés actifs que l'on retrouve dans les médicaments présentent potentiellement un risque pour l'environnement. La vigilance vis-à-vis de ces produits est donc nécessaire.


Figure 2 : A l'insu de son plein gré ; Source : Dossier EauMéliMélo "Les médicaments dans l'eau"

Si des effets sont possibles sur certaines espèces vivantes, il est logique de se demander si des effets sont également possibles sur l’homme. Même si aucun effet notable n’a pour l’instant été scientifiquement prouvé, plusieurs problèmes récents de santé publique (par exemple la crise du prion et de la vache folle) ont montré que les effets pouvaient parfois apparaître plusieurs années après une éventuelle contamination. La vigilance est donc également nécessaire pour évaluer les risques sur la santé humaine.

La question est particulièrement difficile à traiter car les mécanismes d’action des médicaments à très faibles doses sont potentiellement différents de leurs mécanismes d’action thérapeutique. Il faut en particulier tenir compte des effets à long terme dus à une exposition chronique, aux mécanismes de bioaccumulation ou encore à de potentiels effets cocktail . Pour ceci, il est indispensable d’acquérir des données fiables, à la fois sur les expositions et sur les impacts sanitaires ou écologiques.

Il est à noter que les risques peuvent être indirects. Par exemple l'utilisation importante d'antibiotiques en lien avec l'élevage augmente les risques de voir apparaître des souches de bactéries résistantes (figure 2).

Comment faire pour limiter les risques ?

Évaluation de la dangerosité réelle des produits : l'indice PBT

Il serait tout d'abord souhaitable que les impacts potentiels des médicaments et de leurs métabolites sur les organismes aquatiques soient étudiés avant leur mise sur le marché. Ceci n’est fait que très récemment, et uniquement pour les médicaments nouveaux. De plus, ce n’est généralement pas fait pour les produits issus de leur dégradation.

Il existe depuis 2015 un indice, dit PBT (pour Persistance, Bioaccumulation, Toxicité), construit par un organisme suédois (voir https://noharm-europe.org/documents/environmentally-classified-pharmaceuticals-2014-2015) qui tente d'évaluer la dangerosité globale des produits. Suite à une saisine de la Direction Générale de la Santé (DGS) en date du 1er avril 2015, l’Académie nationale de Médecine, l’Académie nationale de Pharmacie et l’Académie Vétérinaire de France ont constitué un groupe d’expertise collective pour évaluer cet indice (voir https://www.acadpharm.org/dos_public/Avis_DGS_rEsidus_mEdicaments_dEfinitif.pdf). Ces experts notent dans leurs conclusions que :

  • compte tenu du manque de données écotoxiques disponibles, l’indice de Persistance, Bioaccumulation et Toxicité (PBT) n’a pu être calculé que pour 58 % des molécules listées. Concernant l’indice de risque, une seule (0,13 %) figure avec un risque considéré comme « élevé » et 8 molécules (1,05 %) avec un risque « modéré » ;
  • son expertise est limité aux risques pour les milieux aquatiques sans aborder celui de la santé publique pour lequel le manque de données est encore plus important que pour l’environnement ;
  • les indices proposés et les éléments chiffrés présentés n’ont pas fait l’objet d’une validation par un autre pays ou au niveau communautaire.

Finalement, ils confirment l’intérêt d’une telle démarche, mais insistent tout particulièrement sur l’exigence scientifique de fonder une démarche à caractère national, claire et didactique pour les prescripteurs, les dispensateurs et les patients, et, surtout non anxiogène pour le grand public ; sur la nécessité d’établir toute action sur la base d’éléments factuels (risque avéré de molécules réellement contaminantes) reconnue par la communauté scientifique européenne et/ou internationale.

En clair, des recherches scientifiques complémentaires sont nécessaires pour évaluer la dangerosité réelle des différents principes actifs.

Enjeux techniques

Au-delà de ces éléments qui interpellent les professionnels de santé et ceux de l’industrie pharmaceutique, la question des résidus de médicaments dans l’eau constitue aussi un enjeu technique pour les professionnels de l’eau et de l’assainissement. Ceux-ci doivent en effet élaborer des stratégies visant à les piéger à la source (collecte séparée des urines par exemple) et/ou développer des procédés épuratoires susceptibles d’arrêter les molécules potentiellement dangereuses dans les stations d’épuration et dans les usines de production d’eau potable.

Enjeux de société

Cette question constitue enfin un enjeu de citoyenneté. Ne pas consommer inutilement de médicaments, respecter les doses et les moments de prise, ne pas se débarrasser des médicaments inutilisés en les jetant dans sa poubelle ou dans son lavabo, constituent des moyens efficaces de limiter les quantités présentes dans les milieux aquatiques. Ceci est bien sûr vrai aussi bien dans la vie quotidienne que dans la vie professionnelle, en particulier dans le monde agricole et hospitalier.

Nota : Depuis 1993, l’association Cyclamed pilote le dispositif national de tri et de valorisation des Médicaments Non Utilisés (MNU) : voir https://www.cyclamed.org/

Bibliographie :

Pour en savoir plus :

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