Récup-utilisation de l'eau de pluie (HU)
Traduction anglaise : Stormwater harvesting and use
mot en chantier
Dernière mise à jour : 04/03/2023
Terme proposé par le groupe de travail du GRAIE "Eaux pluviales et aménagement" pour désigner la récupération de l'eau de pluie afin de l'utiliser, généralement à la place de l'eau potable, pour des usages intérieurs ou extérieurs.
Sommaire |
Récupération et réutilisation de l'eau de pluie : pourquoi et de quoi parle-t-on ?
Contexte et historique
L’eau est une ressource vitale et constitue aujourd’hui un enjeu majeur face au réchauffement climatique. Les pénuries d’eau sont en effet de plus en plus importantes et de plus en plus fréquentes. A titre d'exemple, 11% du territoire européen a connu en 2022 des pénuries d’eau et d’ici 2030, 30% du territoire sera concerné. C’est pourquoi, l’amélioration de la gestion de l’eau est nécessaire.
La récupération de l'eau de pluie dans des cuves ou des citernes constitue une réponse très ancienne à ce problème partout dans le monde. Ce mode de gestion a même parfois constitué la principale ressource en eau (voir article wikipédia). Les quantités susceptibles d'être récoltées sont très importantes. A titre d'exemple, en France métropolitaine, une toiture de 100 m2, reçoit en moyenne 800 mm d'eau par an et pourrait donc théoriquement fournir 80 m3 sur cette durée, quantité suffisante pour un ménage de deux personnes.
Pourtant, en Europe de l'ouest, et en particulier en France, sous la pression du mouvement hygiéniste, cette pratique s'est progressivement restreinte au cours du XXème siècle. Si elle a perduré dans les zones rurales, principalement pour les besoins d'arrosage, elle a quasiment disparu des zones urbaines (voir La ville et son assainissement (HU)).
Ce type de dispositifs est resté cependant largement utilisé dans beaucoup de pays où la ressource est rare. En France, il a recommencé à susciter de l'intérêt à partir des années 1980, à la fois dans une volonté d'économie pour les usagers et dans le souhait de mieux gérer les eaux pluviales pour les collectivités. Par exemple, le Plan Construction et Architecture a lancé, en 1993, un appel d'offres qui a permis de soutenir 13 opérations de récupération des eaux de pluie (voir article wikipédia). A la fin du XXème siècle, la position de l’État et de ses services décentralisés (DDASS) restait cependant peu claire avec des débats importants entre les différents Ministères. Malgré tout le marché des cuves et des citernes a commencé à se développer. En 2004, dans le but de dégager une position nationale, la Direction de la Santé (DGS) a saisi le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF). Le groupe d'experts mis en place à cette occasion pour étudier "les enjeux sanitaires liés à l’utilisation d’eau de pluie pour des usages domestiques" a eu du mal à dégager une position consensuelle. Finalement, dans son avis publié le 5 septembre 2006, le CSHPF préconisait de limiter, sauf exception, l'usage des eaux pluviales récupérées à des usages extérieurs en fondant son raisonnement principalement sur les risques d'interconnexions entre les réseaux dans le cas d'un usage à l'intérieur des bâtiments. Comme les usages extérieurs ne représentent qu'une très faible partie (entre 5 et 10%) des quantités d'eau potable consommée, cet avis a bien sûr été compris comme très restrictif par beaucoup d'associations et d'élus.
Cet avis n'a cependant pas clos les débats entre les Ministères. Promulguée le 30 décembre 2006, la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) défendait une position différente. En particulier, l'article 49 encourageait la récupération des eaux de pluie en modifiant le Code général des impôts de façon à étendre le crédit d’impôt destiné aux habitations principales aux "travaux de récupération et de traitement des eaux pluviales".
Un premier arrêté, très restrictif et conforme à l’avis du CSHPF, a été publié en mai 2007. Cet arrêté a suscité de fortes réclamations auprès du gouvernement, en particulier de la part des députés à l’origine de l’article 49 de la LEMA, lesquels estimaient que l’esprit de cet article impliquait l’extension à certains usages intérieurs (De Gouvello et Deutsch, 2009). Finalement un second arrêté a été publié le 21 août 2008, précisant les possibilités d’utilisation de l’eau de pluie à l’intérieur des bâtiments (voir § "Réglementation"). Sous l'effet du crédit d’impôt, de la clarification des règles et aussi des politiques d'incitation de nombreuses collectivités, le marché des systèmes de récupération des eaux de pluie a explosé.
Dans le même temps beaucoup de collectivités ont encouragé la récupération des eaux de pluie, d'une part pour réduire la consommation d'eau potable et d'autre part pour maîtriser les ruissellements (même si la poursuite simultanée de ces deux objectifs peut poser des problèmes). Les actions mises en place ont été diverses : opérations pilotes, plaquettes d'information, mais également subventions. Le fait que des collectivités puissent subventionner des citernes visant à maîtriser le ruissellement, a d'ailleurs fourni un argument un peu spécieux au Ministère des Finances pour exclure les cuves à double fonction, pourtant les plus utiles au bien public, du régime de crédit d’impôt !
Le tableau de la figure 1, extrait de (De Gouvello et Deutsch, 2009), fournit quelques exemples d'outils incitatifs mis en œuvre en fonction des motivations des collectivités.
En 2015, l'ASTEE a publié un guide technique qui fait le point sur les modalités pratiques d'utilisation des citernes (De Gouvello et al., 2015).
Aujourd'hui les cuves et les citernes sont largement utilisées et l'enjeu principal consiste à les mettre en œuvre de la façon la plus efficace possible pour économiser une ressource que l'on perçoit comme de plus en plus rare, mais également pour mieux maîtriser les ruissellements urbains.
Réglementation
Comme indiqué précédemment, c'est l’arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération de l'eau de pluie et à son usage à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments qui réglemente les conditions de collecte et d'usages de l'eau de pluie.
En premier lieu, la collecte de l'eau de pluie ne peut être réalisée qu’à l’aval d’une toiture inaccessible pour ce qui concerne les toits.
Différents types d’usages sont possibles :
- Usages extérieurs : arrosage, lavage de véhicules, réserve défense incendie, etc. ; les contraintes pour l’usage extérieur car il y a moins de risque sanitaire pour l’individu.
- Usages intérieurs : alimentation des chasses d’eau, lavage des sols et lavage du linge (sous réserve d’un traitement adapté de l'eau de pluie), sauf pour une certaine catégorie de bâtiments accueillant un public plus vulnérable : soins ou petite enfance.
- Usages industriels et professionnels autorisés (sauf en cas de besoin en eau potable).
La figure 2, issue du guide de l'ASTEE (De Gouvello, 2015) , propose un logigramme détaillant les usages possibles et les réglementations applicables selon l'origine de l'eau collectée.
En résumé, les usages sont donc limités en intérieur. En particulier les usages alimentaires, d’hygiène et le lavage de la vaisselle sont interdits. L'eau de pluie récupérée des toitures est considérée comme non potable et susceptible d'entrainer des risques sanitaires. Voir Eau destinée à la consommation humaine (HU).
Questions de vocabulaire
De nombreux termes sont usuellement utilisés pour aborder la "récupération de l'eau de pluie" encouragée et encadrée par l’État.
Tout d’abord, il semble préférable de parler "d’eau de pluie" plutôt que "d’eaux pluviales" afin de bien délimiter ces deux sujets. Ce terme fait en effet clairement référence à la définition fournie par l'arrêté réglementant son utilisation : l'eau de pluie est une eau récupérée sur une toiture non accessible.
D’autre part, différents termes sont utilisés pour aborder le devenir de l'eau récupérée. Certains parlent de réutilisation ou de recyclage comme si l’eau de pluie issue des gouttières avait déjà été utilisée alors qu’elle a seulement ruisselé jusqu’à la cuve. D’autre parlent simplement de récupération de l'eau de pluie. En fait, la seule récupération recouvre un domaine plus large qui va au delà de l’usage de l’eau et peut concerner les eaux pluviales et pas seulement les eaux de pluie au sens précédent (Voir Récupération des eaux pluviales (HU)).
Finalement, la récupération de l'eau de pluie passe par le stockage de cette ressource à des fins d’utilisation. Il y a donc deux phases : la récupération et l’utilisation, c'est pourquoi le terme de "récup-utilisation" paraît bien approprié.
L’impact de la récup-utilisation sur l’environnement
La récup-utilisation ne peut cependant pas être considérée comme étant très bénéfique au cycle hydrologique. Les seuls avantages de la récup-utilisation pour le cycle de l’eau et le maintien des écosystèmes correspondent aux cas suivants :
- le cas où les usagers récupèrent et utilisent cette eau afin d’arroser leur jardin et que l’eau est donc renvoyée au milieu naturel ;
- le cas où les gouttières étaient auparavant raccordées au réseau unitaire et que le stockage provisoire de l'eau de pluie limite les pointes de débit et donc, potentiellement les rejets par les déversoirs d'orage.
En tout état de cause, en dehors de l'usage "arrosage", l’eau sera de nouveau dirigée vers le réseau et le bénéfice environnemental sera limité ou nul.
Cependant, si la récup-utilisation n’apporte pas réellement de bénéfices environnementaux, elle permet tout de même de limiter le gaspillage en eau potable et, de surcroît, de mieux sensibiliser les particuliers et les entreprises à l’environnement et plus particulièrement à la gestion de la ressource en eau.
L’impact de la récup-utilisation sur la société
La récup-utilisation apporte également d’autres bénéfices pour la société, au moment même où elle doit s’adapter au changement climatique et trouver des moyens de mieux préserver l’environnement.
Encourager les particuliers mais aussi les entreprises et les collectivités à la récup-utilisation permet en effet de :
- sensibiliser au gaspillage de l’eau potable et l’économiser ; ceci d’autant plus que la récup-utilisation est faite de manière collective (par exemple : une cuve collective dans un lotissement) ;
- économiser de l’énergie lorsque le système d’utilisation est gravitaire en particulier lorsque l'on récupère de l'eau de pluie pour arroser son jardin ;
- sensibiliser de manière générale à la préservation de la ressource en eau.
Freins à la récup-utilisation
En revanche, quelques freins peuvent être identifiés tels que :
- les risques sanitaires :
- l’eau de pluie récupérée peut-être contaminée par le revêtement de surface (lessivages des matériaux), les dépôts sur les toitures (résidus de fumées, présence de végétaux, d’insectes, etc.), les résidus de nettoyant du toit (biocides, pesticides, etc.) (voir Pollution de l'eau de pluie (HU), Pollution des eaux de ruissellement (HU)) ;
- l’eau de pluie stockée peut également présenter un risque sanitaire si les conditions de stockage ne sont pas bonnes : par exemple développement bactérien en cas de stagnation et/ou de mauvais entretien de la cuve ;
- ces risques sont accrus en cas d'usage ne respectant pas l’arrêté de 2008 : usages d’eau récupérée pour l'usage douche par exemple ;
- d’autres risques existent tels que la prolifération des moustiques si la cuve n’est pas protégée (figure 3), le risque de noyade selon l’emplacement du stockage, etc. ;
- la consommation d’énergie et des ressources naturelles pour le matériel :
- la récup-utilisation peut favoriser cette consommation d’énergie car les cuves proviennent souvent de l’étranger ce qui entraine des dépenses d’énergie pour leur transport ;
- la récup-utilisation peut également favoriser la consommation des ressources naturelles puisque la construction des cuves nécessite du pétrole (cuves en plastique), du sable (cuves en béton), des métaux, etc.
Néanmoins, le consommateur peut choisir d’acheter des produits fabriqués localement. De plus, il est possible de récupérer et recycler les cuves après usage pour limiter l'impact environnemental.
Conclusion
La récup-utilisation couplée à la sensibilisation environnementale des utilisateurs pourrait dans un second temps encourager les particuliers, collectivités et entreprises à créer des jardins de pluie dans leurs jardins, espaces verts ou parcs. Les jardins de pluie sont une solution durable pour assurer l’infiltration des eaux pluviales tout en créant un jardin paysager ou un potager (plantes comestibles) et donc garantir de multiples services à l’usager. Cela permettrait aussi de réduire la consommation des ressources naturelles en favorisant un jardin de pluie naturel plutôt qu’une cuve en plastique ! Voir Solution alternative (HU).
Bibliographie :
- De Gouvello, B., Deutsch, J.C. ( 2009) : La récupération et l'utilisation de l'eau de pluie en ville : vers une modification de la gestion urbaine de l'eau ? Flux 2009/2-3 (n° 76-77), pages 14 à 25 : disponible sur https://www.cairn.info/revue-flux1-2009-2-page-14.htm
Pour en savoir plus :
- De Gouvello, B. et al (2015) : Récupération et utilisation de l'eau de pluie ; Guide technique ASTEE ; 65p.; disponible sur www.astee.org
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31481
- https://www.graie.org/graie/graiedoc/reseaux/pluvial/TA_FreinsAvantages/EauxPluviales-outil-techniquesalternatives-recup-utilisation.pdf