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Mercure / Hg (HU)

De Wikibardig

Traduction anglaise : Mercury

Dernière mise à jour : 11/09/2022

Métal de symbole Hg et de numéro atomique 80 ; c'est le seul métal qui se présente sous forme liquide dans les conditions normales de température et de pression ; le mercure est extrêmement toxique, y compris sous sa forme métallique, ce qui justifie son classement parmi les métaux lourds.

Sommaire

Nature et différentes formes physico-chimiques

Dans la nature, on trouve principalement le mercure sous forme de sulfures ; le sulfure de mercure (HgS), nommé cinabre en minéralogie, constitue son principal minerai. On trouve également du mercure métallique à l'état natif. Le mercure métallique est susceptible de s'oxyder dans l'air humide. Il existe alors deux niveaux d'oxydation :

  • Le niveau 1 : ion mercureux Hg22+, par exemple Hg2SO4
  • le niveau 2 : ion mercurique Hg2+, par exemple HgO, HgSO3, etc.

Le mercure peut également se lier à des chaines carbonées pour former des composés organiques et en particulier des méthylmercures très toxiques et bioassimilables par voie orale.

Outre sa très grande densité et son caractère liquide, le mercure présente l'intérêt de former des amalgames avec la plupart de métaux, et en particulier avec l'or et l'argent. Il est aussi extrêmement volatile, y compris sous sa forme métallique.

Sources et concentrations moyennes

Différentes sources de mercure dans l'environnement

Le mercure est naturellement présent dans l'environnement, mais essentiellement dans les roches du sous-sol et ceci à de très faibles concentrations (entre 0,05 et 0,08 g/t). Ses principales sources naturelles dans l’environnement sont le dégazage de l’écorce terrestre et l’activité volcanique. Ces émissions naturelles sont estimées à 3 000 tonnes par an (Lindquist, 1991, cité par Bisson et al., 2010).

Les rejets anthropogéniques sont principalement dus à l’exploitation des minerais (mines de plomb et de zinc mais aussi exploitation des gisements d'or et d'argent), à la combustion des produits fossiles (principalement le charbon), aux rejets industriels (industrie du chlore et de la soude) et à l’incinération des déchets. La figure 1 permet de voir l'importance relative du dégazage naturel chronique (en vert), des pointes d'émission dues à l'activité volcanique (en bleu), de l'exploitation de l'or (en orange) et des autres sources industrielles à partir du XIXème siècle (figure 1). Cette figure montre également que le mercure, très volatile, se répand rapidement dans l'ensemble de l'atmosphère de la planète.


Figure 1 : L'évolution des teneurs relevées en mercure par carottage dans les glaces du mont Frémont (USA) permet de mieux comprendre l'importance relative des différentes sources de mercure dans l'environnement ; Source : louernos-nature.fr.

Les émissions anthropiques ont beaucoup baissé en France métropolitaine depuis le début du XXème siècle (figure 2). Cette baisse s’explique par l’amélioration des performances de l’incinération des déchets (mise en conformité progressive des usines d’incinération d’ordures ménagères (arrêtés du 25 janvier 1991 et du 20 septembre 2002), par la limitation ou l’interdiction de l’emploi de ce métal dans les piles et les thermomètres médicaux, par le tri des déchets, et enfin par l’optimisation des procédés de la production de chlore (www.citepa.org).


Figure 2 : Évolution des émissions de mercure de 1990 à 2018 pour la France métropolitaine (en tonnes)  ; Source : www.citepa.org.

Cette baisse est plus faible au niveau européen et les émissions moyennes étaient, en 2018, de 103 mg par habitant et par an dans l’Union Européenne contre seulement 49 mg en France (EEA, 2018). Les émissions devraient continuer à diminuer dans les années à venir car toutes les utilisations industrielles du mercure sont maintenant interdites, excepté des amalgames dentaires. Il reste cependant d'importants stocks de mercure confiné (peintures, piles, thermomètres, etc.) qui sont progressivement relargués et ces émissions représenteraient 60% des émissions totales de la Communauté Européenne (EEA, 2018).

Au niveau mondial, la production a beaucoup baissé entre 1970 et 2000 mais elle a recommencé à augmenter depuis (figure 3). Elle est aujourd'hui d'environ 2 300 tonnes par an (www.planetoscope.com). On peut noter, en comparant les figures 1 et 3, le lien direct entre la production mondiale annuelle et les concentrations observées dans les carottes de glace qui confirme la dissémination atmosphérique planétaire du mercure.


Figure 3 : Évolution des émissions mondiales de mercure de 1990 à 2018 (en tonnes)  ; Source : EEA (2018).

La diminution notable des émissions locales est donc insuffisante car une part importante des apports dans les sols et les eaux européennes est due à des dépôts atmosphériques ayant une origine extérieure à la CE (EEA, 2018). Ceci explique sans doute en partie pourquoi la concentration en mercure dans les eaux reste très importante dans la communauté européenne. En tout état de cause le mercure est de loin le facteur le plus déclassant pour les masses d'eau de surface en Europe (déclassant pour 46 000 masses d'eau de surface sur les 111 000 que compte le territoire en 2018) (Kristensen et al., 2018 et figure 4).


Figure 4 : Importance relative des différents polluants chimiques dans le déclassement des masses d'eau de surface en Europe ; Source : Kristensen et al. (2018).

Au niveau mondial l'utilisation de mercure (provenant souvent du recyclage) pour l'orpaillage constitue une cause majeure de pollution dans les milieux aquatiques concernés, par exemple en Guyane.

Contribution des rejets d'assainissement

Lors du projet AMPERE (Coquery et al, 2011 et http://projetamperes.cemagref.fr/), les concentrations en mercure ont été mesurées à l'entrée et à la sortie de 21 stations d'épuration françaises. Les concentrations moyennes trouvées sont très variables mais se situent généralement dans la fourchette 0,1 à 1 μg/L, en entrée de station (eaux usées brutes) et de 0,01 à 0,1 μg/L en sortie après traitement secondaire. La masse rejetée aux milieux aquatiques a été estimée en moyenne à 1,8 μg/j/hab, soit une quarantaine de kg par an pour la France métropolitaine par an, ce qui est très faible.

Les quantités contenues dans les boues de station d'épuration sont plus importantes : comprises entre 1 et 10 mg/kg de matières sèche d'après Coquery et al. (2011), ou égales en moyenne à 0,7 mg/kg de matière sèche d'après Amorce 2019, elles correspondent à un rejet d'environ 1 tonne par an qui est significative par rapport aux rejets industriels (figure 2).

Les concentrations en mercure dans les rejets urbains de temps de pluie ont été peu mesurées en France et aucune étude de synthèse n'est disponible. En revanche Masoner et al. (2019) ont réalisé une vaste étude de synthèse sur les données américaines et indiquent une valeur moyenne de 0.18 μg/L qui montrent que l'apport des rejets urbains de temps de pluie est probablement relativement faible.

Toxicité et danger associés

Impacts possibles sur la santé

Le mercure apparaît comme un puissant neurotoxique et reprotoxique sous ses formes organométalliques (monométhylmercure et diméthylmercure), de sels (calomel, cinabre, etc.) et sous sa forme liquide en elle-même.

Chez l’homme, comme chez l’animal, le mercure métallique (Hg0) est essentiellement absorbé par voie pulmonaire du fait de sa très grande volatilité. Le mercure inorganique est pour sa part très peu absorbé par voie pulmonaire.

Le mercure métallique et le mercure inorganique présentent un faible taux d’absorption par voie orale et encore plus faible par voie cutanée, même si les sels mercuriques (Hg2+) sont plus facilement absorbés que les sels mercureux (Hg+). En revanche les composés organiques sont plus facilement absorbés par voie orale.

Dans l'eau le danger principal associé au mercure est dû à sa capacité à se bioaccumuler dans les organismes et à se biomagnifier le long de la chaine alimentaire, en particulier sous la forme très toxique de méthylmercure. Bisson et al. (2010) proposent par exemple de retenir la valeur de 21 700 comme facteur de bioconcentration (BCF) poisson pour le mercure organique (figure 5).

Nota : Le facteur de bioconcentration (BCF) est le rapport entre la concentration du composé dans l’organisme et sa concentration dans l’eau.


Figure 5 : Facteurs de bioconcentration (BCF) du mercure dans les organismes aquatiques  ; Source : Bisson et al. (2010).

La consommation de poissons ou de coquillages contaminés constitue donc un danger important. Dans les années 1950, l'accident de Minamata au Japon, provoqué par la consommation de poissons contaminés, a fait 45 morts et des centaines d’handicapés. Depuis cette accident la pollution par le mercure est largement médiatisée et connue. Malgré tout, en 2021, il serait encore dans le monde la cause de 250 000 cas de déficience intellectuelle par an, principalement via l'ingestion de produits de la mer (Liu et al., 2021).

En Europe, la limite de concentration dans les poissons est en général de 0,5 mg/kg ; elle est portée à 1 mg par kg pour certains prédateurs (EEA, 2018). Ces concentrations sont souvent dépassées, en particulier dans la mer Méditerranée, région d'Europe où les poissons sont les plus contaminés (figure 6).


Figure 6 : Valeurs de concentration en mercure observées dans les poissons pêchés en mer Méditerranée ; Source : EEA (2018).

La limite de concentration pour l'eau destinée à la consommation humaine est de 1 μg/L.

Impacts possibles sur les milieux aquatiques

Le mercure minéral, très dense, se dépose rapidement dans les sédiments où il est transformé en méthylmercure par des bactéries. Le diméthylmercure gazeux diffuse dans l'atmosphère et le monométhylmercure est incorporé dans la chaine alimentaire où il se concentre par bioaccumulation. En 2018, l'Agence européenne de l'Environnement indiquait que "Près de 46.000 masses d'eau de surface dans l'UE, sur environ 111.000, ne respectent pas les niveaux de mercure fixés pour protéger les oiseaux et les mammifères piscivores" (EEA, 2018).

Les valeurs de concentrations sans effet observé (NOEC pour No Observable Effect Concentration), de concentration sans risque pour l'environnement (PNEC pour Predicted No Effect Concentration) et de Normes de Qualité environnementale en concentration maximale admissible (MAC pour Maximum Admissible Concentration) sont données dans le tableau de la figure 7 pour les eaux douces et marines.

Figure 7 : Concentrations sans effet observable (NOEC), Concentrations sans risque pour l'environnement (PNEC) et Normes de Qualité environnementale en concentration maximale admissible (MAC) pour le mercure dans les eaux douces et marines ; les deux valeurs de PNEC font référence à deux modes distincts d'estimation (statistique et extrapolation) ; Source : substances.ineris.fr, MaJ 2019.

Nota 1 : Seuls les concentrations maximum admissibles ont fait l'objet d'un arrêté et seule cette valeur est considérée comme une Norme de Qualité Environnementale, les valeurs de concentrations sans risque pour l'environnement (PNEC) n'ont pas de statut réglementaire.

Nota 2 : La valeur de Norme de qualité environnementale en concentration maximum admissible (MAC), beaucoup plus faible que les NOEC, est justifiée par la grande capacité de bioaccumulation du mercure et la nécessité de protéger la santé humaine en cas d'ingestion de poissons ; de même les faibles valeurs de PNEC par rapport aux NOEC sont également dues aux risques de bioaccumulation dans la chaine alimentaire mettant en danger les organismes prédateurs.

Globalement les risques présentés par la présence de mercure dans l'eau sont aussi importants pour la santé humaine que pour les écosystèmes aquatiques du fait des risques de bioaccumulation et leur maîtrise constitue l'un des enjeux importants de gestion de la qualité des milieux aquatiques.

Bibliographie  :

  • Amorce (2019) : Quelles solutions pour valoriser les boues d’épuration ? ; Réf AMORCE EAT05 a ; 45p. ; disponible sur https://amorce.asso.fr/publications/quelles-solutions-pour-valoriser-les-boues-d-epuration-eat05
  • Coquery M., Pomiès M., Martin-Ruel S., Budzinski H., Miège C., Esperanza M., Soulier C., Choubert J.-M.(2011) : Mesurer les micropolluants dans les eaux brutes et traitées - Protocoles et résultats pour l'analyse des concentrations et des flux ; Techniques Sciences et Méthodes, 1/2 : 25-43 ; disponible sur : projetamperes.cemagref.fr
  • CGDD (2019) : La contamination des sols par les métaux ; Conseil Général au Développement Durable ; disponbible sur : www.notre-environnement.gouv.fr
  • Desportes I. (coord.) (2007) : Bilan des flux de contaminants entrant sur les sols agricoles de France métropolitaine ; étude ADEME-SOGREAH ; rapport final ; 330p. ; disponible sur le site de l'ADEME.
  • Lindquist, J.A. (1991) : Medium and Procedure for the Direct, Selective Isolation of Edwardsiella tarda from Environmental Water ; Poster presented at ASM Meeting in Dallas on May 8, 1991. AmSoc Microbiol, C-303, 302
  • Liu, M., Zhang, Q., Maavara, T., Liu, S. (2021) : Rivers as the largest source of mercury to coastal oceans worldwide ; Nature Geoscience ; vol. 14, no 9,‎ septembre 2021, p. 672–677 ; disponible sur www.nature.com.
  • Masoner, J.R., Kolpin, D.W., Cozzarelli, I.M., Barber, L.B., Burden, D.S., Foreman, W.T., Forshay, K.J., Furlong, E.T., Groves, J.F., Hladik, M.L., Hopton, M.E., Jaeschke, J.B., Keefe, S.H., Krabbenhoft, D.P., Lowrance, R., Romanok, K.M., Rus, D.L., Selbig, W.R., Williams, B.H., Bradley, B.M. (2019) : Urban Stormwater: An Overlooked Pathway of Extensive Mixed Contaminants to Surface and Groundwaters in the United States ; Environ Sci Technol. 2019 Sep 3; 53(17): 10070–10081. ; disponible sur www.ncbi.nlm.nih.gov
  • Kristensen, P., Whalley, C., Nery, F., Chritiansen, T. (2018) : 2018 EEA European water assessment ; EEA technical report ; 91p. ; disponible sur www.researchgate.net

Pour en savoir plus :

  • Bisson, M., Vincent, J-M., Houeix, N., Diderich, R., Magaud, H. (2010) : Le mercure et ses dérivées ; fiche de données toxicologiques et environnementales ; INERIS ; 120p. ; disponible sur le Portail substances chimiques de l'INERIS.
  • EEA (2018) : Mercury in Europe’s environment, a priority for European and global action ; rapport N°11-2018 ; European Environment Agency ; 72p. ; disponible sur www.eea.europa.eu.
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