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Gestion de l’ensablement (HU)

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Traduction anglaise : Sediment cleansing techniques

Dernière mise à jour : 04/12/2023

Ensemble des moyens mis en œuvre pour maintenir propre le système d’assainissement.

Sommaire

Importance du problème

La maîtrise de l'ensablement des réseaux constitue l'une des tâches principales des exploitants. L'accumulation des dépôts au fond des conduites a en effet plusieurs conséquences défavorables (Bachoc, 1992) :

  • les sédiments réduisent les sections d'écoulement et remontent les lignes d'eau ; ils peuvent ainsi être à l'origine de rejets prématurés par les déversoirs d'orage (dans les réseaux unitaires), de mises en charge, voire de débordements ;
  • les sédiments déposés et les polluants associés sont susceptibles d'être remis en mouvement et rejetés au milieu aquatique lorsque le débit augmente pendant les périodes pluvieuses contribuant ainsi à la pollution de ces milieux (voir Rejet urbain de temps de pluie / RUTP (HU));
  • certains sédiments sont de nature organique et leur décomposition peut être à l'origine de nuisances (mauvaises odeurs), voire de dégagements de gaz toxiques et/ou capables de jouer un rôle dans la corrosion des équipements (sulfure d'hydrogène en particulier).

Nature des dépôts

Les dépôts ont des origines et des natures variées. Ils sont également différents dans un système unitaire et dans un système séparatif. De façon assez évidente les eaux de pluie apportent principalement des matériaux minéraux (graviers et sables) d'une densité voisine de 2,5 et les eaux usées de la matière organique d'une densité proche de 1. On trouvera une analyse plus complète de cette question à l'article  : Dépôts en réseau (HU). Il est cependant important de noter que les solides qui contribuent le plus aux dépôts dans les collecteurs sont très différents de ceux transportés en suspension (figure 1).


Figure 1 : Comparaison de la granulométrie des dépôts observés en réseau et des solides transportés en suspension ; Source : Laplace (1991).

Moyens de contrôle des dépôts en réseau

Du fait des problèmes qui leur sont associés, il apparaît indispensable de bien contrôler le dépôt des sédiments en réseau. Les stratégies utilisables reposent sur différents outils qui doivent être mis en œuvre de façon coordonnée et qui sont présentés dans les paragraphes suivants.

Limiter les quantités de solides mobilisables

De façon générale les actions de prévention sont toujours plus économiques que les actions correctives. Comme le ruissellement pluvial constitue l'une des principales sources, la première famille d'actions consiste donc à limiter la quantité de solides susceptibles d'être mobilisés pendant les périodes pluvieuses (figure 2). Ceci peut être obtenu par plusieurs moyens complémentaires :

  • Déconnecter les surfaces imperméables des réseaux : cette action a également pour avantage de diminuer les débits dans le réseau et de préserver la ressource en eau ;
  • Améliorer les pratiques de nettoyage des rues et des places, qui reposent encore trop souvent sur le balayage des déchets présents en surface vers les caniveaux et les bouches d'égout ;
  • Améliorer la collecte des ordures ménagères : les poubelles vidées avec une fréquence insuffisante constituent une source importante de solides ;
  • Mieux gérer les produits d'érosion, en particulier à l'occasion des chantiers qui constituent une source très importante de sable et de graviers ;
  • Éduquer les citoyens qui confondent souvent les avaloirs (de même que leurs toilettes) avec les poubelles (figure 2).


Figure 2 : Les avaloirs constituent la source principale d'introduction des solides en réseau, même par temps sec ; Source : www.graie.org/eaumelimelo

Piéger les solides au moment de leur introduction dans le réseau

Il est également possible de piéger les solides les plus grossiers et/ou les plus décantables au moment de leur introduction dans le réseau en utilisant des bouches à décantation (figure 4) et/ou des bouches équipées de paniers (figure 3). Ces solutions sont efficaces mais nécessitent un gros investissement pour le curage régulier des ouvrages équipés, curage qui n'est pas toujours facile à mettre en place.


Figure 3 : Nettoyage d'un panier dégrilleur ; Crédit photo Patrick Savary.


Figure 4 : Schéma de principe d'une bouche à décantation équipée d'une grille ; Source : Référentiel des ouvrages du Grand Lyon.

Améliorer les conditions d'autocurage des conduites

A défaut de pouvoir empêcher le dépôt des solides les plus grossiers, qui hors circonstances exceptionnelles (pente et débit très forts), vont nécessairement se déposer à un endroit ou un autre du réseau, on peut limiter l'aggravation de la situation associée au dépôt de matières organiques fermentescibles, responsables de nuisances olfactives et de risques de dégagement de sulfure d'hydrogène. Pour ceci il est indispensable de faire en sorte que les différentes branches du réseau respectent les conditions d'autocurage.

Piéger les solides à l'intérieur du réseau

Une stratégie efficace et souvent utilisée consiste à piéger les solides avant les zones à risque et dans des endroits où il est facile de les extraire. Si les chambres à sable traditionnelles, reposant sur la décantation, posent des problèmes d'exploitation en arrêtant également de la matière organique, les pièges de nouvelle génération ne présentent pas cet inconvénient. Ils utilisent le fait que la granulométrie des solides qui se déposent dans les réseaux est très différente de celles des solides transportés en suspension (voir figure 1). Du fait qu'ils sont transportés par charriage, ils peuvent être spécifiquement interceptés par des ouvrages bien conçus (voir Piège à charriage (HU)) (Laplace et Félouzis, 1997) (figure 5).


Figure 5 : Schéma de principe d'un piège à charriage ; Source : Laplace et al (2008).

Pour être efficaces, ces dispositifs doivent cependant être correctement dimensionnés et curés régulièrement. La formule suivante fournit un ordre de grandeur du volume de stockage nécessaire en fonction de la fréquence de curage souhaitée.


$ V = 0{,}01.C.Q.D.r $

Avec :

  • $ V $ : volume de stockage nécessaire pour la chambre (m3) ;
  • $ C $ : concentration moyenne en sable et gravier dans l'écoulement pendant les périodes de pluie (en kg/m3 ou g/L) (généralement de l'ordre de 1) ;
  • $ Q $ : débit de référence pendant les périodes de pluie (m3/h) ;
  • $ D $ : Durée souhaitée entre 2 curages (en jours) ;
  • $ r $ : pourcentage de temps où le débit atteint ou dépasse le débit de référence (sans dimension et en rapport de temps, c'est à dire entre 0 et 1).

Nota En pratique les opérations de curage provoquent souvent une gêne aux riverains et aux usagers de la voirie, et il est préférable que leur fréquence ne dépasse pas deux à quatre fois par an.

Des modélisations plus détaillées et précises sont également possibles. Par exemple Laplace et al (2008), ont modélisé en continu le remplissage d'un piège à charriage en tenant compte des alternances de temps sec et de périodes pluvieuses (figure 6).


Figure 6 : Dynamique de remplissage du piège mesurée et modélisée ; Source : Laplace et al (2008).

Mettre en place des dispositifs favorisant le transport solide

Il existe également des dispositifs automatiques capables de favoriser le transport solide. Si les réservoirs de chasse traditionnels ainsi que les boules de curage posent des problèmes techniques difficiles à résoudre, il n'en est pas de même des vannes à ouverture cyclique qui ont fait la preuve de leur efficacité. Ces dispositifs permettent de déplacer les solides les plus grossiers sur quelques centaines de mètres et leur utilisation en lien avec des pièges à charriage est particulièrement recommandée. La figure 7 donne deux exemples de stratégies utilisables pour protéger une zone sensible au risque d'ensablement.


Figure 7 : Implantations conjointes possibles d'un piège à charriage et d'une vanne à ouverture cyclique pour empêcher l'ensablement d'une zone sensible ; Source : Laplace et al. (1993)

Améliorer les pratiques de curage du réseau

La complexité et la longueur des réseaux concernés sont cependant telles qu'il ne sera pas possible à court terme d'empêcher tout ensablement à l'intérieur même des conduites. Les solutions à utiliser dans ce cas sont de nature curative (voir nota) et consistent à mettre en place des stratégies de curage qui doivent être correctement planifiées et conduites.

Nota : Même si l'on parle parfois de curage préventif pour indiquer que le curage est effectué avant que les conséquences de l'ensablement sur le fonctionnement du système ne soient importantes ou que la consolidation des dépôts ne complique leur extraction, cette mesure reste néanmoins curative.

Mieux prévoir la façon dont les conduites vont s'ensabler

Comprendre la dynamique des dépôts et être capable de les prévoir constitue un premier pas nécessaire à la planification des curages. Différentes études (Voir par exemple Laplace, 1991 ; Gérard, 1999 ; Ashley et al, 2004 ; Aflak et al, 2007 ; Carnacina, 2011) ont permis de beaucoup mieux comprendre cette dynamique. Les facteurs importants se répartissent en deux familles et sont les suivants :

  • Facteurs de vulnérabilité au risque d'ensablement :
    • Facteurs structurels locaux (associés au tronçon) : principalement pente, rugosité et forme du radier ;
    • Facteurs structurels globaux : proximité d'ouvrages spéciaux à l'amont ou à l'aval, arrivée latérale, changement brutal de pente ou de section ;
    • Facteurs hydrauliques : vitesse d’écoulement, débit par temps sec et temps de pluie, risque d'influence aval.
  • Facteurs associés à l'aléa d'apport de solides :
    • Présence en surface de sources de sables ou de graviers : terrains vagues, chantiers, zones agricoles, etc. ;
    • Présence en surface de restaurants, de places de marché ou de zones touristiques ;
    • Présence à l'amont d'ouvrages de piégeage (réduction de l'aléa).

Différents modèles existent utilisant ces critères (Laplace, 1991 ; Gérard, 1999 ; Aflak et al, 2007). Une validation locale est cependant nécessaire. Un suivi métrologique régulier peut également être utilisé. Depuis les travaux préliminaires de Laplace et al (1988), des technologies efficaces ont également été développées pour mieux mesurer de façon automatique, et éventuellement en continu, les quantités de sable déposé au fond des conduites. Voir par exemple : Bertrand-Krajewski et Gibello (2008), Gourmelen et al (2010), Carnacina (2011).

Mieux planifier les campagnes de curage

Connaître le risque d'ensablement n'est cependant pas suffisant pour optimiser l'organisation des campagnes de curage. Il est également nécessaire de tenir compte des conséquences que l'ensablement peut avoir sur le service rendu : augmentation des risques de débordement, augmentation de la fréquence ou de l'importance des rejets urbains de temps de pluie, nuisances olfactives ou autres, risque de dégagement de sulfure d'hydrogène, etc. Ces conséquences peuvent être très variables selon la position dans le réseau et on peut avoir intérêt à curer plus fréquemment un secteur qui s'ensable moins vite mais sur lequel des conséquences de l'ensablement sont très fortes.

La dernière famille de critères à prendre en compte est le risque de consolidation des sédiments. Laisser les dépôts s’installer peut en effet rendre leur curage ultérieur plus difficile car les dépôts peuvent se compacter, voire se solidifier mais aussi piéger des corps étrangers comme des morceaux de bois ou de métal.

Le choix des priorités peut alors se faire en construisant une note de synthèse (Aflak et al, 2007) ou en utilisant une évaluation multicritère.

Utiliser au mieux les technologies existantes

Les technologies de curage ont beaucoup évolué depuis la fin du XXème siècle pour les conduites non visitables avec le développement continu de l'hydrocurage. En ce qui concerne le curage des conduites visitables, malgré quelques innovations comme les vannes à ouverture cycliques mobiles, on continue principalement à utiliser des solutions parfois très anciennes (wagon-vannes, bateau-vannes, etc.). Voir Curage (HU).

Devenir des produits de curage

La question du traitement et de la valorisation des produits de curage extraits des réseaux d'assainissement et des ouvrages de piégeage (de même d'ailleurs que celle des boues des stations d'épuration) devient de plus en plus difficile pour les exploitants. Les problèmes principaux résident dans l'hétérogénéité des matériaux à traiter et dans l'évolution des réglementations.

Nature des produits curés

Si la stratégie de gestion de l'ensablement est bien conduite, l'essentiel des produits curés dans les réseaux est de nature sableuse, c'est à dire que la fraction minérale est prépondérante et que la granulométrie est relativement grossière (entre 200 μm et quelques cm) (figure 8). Ces sables sont cependant souvent mélangés à de la matière organique, à des produits graisseux et à des déchets divers (plastiques, mégots de cigarette, canettes aluminium, etc.). A titre d'exemple la figure 9 (Berquet, 2002) indique les compositions moyennes observées sur le bassin Artois Picardie à la fin du XXème siècle. Ce tableau n'est qu'indicatif car il est probable que les compositions trouvées soient très différentes selon les sites, selon les périodes et selon les lieux de curage (réseau, chambre à sable, piège à charriage, etc.).


Figure 8 : Dépotage des sables curés dans un piège à charriage ; Crédit photo Dominique Laplace, SERAMM.

Par ailleurs de nombreux polluants minéraux ou organiques (métaux lourds, pesticides, POPs, etc.) sont fixés sur les particules les plus fines (voir Pollution des rejets urbains de temps de pluie (HU)) (figure 9).


Figure 9 : Composition moyenne des produits de curage de réseau observée sur le bassin Artois Picardie à la fin du XXème siècle ; Source : Berquet (2002).

Les quantités sont importantes, de l'ordre du million de tonnes par an pour l'ensemble du territoire métropolitain (Berquet, 2002).

Extraction, traitement et valorisation

L'extraction se fait à la main (de moins en moins souvent), par des moyens mécaniques (godets) ou le plus souvent par aspiration. Dans la plupart des cas les matériaux extraits sont conduits dans un site de dépotage où ils sont traités avec les matériaux de même nature produits par la station d'épuration (en particulier par les dessableurs situés en tête de station) et parfois avec les produits de curage des ouvrages de gestion des eaux pluviales. Du fait de leur nature minérale, ces déchets ne peuvent pas être valorisés de façon classique (valorisation agricole ou énergétique, voir Valorisation des boues (HU)).

Le procédé le plus courant consiste à les laver et les cribler pour les débarrasser des matériaux fins les plus pollués et des résidus de matière organique. Les sables et graviers, une fois égouttés, peuvent être recyclés comme matériaux de construction ou de remblais (Berquet, 2002 ; Hébrard-Labit, 2006). L'alternative consiste à les mettre en décharge, ce qui est de plus en plus difficile sur le plan réglementaire.

Bibliographie :

  • Aflak, A., Gendreau, N., Pascal, O., Pister, B., Vuathier, J. (2007) : Gestion préventive de l’ensablement des collecteurs visitables d’assainissement et optimisation des interventions de curage ; Actes Novatech 2017 ; pp 1325-1332 ; disponible sur documents.irevues.inist.fr.
  • Bachoc, A. (1992) : Le transfert des solides dans les réseaux d'assainissement unitaires ; Thèse INPT ; disponible sur https://www.theses.fr/1992INPT150H
  • Berquet, S. (2002) : Le traitement des boues de curage sur le bassin Artois-Picardie ; Mission qualité de l'environnement ; 157p. ; disponible sur www.oieau.org.
  • Bertrand-Krajewski, J.-L., Gibello, C. (2008) : A new technique to measure cross-section and longitudinal sediment profiles in sewers  ; 11th Int Conf on Urban Drainage, Edinburg, 8 p.
  • Carnacina, I. (2011) : Suivi par sonar de la dynamique des dépôts en réseau d’assainissement ; rapport IFSTTAR VITRES - N° 07 CARN 013 01 : 136p. ; disponible sur https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01712037.
  • Gérard, C. (1999) : Aide au diagnostic des réseaux d'assainissement : analyse et modélisation des relations entre la structure du réseau et les risques d'envasement ; Thèse INSA Lyon ; Disponible sur https://www.theses.fr/178356352
  • Gourmelen, L. , Cottineau, L.-M., Larrarte, F. (2010) : Développement d’un dispositif de mesure en continu de la hauteur de sédiments ; XIèmes Journées Nationales Génie Côtier – Génie Civil ; 9p. ; disponible sur file:///C:/Users/BERNAR~1/AppData/Local/Temp/JNGC2-2010-Furrina.pdf
  • Hébrard-Labit, C. (2006) : Recommandations pratiques pour la gestion des produits de l'assainissement pluvial ; Guide technique LCPC ; 60p. ; disponible sur www.ifsttar.fr
  • Laplace D. (1991) : Dynamique du dépôt en collecteur d’assainissement ; Thèse de doctorat INPT/ENSEEIHT ; 202 p
  • Laplace, D., Dartus, D., Bachoc, A. (1988) : Développement d’un dispositif de mesure en continu de la hauteur de dépôt en un point d’un collecteur d’assainissement ; Rapport du programme de recherche sur le transfert des solides en réseaux d’assainissement ; I.M.T.F. / E.S.L., Rapport n° 396, 25 p.
  • Laplace, D, Bachoc, A, Sanchez, Y, (1993) : Solutions techniques pour gérer les dépôts en collecteurs visitables, numéro spécial TSM « Les solides en réseau d’assainissement » ; pp. 519-523.
  • Laplace, D., Félouzis L. (1997) : Le piège à charriage, une technique innovante pour l’entretien des réseaux d’assainissement ; TSM ; N9 ; 6 p.
  • Laplace, D., De prato, K., Bournot, P., Félouzis, L. (2008) : Mesure et modélisation des flux charriés dans un collecteur d’assainissement unitaire ; La Houille blanche ; 94:5, pp. 86-91, DOI: 10.1051/lhb:2008060 ; disponible sur https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1051/lhb%3A2008060?needAccess=true

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