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Wikibardig:Gestion des digues : Diagnostics

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Sommaire


Présentation de la démarche

Cette page est largement extraite du document « référentiel Digues »

Le diagnostic d'un système de protection contre les inondations est une activité essentielle dans le cadre de sa gestion comme de la sécurité des populations protégées. Ce diagnostic, actualisé à intervalles réguliers, permet de s'assurer du maintien du niveau de protection apporté ainsi que de la non aggravation du niveau de risque résiduel par dépassement ou défaillance. Le diagnostic est l'identification de la cause (l'origine) d'une défaillance, d'un problème à partir des caractères ou symptômes relevés par des observations, des contrôles ou des tests.

L'objectif du diagnostic d'un système de protection est double. Il s'agit de connaître, pour différents événements de sollicitation hydraulique et niveaux d’eau associés, les niveaux effectifs de performance :

• Hydraulique : niveau(x) de protection,

• Structurel : niveau(x) de sûreté (résistance aux différents modes de rupture), La performance mesure l'atteinte des objectifs fixés.

Le diagnostic, au-delà de l'évaluation de ces performances en termes de niveaux, identifie pour arriver à ces résultats la cause (l'origine) des défaillances possibles ou avérées. On confond parfois dans le langage courant diagnostic et évaluation de la performance. L'évaluation de la performance peut être globale et représenter les niveaux de protection et de sûreté d'un ouvrage ou d'un système de protection, sans pour autant expliciter les scénarios et mécanismes à l'œuvre, ce que fait le diagnostic.

Le mot diagnostic n'est pas utilisé ici en référence à une action réglementaire, mais à une démarche technique générale. Ce diagnostic peut constituer une base technique de certaines études réglementaires, par exemple une Etude de Dangers, comme une base préalable à un projet de confortement. Enfin certains éléments réglementaires sont de l'ordre du diagnostic, avec un niveau de précision plus ou moins important (ex VTA).

Introduction et définitions

Afin de garantir la sureté [1]. à long terme d'une digue ou d'un système de protection contre les inondations, des évaluations doivent en être effectuées dans le cadre du suivi régulier, ainsi qu’avant, pendant ou immédiatement après des événements l'ayant sollicité(e) (crues, tempêtes, séismes, accidents, ...).

Ces évaluations peuvent être de différents types :

  • Évaluation de performance (ou de sûreté),
  • Diagnostics,
  • Analyses de risques, y compris attribution des risques.

L'évaluation de performance ou le diagnostic, d'une part, et l'analyse de risque, d'autre part, sont deux types d'activités étroitement liées, mais en réalité différentes :

  • Evaluation de la performance d'une digue ou d'un système de protection : le processus de compréhension de l'état ou de l'intégrité structurale, ou de la performance d'une digue ou d'un système de digues existant(e). Une évaluation complète devrait inclure et être basée sur un diagnostic des causes avérées ou possibles de la défaillance avérée ou potentielle, afin de les corriger ou de les prévenir. L'évaluation de la performance d'une digue comprend deux axes d'analyse : la performance hydraulique (vis à vis de sa fonction de protection) et la performance structurelle (vis à vis de sa fonction de résistance).
  • Analyse de risques et attribution des risques : l'analyse des risques d'un système de digues de protection contre les inondations permet aux gestionnaires du système de défense de connaître le niveau de risque global associé au système de digues, selon les digues elles-mêmes et leurs performances d'une part [2]. , et les enjeux de la zone protégée et leur vulnérabilité aux inondations d'autre part. Les gestionnaires connaissent ainsi le risque associé à n'importe quelle partie du système de digues, ce qui est appelé l'attribution des risques, leur permettant donc d'optimiser leurs actions futures. L'étude de dangers (EDD) réglementaire en France pour les digues des classes A à C est une analyse de risques dans un format particulier, incluant de plus une évaluation des risques (comparaison du risque avec une échelle "d’acceptabilité") et des préconisations en termes de mesures de réduction du risque.

Le diagnostic ou l'évaluation de la performance ne s'intéressent qu'à la digue ou au système de protection, alors que l'analyse de risques tient compte du système de protection mais aussi des enjeux situés dans la zone protégée (système endigué).

NB : on confond parfois dans le langage courant diagnostic et évaluation de la performance. L'évaluation de la performance peut être globale et représenter le niveau de sûreté d'un ouvrage, sans pour autant expliciter les mécanismes à l'œuvre, ce que fait le diagnostic.

Les évaluations de performance (ou de sûreté) et les diagnostics sont basés sur des données qui sont ensuite combinées par l'ingénieur spécialisé pour obtenir un résultat de l'évaluation. De nombreux types et natures de données sont utilisables, et de nombreuses méthodes utilisées pour leur combinaison. Les résultats de l'évaluation peuvent prendre différentes formes :

  • seuil (charge limite),
  • coefficient ou facteur de sécurité,
  • probabilité conditionnelle de défaillance (pour une charge donnée),
  • courbe de fragilité (probabilité conditionnelle de défaillance donnée en fonction d'une gamme de charges),
  • index ou indicateur (exemples : sur une échelle de 0-5 ou de 0-10),
  • évaluation qualitative (par exemple : très bien, bien, passable, mauvais, très mauvais.),
  • probabilité annuelle de défaillance,

La forme du résultat dépend largement de la méthode utilisée, mais aussi de la manière dont il sera utilisé par la suite. Il est possible de construire des équivalences entre les différents types de résultats,par exemple entre des indicateurs et des probabilités de défaillance, ou entre des coefficients de sécurité et des indicateurs ou des probabilités de défaillance.

Les évaluations de performance des digues peuvent être, en fonction du contexte (connaissances, obligations réglementaires, vie de l'ouvrage, …) plus ou moins détaillées et plus ou moins précises. Au cours du cycle de vie d'un ouvrage, des évaluations avec différents niveaux de précision et de détail se succèdent.

Les examens visuels, sont une opération de recueil de données utilisables dans un diagnostic plus complet. Elles peuvent néanmoins donner lieu à un diagnostic de premier niveau, d'où leur utilité au vu de leur facilité de réalisation. Toute évaluation ou diagnostic de digues devrait par ailleurs s'appuyer entre autres dans ses données sur un examen visuel récent.

Les résultats d'une évaluation, d'un diagnostic, ou d'une analyse de risques, gagnent à présenter, en plus du résultat brut, une indication de précision ou de fiabilité, de préférence chiffrée, ou au moins qualificative ; en effet, les décisions qui seront prises suite à ce diagnostic devraient intégrer l’incertitude des résultats.

  1. Pour distinguer ces notions, on parlera autant que possible de SÛRETE pour une digue et de SÉCURITE pour les enjeux qu'elle protège. Néanmoins l'usage et la réglementation utilisent parfois le terme de sécurité en ce qui concerne la digue.
  2. Une analyse de risque de système endigué intègre donc les résultats d'une évaluation de performance des digues.


Justifications des diagnostics

La nécessité des diagnostics

La réalisation de diagnostics peut être justifiée ou motivée par des raisons de différents ordres :

  • Pour des aspects patrimoniaux, un gestionnaire de digues a besoin de diagnostics pour l'aider à prendre ses décisions (entretien, confortement, remplacement, démantèlement) basées sur des résultats d'analyses objectives, ce que donnent les diagnostics et les analyses de risques, pour pérenniser ses ouvrages et optimiser ses dépenses tant en fonctionnement qu'en investissement.
  • En cas de constat d'un désordre, un diagnostic plus ou moins approfondi en terme de recherches de données spécifiques, permettra de conclure sur les mécanismes à l'œuvre et d'adapter ainsi les solutions de réparation ou de confortement vis-à-vis de ces mécanismes, comme à ceux non avéré mais pouvant se produire.
  • Pour des questions juridiques et de responsabilité, un gestionnaire de digues doit maintenir ses ouvrages à un niveau de performance leur permettant de présenter une sécurité vis-à-vis des mécanismes de rupture lorsqu’ils seront sollicités par une crue au plus égale à la crue de sûreté. La réalisation de diagnostics périodiques permet (ou permettra en cas d'insuffisance ultérieure) de justifier auprès des différentes parties prenantes que les obligations du gestionnaire ont bien été remplies. La première Etude de Dangers d'un système existant permet par ailleurs, de faire un constat du niveau de performance associé à l'ouvrage, voire d'aider à le redéfinir.

• Enfin, la réglementation sur les ouvrages hydrauliques impose au responsable d'ouvrage la réalisation d'un certain nombre d'études et d'opérations, régulières ou exceptionnelles, de l'ordre du diagnostic. Cette obligation réglementaire peut apparaître comme la principale motivation pour certains gestionnaires, alors que dans les faits cette obligation est, elle-même, justifiée par les raisons techniques et de responsabilités précédemment exposées. Ainsi tous les objets suivants issus de la réglementation comprennent une part d'activité de diagnostic ou liée à un diagnostic :

    • Les études de dangers nécessitent de s'appuyer sur un diagnostic aussi précis que possible des ouvrages et une analyse des enjeux de la zone protégée et de leur vulnérabilité, et permettent ainsi de prendre des décisions en intégrant les conséquences d'une rupture ou d'une défaillance. Ces décisions doivent d'ailleurs être décrites dans le chapitre 9 de l’EDD qui déborde le cadre normal d'une analyse de risques. Elles comprennent un diagnostic approfondi qui d’une part doit permettre de vérifier que structurellement les ouvrages sont toujours à même de répondre aux sollicitations qu'ils peuvent être amenés à subir et d’autre part fournit des données sur les éléments non accessibles "en continu» ;
    • Les visites techniques approfondies qui doivent comprendre à la fois une partie observations et une partie conclusions dans le rapport ;
    • Les examens visuels périodiques ou suite à événement, pour lesquels la réglementation n'impose pas de fréquence (les conditions de ces examens sont définis dans les consignes définies par le gestionnaire), mais qui peuvent entraîner éventuellement la réalisation de travaux d'entretien ou d’un diagnostic plus approfondi en cas de doute ;
    • Les diagnostics sur les garanties de sûreté, prescrits à la demande du préfet en cas de doute sur la sécurité ;
    • Les diagnostics initiaux, désormais hors délais, restent néanmoins nécessaires (pour les ouvrages qui n'en ont pas encore) au-delà de toute considération réglementaire, s'agissant d'ouvrages anciens et mal connus. Ils sont donc à réaliser au plus tard lors de la première échéance d'un élément listé ci-dessus, auquel ils doivent alors être intégrés.

Les diagnostics et la vie de l'ouvrage

Nous avons vu ci-dessus les différentes raisons qui peuvent conduire à la réalisation d'un diagnostic. Parmi celles-ci il y a le constat d'un désordre qui dépasse le cadre de l'entretien régulier, un événement particulier (crue, tempête, séisme, accident, …), ou encore le relevé d’une valeur anormale sur une mesure d'auscultation. La première étape dans ce cas est généralement un examen visuel, suivi d'un premier niveau de conclusion, conduisant si nécessaire à des compléments de diagnostic et éventuellement à des reconnaissances spécifiques.

D'autres causes, en lien avec d'autres acteurs que le gestionnaire de l'ouvrage et l'Etat service de contrôle, peuvent exceptionnellement rendre utile ou nécessaire un diagnostic : projet de transfert de propriété ou de responsabilité, décision de modifier les objectifs de protection et de sûreté, …

Dans le cycle de vie normal d'une digue ou d'un système de digues, toutes les raisons de réaliser des diagnostics présentées ci-dessus s'enchaînent. Ces diagnostics n'ont généralement pas le même niveau de précision et de fiabilité. Néanmoins tous doivent prendre en compte les rés²ultats et les données des diagnostics antérieurs. Par exemple, une VTA devra prendre en compte les diagnostics approfondis (RS, EDD, Diagnostic de sûreté, …) et les VTA antérieures. Les différents diagnostics avec des niveaux de précision variables vont s'enchaîner au long de la vie de l'ouvrage ; des diagnostics plus rapides et moins précis auront lieu plus fréquemment. Ils s'appuieront sur les diagnostics plus complets et pourront à leur tour déclencher des diagnostics de plus en plus précis.

Conséquences d’un diagnostic

Les suites données à l’issue d’un diagnostic peuvent être de natures très différentes :

  • Travaux d'entretien courant,
  • Compléments de diagnostic (y/c reconnaissances spécifiques si nécessaire),
  • Surveillance renforcée,
  • Travaux de confortement (y/c si nécessaire diagnostic plus approfondi, intégrant une recherche complète des mécanismes de dégradation en cause ou probables) et la définition des solutions de confortement au moins en termes de principes),
  • Démantèlement ou mise en transparence ou modification fonctionnelle du système de digues,
  • Adaptation du système d’alerte et d’évacuation des personnes.

Les activités liées au diagnostic des digues permettent de prioriser les actions à entreprendre suite à cette évaluation. Ces actions peuvent comprendre : le déclenchement d'une procédure d'urgence, l'initiation d'un diagnostic complet d'une partie du système afin de remédier aux problèmes structurels (conception et réparation), d'effectuer des travaux d'entretien "de routine" ou de ne rien faire de spécial et de continuer à surveiller et à évaluer le système de digues. La figure ci - dessous présente un organigramme détaillant la prise de décision, sur la base des évaluations de performance hydraulique et structurelle ainsi que sur l'analyse de risque.


SchemaDiagnostics.jpg

évaluations des digues (évaluation des performances, diagnostics et analyses de risque) et prise de décision par les gestionnaires de digues(source International Levee Handbook [2013], contribution R. Tourment, Irstea)

Résumé de la démarche de diagnostic

La démarche de diagnostic au sens large se résume de la manière suivante :

  • Recueil de données notamment, données existantes (bibliographie), données visuelles et données acquises spécifiquement ;
  • Analyse de ces données (combinaison suivant différents modèles et méthodes) ;
  • Conclusion en termes de niveau de performance (suivant les cas performance hydraulique et/ou structurelle), y compris la qualification en termes de précision ou de fiabilité des résultats (le plus souvent fonction directe des deux précédentes étapes) ;
  • Conclusion en termes de suites à donner.

Tout diagnostic se doit d'être formalisé sous la forme d'un rapport indépendant reprenant et explicitant chacun des différents points d'étape de la démarche ci-dessus.

Par exemple, le diagnostic le plus simple que peut être amené à faire un gestionnaire d'ouvrage est celui correspondant à un examen visuel. Les données sont recueillies sur le terrain, et analysées de manière simple, au vu des connaissances antérieures, en termes de fiabilité structurelle de l'ouvrage. Les conclusions en terme de suites à donner se résument dans ce cas à un choix entre i) ne rien faire de particulier, ii) effectuer des travaux d'entretien courant, iii) poursuivre le cycle normal de surveillance et de maintenance, éventuellement en renforçant les périodes de surveillance ou iv) engager un diagnostic plus approfondi sur l’ensemble de la digue ou sur un point particulier ou v) engager des travaux d’urgence. Dans le cas d'une VTA, la rédaction du rapport est obligatoire compte tenu de la réglementation ; ce n'est pas le cas des examens visuels "de routine". Néanmoins, il est nécessaire de formaliser ces visites et garder trace des résultats d'examen visuels ayant donné lieu à des suites "anormales" (travaux, complément de diagnostic, …), ce qui doit d'ailleurs être fait dans le rapport d'exploitation (réglementaire et obligatoire) et dans le registre de l'ouvrage (non obligatoire au sens de la réglementation, mais conseillé, et d'ailleurs facilitant la rédaction du rapport de surveillance).

Rappel du lien accessible sur cette page :

Références :

CIRIA, Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE), United States Army Corps of Engineers (USACE), 2013. International Levee Handbook (ILH), 1350 p. http://www.ciria.org/ILH

Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE), 2015. Référentiel technique digues maritimes et fluviales, 190 p. Le téléchargement est disponible ici.

TOURMENT, R., BEULLAC, B., (coord.), 2019, Inondations : analyse de risque des systèmes de protection – Application aux études de dangers. Editions Lavoisier, 2019.


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Pour plus d'information sur l'auteur : INRAE - UMR RECOVER - Equipe G2DR


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