Critère de qualité de l'eau (HU)
Traduction anglaise : Water quality criteria
Dernière mise à jour : 27/11/2022
Un critère est un élément mesurable pouvant servir de base à un jugement, à une évaluation ou à une décision ; les critères de qualité de l'eau doivent donc être des facteurs bien établis, des principes ou des règles sur lesquels il est possible de fonder un jugement ou une évaluation sur la qualité de l'eau ou encore une décision sur son utilisation.
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Difficulté pour trouver des critères objectifs génériques et éléments d'historiques
En pratique il s'avère difficile, voire impossible, de trouver des critères génériques capables d'exprimer de façon objective et absolue la qualité de l'eau.
Il est d'abord indispensable de lever une ambiguïté possible. Nous nous intéressons bien ici uniquement de la qualité de l'eau en tant qu'élément et non à la qualité des milieux aquatiques qui est traitée par ailleurs. De ce point de vue, nous adoptons donc une approche anthropocentrée sur les usages que l'homme souhaite faire de l'eau.
Malgré cette limitation, la question reste difficile. On pourrait par exemple penser que le critère le plus simple, utilisé de façon générale pour évaluer la qualité d'un élément chimique, est sa pureté. La qualité d'une eau serait ainsi d'autant meilleure quelle contient moins d'impuretés. Ce critère est en effet adéquat pour certaines expériences de chimie qui réclament de l'eau ultra-pure ou pour juger du risque de dépôt dans un appareil électroménager comme un fer à repasser. Il ne fonctionne pas pour tous les autres usages : des sels minéraux sont par exemple indispensables dans les eaux destinées à la consommation humaine pour assurer la santé et le bien-être des usagers.
Pour bien comprendre la difficulté du problème il est utile de regarder comment la qualité de l'eau a été évaluée en fonction de l'époque.
La perception de la qualité de l'eau : une notion qui évolue dans le temps
Il est probable que la qualité de l'eau a, très tôt dans l'antiquité, été évaluée en fonction de sa potabilité (du moins pour les eaux douces) (et probablement aussi de sa richesse piscicole). A la fin du Ier siècle, sous le règne de Nerva, le curateur des eaux Frontin classe par exemple les onze aqueducs alimentant Rome en eau afin que "chacun d'eux, selon ses qualités propres se voit attribuer l'emploi qui lui convient." (Maneglier, 1991). Au Moyen-âge, les besoins de l'artisanat du cuir et des tissus amènent à des définitions différenciées selon les activités. Cette différenciation des besoins provoque une hiérarchisation de la répartition des métiers le long du réseau hydrographique (voir Aménagement des cours d'eau et des plans d'eau urbains) (Guillerme, 1984). Si, entre le bas Moyen Age et le XVIIIème siècle, l'Europe urbaine oublie l'eau courante, les qualités de l'eau fournie par les fontaines, les puits et les sources sont cependant mis en relation avec leur aptitude (ou leur inaptitude) à répondre à des usages domestiques : la fontaine de Maubuée est ainsi nommée parce que l'eau qu'elle fournit fait de mauvaises lessives ; la fontaine des Saints innocents est réputée pour la difficulté à faire cuire les aliments dans son eau ; etc. (figure 1)
L'évaluation de la qualité reste malgré tout empirique et qualitative. "Au XVIIIème siècle, lorsqu'un chimiste avait terminé son analyse, il aboutissait généralement à une conclusion descriptive qui était un agglomérat d'adjectifs. Une eau mauvaise pouvait être dite : amère, nitreuse, salée, sulfureuse, bitumineuse, nauséabonde." (Maneglier, 1991). A partir du XIXème siècle, les qualités sanitaires de l'eau sont mises en avant, et l'importance de ce critère va se renforcer au XXème siècle, particulièrement pour les eaux distribuées dans les réseaux d'eau potable.
L'importance de la réglementation dans la seconde moitié du XXème siècle
A partir du début des années 1960, la dégradation généralisée de la qualité des milieux aquatiques et surtout l'apparition de la notion de pollution des eaux comme élément du débat politique et social, font apparaître la nécessité d'un instrument de mesure pertinent et si possible objectif. La loi sur l'eau du 16 décembre 1964 (Loi n°64/1245, 1964), indique que des décrets ultérieurs devront préciser : "les spécifications techniques et les critères chimiques, biologiques et bactériologiques auxquels les cours d'eau, canaux, lacs ou étangs devront répondre". La mise en application de ce principe est le fait de la circulaire interministérielle de juillet 1971 qui précise les conditions dans lesquelles doivent être menées les études préalables à la promulgation des décrets d'amélioration de la qualité. En réalité, ces décrets ne seront jamais promulgués, la circulaire de 1978 abrogeant celle de 1971, en abandonnant en particulier l'idée que les objectifs de qualité soient opposables aux tiers. Malgré tout, lors de l'élaboration de la circulaire de 1971, la nécessité de disposer d'un système cohérent amène à la constitution d'un groupe de travail, animé par l'Agence de l'eau Rhin-Meuse. En six mois, ce groupe de travail publie une première grille de qualité destinée à la mise en place de l'inventaire national de la pollution (INP). Elle permet d'apprécier la qualité de l'eau selon cinq classes (1A, 1B, 2, 3 et non classée), en se référant à des limites de concentrations de paramètres physico-chimiques "représentatifs" des différentes pollutions rencontrées dans les milieux naturels et à quelques paramètres hydrobiologiques. La définition de la grille de qualité générale s'accompagne de la mise en place d'un réseau de stations permettant le suivi de l'évolution de la qualité des milieux.
A partir de 1975, plusieurs directives européennes, se présentant sous la forme de grilles spécifiques, définissent ce que doit être la qualité de l'eau pour différents usages :
- directive du 16 juin 1975 relative à l'usage alimentation en eau potable, traduite en droit français par les décrets du 3/01/1989, 10/04/1990 et 7/03/1991 ;
- directive du 8 décembre 1975 relative à l'usage baignade, traduite en droit français par la circulaire du 26/12/1978 ;
- directive du 18 juillet 1978 relative à la fonction piscicole traduite par les circulaires des 26/12/1978 et 9/11/1984 ;
- directive du 30 octobre 1979 relative à la conchyliculture.
Même si ces grilles ne sont plus en usage aujourd'hui, leur existence met en évidence le fait que la qualité de l'eau ne peut pas être définie dans l'absolu, mais uniquement en fonction de l'usage que l'on attend d'elle. Ainsi par exemple la consommation humaine a des exigences très fortes mais aussi différentes de celles utiles pour l'irrigation (figure 2).
Critères de qualité par usage de l'eau
Critère de qualité de l'eau destinée à la consommation humaine
L'eau destinée à la consommation humaine est sans doute l'un des aliments les plus contrôlés et sur lequel les normes de qualité ont fait l'objet du plus de réflexions et de recherches scientifiques. Les critères utilisés sont de différents types :
- critères physico-chimiques : transparence, pH, conductivité, etc. ;
- absence de micro-organismes pathogènes (bactéries, virus, protistes, parasites) ;
- limites maximum de concentration pour certains composés chimiques considérés comme indésirables ou toxiques (nitrates, phosphates, métaux lourds, hydrocarbures, pesticides, etc.) ;
- valeurs minimum et maximum de concentrations pour certains composés chimiques considérés comme nécessaires au métabolisme (calcium, magnésium, potassium, chlore, fluor, cuivre, fer, etc.) ;
- paramètres organoleptiques : absence d'odeur ou de goût prononcé.

Malgré la rigueur de la définition de ces critères, la façon dont la qualité de l'eau est perçue par les consommateurs (du moins en France) est souvent beaucoup plus floue. Les critiques les plus souvent formulées concernent le gout et l'odeur, qui demeurent logiquement des points de vue personnels. Mais, plus étrangement, beaucoup d'usagers expriment également des craintes sur la qualité sanitaire de l'eau distribuée au robinet et préfèrent consommer des eaux en bouteilles, beaucoup plus onéreuses alors que les normes de qualité qui les encadrent sont les mêmes (figure 3), voire des eaux minérales naturelles qui ne respectent pas obligatoirement les normes de concentrations minimum et maximum en particulier pour les sels minéraux et les oligo-éléments.
Pour en savoir plus : Dossier eau MéliMélo sur l'eau du robinet.
Critère de qualité pour les eaux de baignade
L’appréciation de la qualité des eaux destinées à la baignade est effectuée selon les dispositions du code de la santé publique reprenant les critères de directives européennes. Deux familles de critères sont prises en compte
- des indicateurs microbiologiques (en particulier indicateurs de contamination fécale, cyanophycées, etc.) (voir à titre d'exemple le tableau de la figure 4) ;
- des indicateurs visuels : transparence de l'eau, présence de résidus goudronneux, de verre, de plastique ou d'autres déchets.
Bibliographie
- Guillerme A. (1984) : Les temps de l'eau : la cité, l'eau, les techniques ; Collection "Milieux", Ed. Du Champ Vallon ; Seyssel (01), France ; 264 p.
- Maneglier H. (1991) : Histoire de l'eau, du mythe à la pollution ; Ed François Bourin ; 1991.