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Rôle primordial des réseaux sociaux en situation de crise

De Wikibardig

Sommaire

Introduction

Les considérations ci-dessous constituent un résumé de différents articles qui figurent en bibliographie et portent sur l'utilisation et l'impact des réseaux sociaux en situation de crise. La majorité de ces articles sont postérieurs au tremblement de terre / tsunami du Japon le 11 mars 2011 d'autres, mais tous précèdent l'ouragan Sandy le 29 octobre 2012.

Pour la plupart ils résultent de l'audition en mai 2011d'un certain nombre de hauts responsables d'organisations américaines impliquées dans la gestion de crise : Federal Emergency Management Agency (FEMA), Arkansas Department of Emergency Management (ADEM), American Red-Cross par le Sénat américain (Comité de sécurité intérieure et des affaires gouvernementales / sous-comité sur la résilience territoriale et les affaires intergouvernementales), complétée par le rapport de l'analyste Bruce R. Lindsay du Service de Recherche du Congrès ainsi que des réflexions de Gerald Lewis (consultant) et de Gitanjali Laad (étudiante graduée à la Clark University, Massachusetts).

Comme on pourra le constater, les agences américaines : FEMA en tête avaient déjà bien anticipé les évolutions de comportement de la population connectée ainsi que l'incroyable usage qui pourrait être fait par les pouvoirs publics de ces nouveaux outils de communication. « La gestion de crise s'en est trouvée transformée : il y avait un avant Sandy et il y aura un après Sandy ». Il est d'ailleurs intéressant de comparer ce qui est dit par ces responsables avant le passage de l'ouragan SANDY sur New-York avec ce qui s'est réellement passé pendant cet événement catastrophique et qui est venu conforter l'idée que les réseaux sociaux ont joué un rôle primordial dans la préparation et la gestion de crise liées à Sandy et que leur rôle en la matière ne fera qu'augmenter à l'avenir.

Le présent article n'a pas pour objet de traduire in extenso les divers propos qui sont explicités dans ces articles, mais plutôt de faire ressortir les idées maîtresses qui pourraient donner un éclairage sur la démarche suivie par les agences américaines pour intégrer de manière intime ces nouveaux outils de communication dans leur panoplie d'outils d'anticipation, de gestion et de post-crise.

Rappels de quelques définitions

L'article de Laad et Lewis constitue une excellente mise en perspective de l'utilisation des réseaux sociaux. Il rappelle que parmi les 272 millions d'internautes US (sur une population de 315 millions d'américains), 80% sont directement concernés par les réseaux sociaux (sans forcément disposer d'un compte sur l'un des applicatifs).
Les réseaux sociaux trouvent leur racines dans le Web 2.0 qui permet la création et l'échange de contenus mis en ligne par les utilisateurs qui peuvent interagir entre eux dans ce processus. En fait, le terme réseau social recouvre plusieurs types d'outils qui répondent à des finalités différentes. Nous ne citerons ici que les principales plates-formes : le tableau complet, qui recense de nombreux applicatifs est disponible dans [1] :

  1. Echanges sociaux. Les sites tels que Facebook, MySpace, Linkedln, Google Plus permettent de contacter des amis, d'envoyer des messages et de partager des contenus. Les utilisateurs de ces réseaux se regroupent en communautés d'intérêts communs ;
  2. Blogs. Les sites tels que Yahoo !, Digg, Buzz permettent de mettre en ligne des informations privées et d'intégrer dans ses écrits des contenus d'autres médias, tels que YouTube) par un renvoi de code (url) ;
  3. Micro-blog, tel que Twitter, qui permet l'envoi de messages au contenu très limité (140 caractères) à de larges audiences ;
  4. sites collaboratifs tels que les wikis, Google Docs, qui permettent de créer des contenus en ligne à plusieurs utilisateurs répartis dans n'importe quelle partie du monde ;
  5. Publication de photos, tels qu'Instagram, Flickr ou Picassa qui permettent de publier ou/ou de partager des photos ;
  6. Éditions de vidéo sur des sites tels que YouTube pour éditer des vidéos, ou de photos sur des sites tels que Deezer pour écouter de la musique ;
  7. Chargement de fichiers tels que pdf et conversion pour des présentations en ligne avec création de codes pour les intégrer dans des sites.

Parmi ces 7 catégories, les applicatifs les plus courants sont assurément les réseaux sociaux, les mini-blogs, les blogs et les sites d'échanges photos/vidéos. En période de crise, Twitter et Facebook sont les plus utilisés. L'évolution de l'utilisation de ces réseaux sociaux est illustrée par une enquête réalisée par Henrikson [2] qui recense l'évolution de la part de l’utilisation des réseaux sociaux (RS) par tranche d'âge entre 2005 et 2010 :

  • 16% de la tranche 18-29 ans utilisait les RS en 2005, et est passé à 86% en 2010
  • 12% de la tranche 30-49 ans utilisait les RS en 2005, et est passé à 61% en 2010
  • 7% de la tranche 50-64 ans utilisait les RS en 2005, et est passé à 47% en 2010
  • 5% de la tranche 65 + utilisait les RS en 2005, et est passé à 26% en 2010

Une autre enquête menée par divers organismes [3] démontre qu'aucune organisation qu'elle soit publique ou privée ne peut à elle seule constituer une seule source d'information et d'échanges pour un événement de crise. Par contre, la diversité des approches représentée par les divers organismes représente une richesse et méritent d'être pérennisée. Les auteurs identifient un certain nombre de points forts de ces outils :

  • Les réseaux sociaux permettent un dialogue dans les deux sens entre les organisations officielles et le public, mais également directement entre les individus, ce qui est une fonctionnalité assez récente rendue possible par le Web 2.0. Ce dernier mode de communication (d'individu à individu) pose d'ailleurs le problème du court circuit des autorités en charge de la sécurité civile ;
  • Les médias de communication traditionnels tels que les télévisions nationales sont par ailleurs souvent critiquées, car elles fournissent des informations très générales, peu adaptées aux individus situés dans les zones critiques ;
  • Une autre caractéristique importante des réseaux sociaux est que leurs applicatifs sur smartphones permettent de toucher un maximum d'individus de manière instantanée, ce qui met chaque individu en situation de responsabilité, quelle que soit sa situation géographique, son identité et ses antécédents ;
  • Les réseaux sociaux encouragent la globalisation et l'internationalisation.
  • Un certain nombre de services publics prennent en compte ces nouveaux comportements en faisant le constat qu'il serait vain de vouloir changer le comportement des individus vis-à-vis de ces nouveaux outils, mais qu'il leur faut s'adapter et s'ajuster à ces nouveaux comportements. En situation de crise, les individus ont la possibilité de partager leur expérience immédiate, ce qu'ils sont en train de vivre et de ressentir en temps réel et de ce qu'ils pressentent qui va se produire.

Les réseaux sociaux tels que YouTube, Facebook et Twitter peuvent constituer des éléments majeurs de la résilience d'un territoire atteint par un aléa, car ils permettent de diffuser des informations pertinentes, des conseils de comportement de la part des organismes en charge de la gestion de crise à destination du public qui, mieux averti peut davantage se prendre en charge. En effet, la pire des choses en situation de danger est de ne disposer d'aucune information de ce qui se passe.

Effets collatéraux

les gestionnaires d'organismes mettent en avant les dangers qui peuvent résulter d'une diffusion d'informations en très grand nombre en temps quasi-instantané. Donia Curie (5) met en évidence un certain nombre de dégât potentiels collatéraux :

  • survivance d'un message de demande d'aide après que les personnes aient pu être secourues ;
  • diffusion / redirection d'informations non vérifiées à un grand nombre ;
  • diffusion de trop d'informations en instantané sur un sujet sensible peut créer de la panique
  • le coût de mise en place d'un tel service est élevé. Les opérateurs doivent passer leur temps à créer des comptes, diffuser les messages d'information, répondre aux messages, surveiller les fausses informations, valider et diffuser les plus pertinentes ou les infirmer...

Dans leurs conclusions, Laad et Lewis insistent sur l'importance que revêt maintenant les réseaux sociaux utilisés en gestion de crise pour les organisations fédérales. Les gens les plébiscitent et de toutes manières vont s'en servir pour communiquer avec leur famille et leurs amis.

Interview de l’administrateur de la FEMA Craig Fugate devant le SENAT américain

L'administrateur de la FEMA est venu présenter sa perception de l'utilisation des réseaux sociaux devant le comité sur la sécurité intérieure et les affaires gouvernementales le 5 mai 2011[4]. Il convient de souligner sa perception très précise et anticipative du sujet, car sa prestation date du 5 mai 2011 : elle est donc antérieure à Sandy (octobre 2012) Il précise que son organisme reste tout particulièrement vigilant aux besoins des individus, des familles et des communautés, qui constituent leur principale source de préoccupation : le public doit rester un acteur important de la gestion des risques et la FEMA doit travailler avec lui de manière intégrée. Le fait de traiter le public comme une ressource plutôt que comme une source de contraintes est au cœur de sa démarche. Les réseaux sociaux facilitent la communication dans les deux sens entre les agences chargées de la gestion de crise et le public. Ainsi, ces agences doivent disposer d'une vision aussi précise que possible de la réalité terrain qu'elles ne peuvent acquérir que grâce aux informations qui lui sont fournies par les individus sur le terrain. Ces mêmes agences peuvent également diffuser de manière instantanée des consignes par l'intermédiaire des réseaux sociaux, ce qui permettra de sauver des personnes. Ces communications seront d'autant plus efficaces que les gens ont l'habitude d'utiliser les réseaux sociaux dans leur vie courante, ce qui conduit la FEMA à ajuster son mode de communication à ces usages et surtout pas l'inverse ! La FEMA utilise différents modes de communication pour atteindre le public :

  • elle dispose de comptes sur YouTube, Facebook et Twitter. Pour ce dernier site, elle utilise 16 comptes différents plus spécialisés suivant les destinataires : public, bénévoles, pompiers... Cela lui permet également de suivre les échanges par le biais de « mots-clefs » tels que #imprepared ou #kidsfiresafty... ;
  • la plate-forme fédérale de gestion de crise (www.challenge.gov) pour collecter des initiatives innovantes du public, échanger des idées et des bonnes pratiques
  • ses sites Internet (www.blog.fema.goc) qui fournit de l'information avant, pendant et après l'événement ;
  • ses sites accessibles sur mobile pour l'utilisation du site par les individus sur le terrain en situation de danger.

La FEMA envisage également de futurs développements. L'administrateur de la FEMA a rencontré des responsables des constructeurs de smartphones et des gestionnaires de réseaux sociaux pour essayer d'anticiper au mieux les évolutions technologiques et les mettre à disposition du public. Il en est ressorti les points suivants :

  • Les smartphones sont de véritables entrepôts de données capables d'accéder et de traiter un grand nombre d'informations. Ces outils constituent également une ligne de vie pendant et après une crise ;
  • Concernant la réception d'informations en provenance du public, le fait de disposer d'éléments précis sur l'ampleur du phénomène permet à la FEMA d'intervenir de manière pertinente sur le terrain. La FEMA se préoccupe donc de savoir comment exploiter les informations en provenance de diverses sources : public, bénévoles, ONG, secteur public et secteur privé. L'effort s'est porté sur la mise à disposition de données géoréférencées sur des cartes : réserves en eau, en nourriture, chargeurs de téléphone... ;
  • Pour les utilisateurs de smartphones, il faut les inciter à stocker des n° de téléphones des services de sécurité, à disposer de batteries de secours pour leur téléphone et à les habituer à écrire des messages brefs « je suis en sécurité ».

Témoignage de Renée Preslar Arkansas Department of Emergency Management (ADEM)

Le département de gestion de crise utilise les réseaux sociaux depuis 2008, en ayant commençé par Facebook en tant qu'outil de préparation à la crise, puis YouTube et Twitter. Ce dernier réseau fut très utilisé lors de la tempête de neige de 2009 pour obtenir des informations sur l'état du réseau, la localisation des abris et des sites d'approvisionnement en énergie.
Grâce aux réseaux sociaux, ADEM communique directement avec les individus touchés par la crise, leurs familles, les journalistes et les bénévoles, surtout en situation de préparation de crise. Elle utilise Facebook pour montrer aux citoyens que ADEM partage des informations avec les autres agences gouvernementales, les bureaux locaux de gestion de crise, les ONG telles que la Croix-Rouge. ADEM propose également un site support utilisable par les organismes locaux de gestion de crise (au niveau du comté) qui ont des moyens limités. Ainsi les réseaux sociaux viennent compléter le dispositif de prévention qui comprend également les médias traditionnels. Ils permettent une communication instantanée et directe avec les individus.

ADEM est très attentif à la publication d'informations en temps réel, mais également en contrôlant la diffusion de rumeurs. La mise à disposition d'informations est capital, mais tant que l'on ne sais pas à quoi elles sont destinées et tant que les gens ne savent pas à quoi elles sont destinées, elles ne servent à rien. Pour éviter une grande dispersion des réponses en une focalisation sur l'événement, ADEM a mis en place seul mot clef (hashtags) : #ARwx pour rassembler toutes les contributions pour tous les événements météorologiques (alors que la FEMA a choisi des mots clefs différents par événement).

ADEM met en avant un certain nombre de difficultés de fonctionnement : le site n'est pas sous astreinte 24/7, ce qui pose problème si un événement survient la nuit par exemple. ADEM sera parmi les sites pilotes epour la mise en place du futur service IPAWS (Integrated Public and Warning System) qui facilitera la publication d'alertes pour le public. Ils estiment que les difficultés disparaîtront à partir du moment où le niveau fédéral s'engagera franchement dans ces réseaux.

Intervention de Suzy Defrancis chef des affaires publiques à la Croix-Rouge

Les dernières catastrophes, telles que les tempêtes dans le sud et dans le Middle West des USA ainsi que le tsunami au Japon mettent en évidence la nécessité d'une très large collaboration entre toutes les parties prenantes.

Globalement, la Croix-Rouge américaine est impliquée dans 70 000 crises chaque année aux Etats-Unis.

La première expérience de l'utilisation des réseaux sociaux en situation de crise provient du tremblement de terre à Haïti en juillet 2010. La Croix-Rouge a reçu des tweets de personnes ensevelies sous les décombres. Le réseau téléphonique d'urgence 911, surchargé est vite devenu inaccessible dès les premières heures de l'événement. Les gens se sont alors tournés vers des moyens de communications encore fonctionnels, c'est-à-dire les réseaux sociaux.

A la suite de cet événement, la Croix-Rouge organisa un grand débat avec d'autres organismes impliqués dans la gestion de crise ainsi qu'avec les principaux gestionnaires de réseaux sociaux. Un questionnaire en ligne a montré que les réseaux sociaux étaient plébiscités au 4ème rang juste derrière la télévision, la radio et les sites internet. Le comportement des individus est assez semblable : si le 911 devient inaccessible, une personne sur cinq se tourne vers Internet : e-mail, site ou réseaux sociaux. Dans le cas où des proches ont besoin d'aide, 44% font des demandes d'aide dans leurs réseaux sociaux de prédilection, 35% lancent une demande d'aide directement sur un site Facebook d'une agence gouvernementale et 28% émettent un tweet. En règle générale, tous les utilisateurs attendent des réponses à leurs messages : 69% s'attendent à ce que les agences surveillent les réseaux sociaux pour leur envoyer de l'aide dans les meilleurs délais. 74% s'attendent à recevoir de l'aide en moins d'une heure après leur envoi de message sur Facebook ou Twitter. Cependant, tout ne fonctionne pas aussi bien que ces attentes, car l'un des problèmes majeurs auquel se heurte les organismes concernés est le manque de personnel. La Croix-Rouge organisa également une conférence mixte le 12 août 2010 : 150 personnes étaient physiquement présentes et 1200 contribuaient virtuellement via Ustream et Twitter. Le sujet était de discuter des opportunités et des défis de l'utilisation des réseaux sociaux en situation de crise. Sept questions principales émergèrent des échanges :

  • Que pouvons nous faire pour anticiper une crise ?
  • Qui devrait avoir la responsabilité des données sociales en matière de crise ? Comment doivent-elles être utilisées ?
  • Pouvons nous concevoir une procédure pour adresser ces données aux bons destinataires ?
  • Qu'en est-il de l'accessibilité aux réseaux sociaux des personnes handicapées ?
  • Comment éviter de dupliquer les efforts en répondant aux appels à l'aide ?
  • Quel est le meilleur moyen d’authentifier les demandes ?
  • Comment gérer au mieux les attentes des citoyens ?

Toutes ces interrogations ne trouvent pas de réponse aujourd'hui et n'en trouveront probablement pas demain. Un élément important est que les gens en situation de danger communiqueront de la même manière et en utilisant les mêmes outils que ceux qu'ils ont l'habitude d'utiliser dans leur vie de tous les jours. En mai 2011, la Croix-Rouge comptait 285 000 amis Facebook et 362 000 suiveurs Twitter. Dès qu'une crise est prévue, La Croix-Rouge dépose des informations préventives sur Facebook, Twitter, une courte vidéo sur YouTube et des messages sur leur site et leur blog. Les volontaires sont formés à l'utilisation de leur smartphone et aux technologies internet afin de fournir de l'information en crise. Le travail en commun avec Google Maps pour compiler toutes les informations et les rendre disponibles en temps réel est vraiment un progrès récent.

« nous intégrons les réseaux sociaux dans notre ADN » dit Suzy Defrancis

La Croix-Rouge est en train de créer un poste de volontaire qui aiderait à surveiller, authentifier et diffuser les informations qui leur arrivent vers leurs partenaires. En complément, la Croix-Rouge utilise les réseaux-sociaux pour donner les moyens aux gens pour apporter de l'aide financière. C'est ainsi que furent levés 32 millions de dollars de dons au moyen de textos de 10 dollars. Pour Haïti, la Croix-Rouge visualisa 4 millions de SMS distribués à un demi million d'haïtiens pour les informer sur le choléra. Les photographies géolocalisées et attachées à un message sont également d'une grande aide pour que les organismes puissent comprendre la réalité d'une situation de danger mais également pour disposer de preuves pour l'évaluation des dégâts. Pour le futur, la Croix-Rouge s'interroge sur les nouvelles technologies émergentes et le rôle croissant que devrait jouer le gouvernement fédéral pour promouvoir l'utilisation des réseaux sociaux dans les phases de préparation et de gestion de crise. Les participants du séminaire de 2010 recommandent la mise en place d'un service central, uniforme, mais juxtaposant les modes d'actions de plusieurs organismes : agences gouvernementales de niveau local, de l'Etat et fédéral, ONG. Ceci nécessite une plus grande standardisation des protocoles de communication.

Réflexions de Bruce R. Lindsay : analyste au Congressional Research Service du Congrès des Etats Unis- 6 septembre 2011

Bruce Lindsay[5] identifie 2 manières d'utiliser les réseaux sociaux :

  • une utilisation passive, qui consiste à diffuser de l'information et recevoir des réactions au travers de messages, des votes. Il s'agit du fonctionnement le plus répandu utilisé par la majorité des organismes impliqués dans la gestion de crise ;
  • leur utilisation comme un véritable outil de gestion de crise qui inclut :
  • l'utilisation du réseau social pour procéder à des communications d'urgence et pour émettre des messages d'alerte ;
  • la réception des demandes d'assistance de victimes ;
  • la surveillance des activités et des messages des utilisateurs pour diagnostiquer la situation ;*
  • l'utilisation des images produites pour évaluer les dégâts.


Bruce Lindsay identifie 6 utilisations spécifiques des réseaux sociaux :

  1. Sécurité publique et informations sur la crise : la principale source d'information en provenance du terrain est fournie par les citoyens plutôt que par les agences ou les organisations impliquées dans la gestion de crise.
  2. Annonce : les réseaux sociaux sont très utilisés pour diffuser des annonces d'exercices d’entraînement ou pour mobiliser les premiers secours ;
  3. Avertissements et alertes : les réseaux sociaux peuvent être utilisés pour fournir des informations sur le déroulement de l'événement et ensuite servir de portail d'information pour la remise en état et ultimement être utilisés comme document historique ;
  4. Prise de conscience de la situation et communication citoyenne : les réseaux sociaux peuvent être utilisés pour alerter les responsables de gestion de crise et les officiels sur certaines situations en surveillant le flux d’informations en provenance de différentes sources. L'obtention d'informations en temps réel utile à la compréhension de l'évolution de la situation est de nature à aider les officiels à localiser les individus en danger, évaluer les besoins des victimes, à alerter les citoyens et les secours de manière plus pertinente ;
  5. Demande d'assistance : le téléphone (911) reste le premier média à être utilisé. Pour le tsunami de mars 2011, les japonais se sont reportés sur Twitter lors du dysfonctionnement du réseau téléphonique ;
  6. Réseaux sociaux et remise en état : la FEMA favorise d'utilisation des réseaux sociaux pour accélérer l'estimation des dégâts à partir des photos d'ouvrages endommagés ou détruits comme les barrages, les digues, les ponts et les bâtiments, prises à partir des téléphones mobiles.

L'auteur met l'accent sur les retours d'expérience et bonnes pratiques en matière d'utilisation des réseaux sociaux. Il s'agit de : identifier les cibles pour les diverses applications, comme la population, les ONG, les bénévoles et les agences gouvernementales ; déterminer les informations appropriées à diffuser ; diffuser des informations pertinentes sur l'événement ; identifier les risques liés à l’utilisation d'une application : par exemple la diffusion d'informations truquées et estimer le travail nécessaire pour éliminer ou réduire les conséquences. Ce type d'information peut résulter d'erreurs non volontaires, d'erreurs intentionnelles ou périmées.

Bruce Lindsay conclut sa présentation en soulignant la probable augmentation de l'utilisation des réseaux sociaux à cause de l’engouement des gens pour les nouvelles technologies. Les réseaux sociaux tendent à devenir pour le plus grand nombre leur principale source d'information.

Conclusion

L'ensemble des personnalités interrogées par la sous-commission ad-hoc du Sénat américain ont vécues personnellement les dernières catastrophes qui se sont produites sur leur territoire et ont suivi de près les événements qui se sont déroulés à l'extérieur de leur pays comme en Haïti ou au Japon. C'est donc enrichies de leur expérience qu'elles sont venues témoigner.

Leurs réflexions et propositions sont très cohérentes : de leur point de vue, les réseaux sociaux sont des outils extrêmement utiles à la préparation, à la gestion de la crise et la remise en état d'un territoire. Ces nouveaux outils sont utilisables non seulement par les organismes pour diffuser des informations aux individus situés ou non sur un territoire touché par une catastrophe, mais également à l'inverse pour que chaque individu puisse fournir des informations précieuses à ces mêmes organismes et à tout public.

Ces informations présentent l'énorme avantage d'être instantanées contrairement aux autres médias : télévision, radios. Ces responsables ont été en quelque sorte des visionnaires, puisque l'ouragan Sandy qui a dévasté New-York, qui s'est produit une année après ces auditions du Sénat, a complètement confirmé leurs propos.

Il est donc indispensable que les pouvoirs publics prennent bien la dimension de ces nouveaux outils et les intègrent à l'ADN de leur gestion de crise, en corrigeant autant que possible leurs défauts (diffusion de fausses informations, coût élevé de surveillance et de publication des informations...).


Les réseaux sociaux peuvent donc être considérés comme un élément fondamental de la résilience des territoires soumis aux risques naturels ou technologiques. Ce sont en effet des outils qui permettent avec un minimum d'investissements au niveau global de l'événement (en opposition avec la perception des organismes audités qui résonnent au niveau de leur organisme) d'établir un espace d'échange entre les organismes impliqués dans la gestion de crise (agences gouvernementales, ONG...) et le public concerné avec comme retombées directes :

  • une information ciblée du public avant la crise de manière à ce qu'il puisse prendre ses dispositions de mise en sécurité de lui-même, de sa famille et de ses biens ;
  • des données précieuses fournies par le public sur le terrain lorsque la crise est avérée. Ces données sont utilisables moyennant certaines précautions par les organismes impliqués dans la gestion de grise pour cibler leurs interventions ;
  • une localisation précise des individus en danger qui émettent des messages à destination des organismes de sécurité civile ;
  • la publication de documents (messages et photos) qui permettent ensuite de localiser, identifier et évaluer les dommages

Toutes ces retombées des réseaux sociaux en période de crise concourent donc à une meilleure prise en charge et une plus grande responsabilisation des individus, ce qui non seulement rend les organismes plus performants dans leurs interventions terrains puisque les gens ont pris des mesures pour se mettre à l'abri, mais rend les individus davantage responsables de leur destin.

Bibliographie

  1. « Role of Social Media in Crisis Communication » : G. Laad, G. Lewis, January 2012
  2. « The Growth of Social Media : An Infographic ». Social Media Journal, August 30, 2011
  3. Currie, D. (2009) Expert Round Table on Social Media and Risk Communication During times of Crisis : Strategic Challenges and Opportunities. Special Report by Booz Hamilton, The American Public Health Association, The George Washington University School of Public Health and Health Services, International Association of Emergency Managers and National Association of Government Communicators retieved from http://www.boozallen.com/insights/insight-detail/42420696
  4. « Understanding the Power of Social Media as a Communication Tool in the Aftermath of Disaster »,FEMA, Before the Senate Committe on Homeland Security and Governmental Affairs, Subcommitte on Disaster Recovery and Intergovernmental Affairs, Washington DC, May 5, 2011
  5. « Social Media ans Disasters : Current Uses, Future Options and Policy Considerations », Congressional Research Service 7-5700 R411987, CRS Report for Congress B. Lindsay, Sept. 2011


Le créateur de cet article est Jean-Michel Tanguy
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