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Scénarios climatiques pour la France pour le XXI siècle

De Wikibardig

Sommaire

Introduction

Au cours de la concertation nationale du Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC), il est apparu nécessaire de fixer les valeurs de référence et les scénarios climatiques à prendre en compte, pour que les acteurs calibrent leurs décisions, notamment lorsque celles-ci portent sur des investissements de long terme (urbanisation, énergie, infrastructures ou encore secteur forestier).
La secrétaire d’Etat chargée de l’écologie a confié à Jean Jouzel, vice-président du Groupe I « Eléments scientifiques » du GIEC, la mission de définir, avec les acteurs principaux de la communauté climatique française, des critères de choix des projections climatiques à utiliser pour la définition d’un scénario climatique, en cohérence avec les travaux du GIEC.
Une équipe de climatologues de l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) et de Météo-France a été constituée pour produire deux scénarios climatiques.

Deux modèles - deux scénarios

Le changement climatique futur à l’échelle de la France est simulé à partir des modèles climatiques régionaux français ARPEGE-Climat et LMDZ respectivement développés par le CNRM-Météo-France (Centre national de recherches météorologiques) et l’IPSL (Institut Pierre-Simon Laplace).
Les simulations choisies dans le cadre de cette mission, réalisées à l'occasion du quatrième rapport du GIEC, se basent sur deux scénarios d’émissions de gaz à effet de serre :

  • le scénario B2, plutôt optimiste ;
  • et le scénario A2, plutôt pessimiste.

Ce rapport présente, sous forme de tableaux et de figures, les valeurs projetées de 19 indices climatiques qui concernent aussi bien des moyennes que des extrêmes climatiques (température, précipitations, humidité du sol et vents extrêmes). Les valeurs des indices sont présentées en écart par rapport à la période de référence (1980-1999 ou 1970-1999 selon le modèle) pour les horizons 2030, 2050 et 2100. Les indices sont présentés pour la France métropolitaine et pour 5 grandes régions.

Les résultats marquants

Les températures

Suivant le scénario B2, la température moyenne en France augmenterait d’environ 2° à 2,5°C entre la fin du XXe siècle et la fin du XXIe siècle. L'augmentation est d’environ 2,5° à 3,5°C pour le scénario A2. Le réchauffement est semblable pour les deux scénarios aux horizons 2030 et 2050, se situant sensiblement entre 0,5° et 1,5°C. Il est toutefois légèrement supérieur pour le scénario A2 en 2050.
La faible différence entre les résultats issus des deux scénarios aux horizons 2030 et 2050 traduit l’inertie de la réponse du système climatique aux émissions de gaz à effet de serre. Elle traduit également l’importance à ces échéances de l’impact de la variabilité climatique naturelle qui masque pour partie la tendance lente au réchauffement d’origine anthropique. Après 2050, les écart entre le scénarios « optimiste » et celui « pessimiste » se creusent nettement.

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Les précipitations

Le signe des changements de précipitations moyennes est relativement incertain pour l’hiver et l’automne où il varie selon les horizons, les régions ou les scénarios.
En revanche, les deux scénarios montrent une tendance à la diminution des précipitations au printemps et en été.
Cette diminution, sensible seulement à la fin du siècle pour le scénario B2, est plus précoce et de plus forte amplitude avec le scénario A2, autour de -10 % vers 2050 et de -30 % vers 2090 pour la saison estivale. Le Sud-Ouest de la France serait la région la plus touchée par cette diminution.

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Des extrêmes qui changent

Les changements concernant les extrêmes apparaissent contrastés. Cependant, lorsqu’une tendance est présente, elle est de plus forte amplitude pour le scénario A2. Par exemple, la température extrême maximale quotidienne à l’horizon 2050 dans le Sud-Ouest serait supérieure de 2,7°C à la valeur extrême actuelle pour le scénario optimiste et 3,7°C pour le scénario pessimiste. En 2090, les écarts correspondants seraient respectivement de +4,8°C et +6,7°C.
Pour les indices reliés aux extrêmes chauds, les deux scénarios montrent une tendance à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces extrêmes. Le nombre annuel de jours où la température maximale quotidienne serait anormalement élevée est en très nette augmentation. Par exemple, à l’horizon 2030, ce nombre de jours, qui est actuellement de 36 en moyenne annuelle, serait augmenté de 8 à 38 jours.

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Lecture de cette illustration : actuellement, dans le Sud-Est de la France, une vingtaine de jours dépassent de 5°C la moyenne habituelle. A horizon 2090, les deux modèles projettent que ce nombre augmentera d’au moins 80 jours supplémentaires dans le cas du scénario pessimisye (A2).
A l’inverse, les extrêmes froids ont, partout et en toute période, tendance à diminuer. De la même façon, la tendance à l’augmentation de la durée des sécheresses estivales est marquée dans toutes les régions. Toutefois, les cartes des changements des extrêmes de précipitations apparaissent plus contrastées selon les régions, ce qui se traduit souvent par une indétermination sur le signe des changements à l’échelle de la France métropolitaine.
Concernant le vent extrême, on note une faible tendance à la diminution dans la partie sud du pays, tandis que le signe des changements est indéterminé sur la partie nord.

Des résultats marqués par l’incertitude

L’incertitude des projections climatiques est liée à plusieurs facteurs :

  • la variabilité naturelle du climat ;
  • la capacité des modèles numériques à reproduire le fonctionnement du climat ;
  • les émissions de GES qui seront effectivement réalisées durant la période.

Pour traiter la variabilité naturelle du climat, le rapport a dressé des intervalles de confiance à 90 %, ainsi que les valeurs extrêmes simulées pour chaque paramètre (ce point est détaillé dans le rapport complet).
Concernant la question de l’imperfection des modèles numériques, il a été choisi ici de rapporter les projections simulées par les deux modèles français. L’ajout des projections de la vingtaine des autres
modèles utilisés dans les travaux du GIEC permettrait de préciser encore l’incertitude.
Enfin, concernant les scénarios d’émission, l’incertitude est liée aux politiques de réduction d’émission
de GES qui seront adoptées par nos sociétés.

Compléments et perspectives

Elévation du niveau de la mer

Selon le dernier rapport du GIEC, le niveau moyen de la mer pourrait s’élever d’une hauteur comprise entre 23 cm et 51 cm entre la fin du XXe siècle et la fin du XXIe siècle dans le cas du scénario A2, entre 20 cm et 43 cm pour le scénario B2.
Ces projections du GIEC ne prennent pas en compte l’impact éventuel d’une accélération de la fonte des calottes glaciaires, telle que suggérée par les observations récentes. Elles peuvent donc être considérées comme prudentes. Des projections cherchant à reproduire indirectement cet effet ont récemment été publiées, annonçant en 2100 une élévation possible supérieure à 1 m. Cependant, les méthodes utilisées pour ces projections ne s'attachent pas à reproduire les processus physiques en jeu mais simplement à prolonger les tendances actuelles et doivent donc être considérées avec beaucoup de précautions.
La distribution régionale du changement du niveau de la mer est quant à elle encore plus difficile à estimer car elle dépend de l’évolution locale de nombreux paramètres. Les modifications prévues sur les régions qui nous concernent sont particulièrement incertaines, d’autant plus pour la mer Méditerranée pour laquelle le GIEC ne donne pas de valeur. L’élévation du niveau de la mer Méditerranée est en effet difficile à estimer à l’aide des modèles globaux car ceux-ci ne prennent pas en compte de manière réaliste les échanges d’eau entre la Méditerranée et l’océan Atlantique au niveau du détroit de Gibraltar.
Une note de synthèse de l’ONERC, parue en 2010, recommande de retenir pour les études à venir concernant les impacts de l’élévation du niveau de la mer sur l'ensemble des côtes françaises, Méditerranée et Outre-mer compris, les mêmes valeurs que pour l'élévation globale du niveau de la mer et de ne pas écarter l’hypothèse extrême de 1 m.

Les projections pour l’Outre-mer

Les Départements et Collectivités d’Outre-mer (DOM-COM) représentent des zones trop petites pour que les modèles globaux en simulent les évolutions climatiques détaillées. Cependant, une configuration d’ARPEGE-Climat a permis de réaliser des simulations à haute résolution sur l’ensemble du globe avec une maille de 50x50 km². Ces simulations montrent que, comme sur le reste du globe, l’accroissement des températures est plus élevé sur les continents (ou sur les grandes îles, comme Madagascar) que sur les océans.
Dans le cas de l’île de La Réunion, une étude spécifique exploitant les résultats de ces simulations a été réalisée. À proximité de La Réunion, le modèle prévoit un échauffement compris entre 1,4°C et 3,0°C selon les scénarios et la saison pour la fin du siècle. Le réchauffement le plus important se produirait pendant les mois les plus chauds de l’année. En revanche, les mois les plus frais, juin - juillet - août, bénéficieront d’une hausse relativement modérée.
La majorité des indices climatiques vont dans le sens d’un assèchement pour la période 2041-2070.
L’augmentation du nombre maximal annuel moyen de jours secs consécutifs laisse à penser que les périodes de sécheresse seront plus longues dans le climat futur pour l’île de La Réunion. Il semble également que, dans le climat futur, les contributions des précipitations extrêmes dans le cumul annuel seront plus importantes.
Dans le cadre du projet EXPLORE 2070, des simulations climatiques seront réalisées à partir du modèle ARPEGE-Climat pour les Antilles, la Réunion et la Guyane. Les simulations seront produites en 2012 et utilisées pour le cinquième rapport du GIEC.

Le débit des cours d’eau en France métropolitaine

Anticiper l’évolution des débits des rivières sur la France est un exercice difficile qui nécessite l’utilisation de modèles possédant une résolution spatiale élevée, de l’ordre de celle des bassins versants français, ainsi que la prise en compte de nombreux processus hydrologiques.
Il existe peu de simulations hydrologiques utilisant les scénarios régionaux B2 et A2. Le rapport a pu cependant s’appuyer sur plusieurs travaux qui, même s’ils n’utilisent pas ces scénarios, peuvent donner une idée des changements prévus. La première étude (thèse de J. Boé : 2007)  indique une forte diminution généralisée sur la France des débits moyens en été et en automne, des étiages plus précoces et sévères sur l’ensemble du pays, mais une augmentation des débits en hiver sur les Alpes et le Sud-Est, des changements bien plus modérés des débits intenses que des débits moyens.
Dans une autre étude (projet RexHYSS) sur le bassin de la Seine, tous les modèles utilisés simulent un assèchement prononcé d’ici à la fin du XXIe siècle, avec une baisse des nappes et des débits en moyenne annuelle.
Cette baisse, globalement comprise entre 20 et 40 % des débits actuels, est robuste au regard des incertitudes analysées, qui proviennent de manière dominante des modèles climatiques de grande échelle, suivis des modèles hydrologiques et des méthodes de désagrégation. A l’échelle saisonnière, la baisse des débits se répercute davantage sur les hautes eaux que sur les basses eaux, dont la baisse est moins robuste. La réponse des valeurs extrêmes est plus contrastée. Sur l’ensemble des stations analysées, les débits caractéristiques des étiages sévères baisseraient fortement, et la durée des séquences de débits faibles augmenterait. Au contraire, les crues extrêmes ne changeraient pas significativement.

Quelques conséquences concrètes

Dans l’ensemble des projections réalisées, qui peuvent alimenter les réflexions sur les impacts et les moyens de s’adapter à l’évolution du climat, on pourra remarquer en particulier :

  • une hausse des phénomènes de canicule et une baisse du nombre de jours de grand froid, ce qui aurait des effets respectivement négatifs et positifs sur la santé ;
  • une baisse globale du nombre de jours de neige, mais sans que ce phénomène ne disparaisse
  • une tendance notable à la baisse du nombre de degrés jours de chauffage ce qui correspondrait à une réduction des besoins énergétiques de chauffage futurs (une réduction de près de 1000°C dans les Alpes correspond à une diminution d’un tiers des besoins en chauffage dans ces régions) ;
  • une tendance à la hausse du nombre de degrés jours de climatisation ce qui correspondrait à une hausse des consommations pour le refroidissement en été.
cc figure 4

 
Le rapport complet de la mission confiée à J. Jouzel peut être téléchargé sur le site du Ministère de l’écologie

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