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Villes résilientes - Mise en perspective des études de cas

De Wikibardig

Sommaire

Études de cas internationales : quels leviers pour la résilience des villes à l'international ?

Des études de cas aux caractéristiques diverses

Au travers de l’étude réalisée, le cas de quatre territoires internationaux ont été analysés au regard du concept de résilience:

Récap études de cas.bmp


L’étude a d’abord souligné l’existence de différentes natures de vulnérabilités, associées à des situations de crise. Dans les cas du district d’El Bierzo en Espagne et de la ville de Łódź en Pologne, les chocs ont pu être clairement définis dans le temps et dans l’espace et leurs conséquences sur les tissus économiques et sociaux ont été facilement identifiables. Dans les deux cas, on a observé un moment de rupture (respectivement crise industrielle des années 70-80 et chute du bloc communiste dans les années 1990), qui a entraîné le processus de crise. Dans le cadre des études de la Province de Limbourg au Pays-Bas et du Nord de la Préfecture de Kyoto au Japon, les chocs ont été plus difficilement identifiables puisque les mutations ont été plus diffuses, et inscrites sur une longue période. Les répercussions de ces bouleversement ont ainsi pris la forme d’une dégradation lente mais progressive des structures économiques, sociales et démographiques, et du tissu urbain, phénomènes caractéristiques des territoires en déprise.

De même, l’étude a révélé différents degrés de réussite pour les politiques et stratégies de résilience mises en oeuvre sur les 4 territoires. Si les cas du Japon, du Pays-Bas et, de manière plus nuancée, de la Pologne, présentent des résultats positifs sur le court terme et que des signes de rebonds sont déjà visibles (création de nouveaux emplois, amélioration du climat social, revitalisation urbaine ...), la stratégie de revitalisation opérée dans le district d’El Bierzo n’a en revanche pas réussi à créer un nouvel équilibre dynamique sur le territoire. Cet échec au niveau local est néanmoins riche d’enseignements, dans la mesure où il a souligné par la négative des leviers importants pour la création d’un processus de résilience. Dans les quatre cas, des résultats sur le temps long restent encore indisponibles, et devront être étudiés pour confirmer l’effectivité et la durabilité des rebonds observés.

D’un point de vue méthodologique, il s’avère difficile de comparer l’efficacité des stratégies de résiliences mises en place dans les quatre territoires. En effet, les vulnérabilités, les contextes nationaux, régionaux et l’histoire des territoires sont spécifiques à chaque étude et constituent des facteurs à même d’influencer les résultats des stratégies développées. Enfin, les quatre études n’ont pas concerné des aires géographiques de taille similaire (ville, intercommunalité, territoire régional, région administrative), et n’ont de fait pas disposé des mêmes moyens pour établir leurs stratégies. S’il paraît donc complexe et peu pertinent de comparer les résultats de chaque stratégie, les 4 études révèlent en revanche l’utilisation de leviers communs, et font ressortir des signaux forts et des bonnes pratiques, qui peuvent être analysés en tant qu’éléments favorables à l’établissement de processus de résilience sur les territoires.

Points saillants et leviers de résilience ressortant des études

Le tableau récapitulatif présente ci-dessous les différents leviers recensés dans chacune des études de cas. Il démontre tout d’abord la diversité des mécanismes mobilisables pour la mise en place d’un processus de résilience à l’échelle urbaine et territoriale : il n’existe pas de modèle unique de résilience, et celle-ci prend des formes et des natures différentes selon les contextes locaux et régionaux. D’autre part, aux vues des résultats, certains facteurs semblent se détacher plus que d’autres, et ont constitué des dénominateurs communs favorables à l’établissement de dynamiques de résilience dans les quatre études de cas.


Leviers de résilience.bmp


  • Le développement d’une identité et la mobilisation de ressources territoriales

Dans tous les cas étudiés, la mise en place d’une réflexion sur l’identité et la mobilisation de ressources territoriales spécifiques ont constitué le cœur des stratégies engagées. Cette démarche a permis aux parties prenantes du territoire de mieux identifier ses vulnérabilités et ses potentialités et de prendre du recul vis-à-vis de sa situation. Elle a surtout permis, dans 3 cas sur 4 (Espagne, Pologne et Pays-Bas) de travailler sur l’image du territoire et de développer des stratégies fondées sur de nouvelles représentations collectives, tant pour les populations locales que pour les acteurs extérieurs. Dans le district d’El Bierzo comme dans la ville d’Heerlen, une identité commune a été construite à partir d’une activité traditionnelle, l’industrie minière (mobilisation de la mémoire collective, création de musées de l’énergie et des mines…). Dans la ville de Łódź, le travail sur l’identité est d’abord passé par le rejet de l’image négative de la ville, fondée sur son long déclin industriel, pour ensuite développer une nouvelle réflexion sur les valeurs de son passé cosmopolite. Cette redéfinition identitaire doit cependant éviter l’écueil du story-telling, comme cela a été le cas dans les premières stratégies menées dans la ville de Łódź : l’identité doit rester en cohérence avec les caractéristiques territoriales et surtout être acceptée et intériorisée par les citoyens, afin de créer des dynamiques locales de développement.

En s’appuyant sur des ressources et des spécificités locales, les processus de résilience ce sont ainsi inscrits dans une continuité, en voulant préserver des caractéristiques essentielles du territoire (sa culture, son historicité, ses activités traditionnelles) tout en les adaptant et les renouvelant face aux contextes de vulnérabilités. On se trouve donc bien dans le champ d’une résilience adaptative, qui vise à la fois à conserver et flexibiliser des éléments moteurs clés des territoires.

  • Les synergies entre acteurs du territoire

Les liens créés entre les différentes parties prenantes sont apparus comme des facteurs essentiels pour le développement des processus de résilience, que ce soit de manière informelle ou par la création de modèles organisationnels. La prise en considération des représentations et la mise en réseau des différents acteurs du territoire (économiques, Organisations Non Gouvernementales, universités et recherche, citoyens, etc.) ont permis la construction de stratégies mieux adaptées aux contextes et aux besoins locaux.

De même, les liens créés ont pu faire émerger des solutions innovantes, non envisagées par les acteurs politiques conventionnels : c’est notamment le cas des initiatives de crowdfunding, qui ont permis aux populations locales de contribuer à la formulation des politiques publiques (voir à ce propos le cas de la ville d’Heerlen dans la Province de Limbourg, où des projets de réhabilitation urbaine ont été conçus sur ce principe).

La création formelle d’organismes de gouvernance partagée et de démocratie participative comme cela a été le cas dans le modèle de Kyoto a enfin démontré l’importance des synergies entre acteurs, dans la mesure où la mutualisation des compétences et la création d’un dialogue entre parties prenantes permet un accroissement global des capacités de réponse aux vulnérabilités des villes et des territoires. Le cas espagnol, où les synergies ont été insuffisantes au niveau local, souligne d’autant plus cette importance : c’est le manque de communication entre les différents acteurs du territoire qui a handicapé l’intégration dans le tissu économique et social de la fondation CIUDEN et de son programme de développement.

  • La mise en place de jeux d'échelle géographique

Dans les études de cas, les jeux d’échelles géographiques ont été des facteurs de réussite des projets et se sont déclinés en deux stratégies. Tous les territoires ont d’abord mis en évidence l’intérêt de mobiliser des mécanismes de financements disponibles à différentes échelles : le cas espagnol est de ce point de vue significatif, puisque la majorité des projets ont été financés par l’Union Européenne, l’État et des partenaires privés. La mobilisation de dispositifs extérieurs au territoire constitue ainsi une opportunité importante pour mener à bien les projets. De même, les programmes de financement de l’UE peuvent jouer un rôle de levier significatif dans les pays européens. Une assise territoriale doit cependant perdurer : un financement uniquement extérieur peut nuire à l’implantation et l’autonomie du projet, comme ce fut le cas dans le district du Bierzo. Les dispositifs doivent ainsi être recherchés à la fois aux échelles régionales, nationales voire internationales, dans une démarche d’ouverture, mais s’appuyer sur une gouvernance locale pour éviter toute forme de dépendance.

L’articulation de stratégies et de projets à plusieurs échelles a également été un levier significatif pour trois des études de cas (articulation ville/quartier à Łódź, régional/aire urbaine pour la Préfecture de Kyoto et la Province de Limbourg). Ces articulations ont pu faire émerger des complémentarités entre stratégies, et assurer la cohérence territoriale des politiques engagées au niveau local. L’existence de stratégies et de dynamiques au niveau régional en support des initiatives locales a été identifié comme une incitation importante au développement de processus de résilience.

  • La mise en place de projets de développement local

Le développement local constitue le dernier levier mobilisé par les territoires étudiés. Il a permis de concevoir des projets adaptés aux spécificités et aux capacités des territoires, et de mettre en place des dynamiques soutenues par des acteurs de terrain. En s’appuyant sur les ressources locales, et notamment humaines, la stratégie de développement local a également pu contribuer à augmenter les capabilités des populations. C’est notamment le cas dans le Nord de la Préfecture de Kyoto ou dans la ville d’Heerlen. En revanche, une mauvaise adaptation de la taille des projets aux contextes locaux (comme les infrastructures de CSC du district d’El Bierzo ou pour le projet de revitalisation urbaine de Łódź) a pu être préjudiciable à la durabilité des stratégies mises en œuvre.

  • Un levier englobant et transversal : la transition écologique ?

Dans trois des quatre études de cas (Pays-Bas, Espagne et Japon) le développement de stratégies de transition écologique a constitué une orientation déterminante pour les tentatives de rebond engagées. En effet, le concept de transition écologique et énergétique, en englobant les trois piliers du développement durable (durabilité économique, sociale et environnementale) a servi de soutien aux stratégies développées, et a donné du sens aux initiatives et projets locaux. La mise en place de politiques de transition écologique témoigne ainsi de l’existence d’une vision prospective sur le territoire, et de la volonté d’inscrire des objectifs sur le long terme. De plus, cette démarche s’intègre pleinement dans la logique de création d’un processus de résilience : en prenant en compte les interrelations entre sphère économique, sociale et environnementale, les territoires sont à même de développer des capacités d’analyse systémique et d’améliorer l’efficacité des mesures conçues face à des vulnérabilités de plus en plus transversales. Elle contribue enfin a créer des espaces urbains et des territoires plus durables, autonomes et flexibles (en favorisant le développement d’énergies renouvelables, d’innovations vertes), et donne ainsi des horizons au concept de résilience.

Des résultats en cohérence avec les leviers identifiés des monographies françaises

Les leviers identifiés ci-dessus font très largement écho à ceux présentés dans les monographies françaises réalisées dans le cadre du projet « villes résilientes » mené par le CGDD (Communauté de Communes du Mené, Pays Roannais, Pays Voironnais, Bassin Minier du Nord-Pas-De-Calais, Ville de Feyzin, Ville de Laval et Ville de Saint-Étienne). Il est effectivement possible de relever des similitudes importantes entres les mécanismes mis en place au niveau international et ceux observés dans les villes résilientes françaises.

- Le territoire du Mené est ainsi clairement en adéquation avec les enseignements de la présente étude : il a fondé une stratégie de développement local sur la base de la transition énergétique (énergies renouvelables) en mobilisant une identité territoriale forte (milieu agricole) et en créant des synergies entre acteurs (crowdfunding, consultations locales, gouvernance partagée).

- Le cas du Pays Roannais peut par bien des aspects être rapproché de celui de la ville de Łódź. Dans les deux cas, le processus de résilience s’est appuyé sur des ressources locales héritées (secteurs économiques traditionnels) et sur l’encouragement à l’innovation (diversification des activités économiques vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée).

- La spécificité de la politique menée à Saint-Étienne, basée sur le secteur du design mobilise un levier similaire à celui de Łódź : la stratégie de résilience est alors concentrée sur un domaine spécifique, moteur du rebond (la culture et le patrimoine urbain), plutôt sur une approche globale.

- Le Bassin minier du Nord-Pas-De-Calais recoupe quant à lui le cas de la Province de Limbourg : dans les deux études, on a assisté à une imbrication des stratégies au niveau national, régional et local, et à l’exploitation d’une identité culturelle (le passé minier) afin de créer des dynamiques locales de revitalisation.

- Enfin, la Ville de Feyzin, en créant des espaces de concertation entre acteurs locaux et en établissant des modèles de démocratie participative, rappelle la politique engagée dans le cadre du modèle de Kyoto au Japon.

Cette proximité de pratiques entre expériences internationales et françaises confirme l’idée que les leviers identifiés dépassent bien les cadres nationaux. Ils constituent des facteurs clés de mise en place et de réussite de processus de résilience, et représentent de manière générale des bonnes pratiques pour les territoires en situation de vulnérabilités.

Les études de cas internationales confirment ainsi les principales conclusions des monographies réalisées à l’échelle française, et insistent sur des facteurs primordiaux dans la création de dynamique de résilience à l’échelle des villes.

Quels enseignements pour le projet villes résilientes et l'opérationnalité du concept de résilience ?

Retour sur la grille d'analyse villes résilientes

Aux vues des leviers identifiés, il est possible de revenir sur la grille d’analyse « villes résilientes », conçue par le CEREMA au début du projet afin de donner un cadre aux réflexions engagées. La grille a été initialement divisée en 4 axes complémentaires et transversaux :

- Caractériser les effets de processus relevant de différentes temporalités et de différentes échelles ;

- Examiner les conditions suivant lesquelles une veille anticipative est assurée ;

- Considérer la nature des liens tissés entre les acteurs ;

- Identifier les formes que prennent les capacités d’agir.

Dans l’ensemble, les leviers qui ont émergé des études de cas internationales viennent renforcer la pertinence de la grille. Il existe en effet des liens étroits entre les thématiques abordées par les leviers et les 4 axes.

L’axe 3 et une partie de l’axe 1 (liens tissés entre acteurs et processus relevant de différentes échelles) sont d’abord clairement apparus comme leviers de résilience dans les études de cas internationales. La seconde partie de l’axe 1 (les processus relevant de différentes temporalités) peut quant à elle faire écho au levier sur la mobilisation d’une identité territoriale, qui nécessite un travail sur l’historicité du territoire. Il est d’autre part intéressant de remarquer que les interconnexions existantes entre temporalités et échelles spatiales, comme dans le modèle de Panarchy, sont également observables dans les études de cas internationales. C’est le cas notamment aux Pays-Bas, où les stratégies locales de résilience sont intégrées dans des politiques régionales plus larges, définissant des orientations stratégiques de long terme. L’axe 2 (veille anticipative) peut être en partie retrouvé dans le développement de stratégies de transition écologique, qui nécessite d’adopter une vision du territoire sur le long terme. Il pourrait d’ailleurs être envisagé d’enrichir cet axe en y ajoutant le concept de veille prospective : s’il est nécessaire pour les villes d’anticiper les perturbations futures, il semble aussi essentiel de construire une vision stratégique et d’étudier différents scénarios d’évolution possibles pour le territoire. Les deux concepts se complètent dans l’optique d’un accroissement des capacités de résilience urbaine.

Les capacités d’agir, dernier point de la grille d’analyse, sont également ressorties sous divers aspects dans les leviers identifiés à l’échelle internationale. L’accroissement des capabilités des populations locales (par la formation universitaire, la requalification) a d’abord constitué un premier facteur d’amélioration des capacités d’agir. De même, le développement au niveau local de plusieurs types d’innovations sociales (associations d’utilité sociale, coopérative, mécanismes de démocratie participative) a démontré l’importance de l’implication des populations dans la mise en place de processus de résilience. L’existence d’une dynamique locale constitue un facteur décisif pour l’ancrage des stratégies de résilience, et nécessite un effort de la part des acteurs politiques pour garantir l’adhésion des citoyens.

Enfin, la dimension transversale doit être réaffirmée : les quatre axes forment une grille d’analyse de systèmes urbains complexes, et doivent de ce fait être considérés comme un référentiel à entrées multiples. La grille d’analyse propose ainsi des angles d’approches différents et complémentaires et leur composition permet de mieux rendre compte des caractéristiques des villes résilientes. Cette approche transversale renforce la nécessité de privilégier l’analyse systémique dans l’étude des villes résilientes : les stratégies de résilience urbaine doivent prendre en compte la multidimentionnalité des problématiques rencontrées et des modes d’intervention possibles ainsi que leurs interrelations.

Conclusions pour le concept de résilience

L’ensemble de ces enseignements contribue à mieux appréhender le concept de la résilience dans sa dimension urbaine.

La résilience urbaine peut ainsi être définie comme un processus de renouvellement des systèmes urbains face à des vulnérabilités, sans retour nécessaire à un état initial, mais avec une persistance et une conservation d’une identité et d’une spécificité territoriale, sur lesquelles peuvent s’appuyer les stratégies mises en place. La capacité de résilience d’une ville désigne alors sa capacité à atteindre un état d’équilibre dynamique, dans lequel les fonctions urbaines sont à la fois rendues plus robustes (renforcement des atouts du territoire, en s’appuyant sur des ressources locales, l’empowerment et l’accroissement des capabilités), et plus flexibles (encouragement à l’innovation sous toutes ses formes, diversification des fonctions). La ville résiliente est alors capable de mettre en place une vision prospective de son territoire et d’anticiper des perturbations futures.

L’analyse a également rappelé la dimension politique de la résilience : il est important pour les acteurs politiques du développement de donner un sens aux stratégies de résilience afin d’en assurer la cohérence et l’opérationnalité. La mobilisation de stratégies de transition écologique, énergétique et de développement durable dans la majorité des cas étudiés témoigne de cette importance : la résilience ne doit pas être seulement réactive et technique, mais être inclusive, en favorisant une concertation entre les différentes parties prenantes du territoire et s’intégrer dans une stratégie de long terme.

Références

Fiche résumé réalisée par Adeline Bordais (CGDD-DRI) sous l’initiative et la relecture de Jean-Michel Tanguy (CGDD-DRI) et Anne Charreyron-Perchet (CGDD) ; à partir des travaux de la version complète de Lucile Dufour (CGDD). 15/10/2014.

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