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Biodégradation (HU)

De Wikibardig

Traduction anglaise : Biodegradation

Mot en chantier

Dernière mise à jour : 05/09/2023

Ensemble de phénomènes physiques, chimiques et biologiques, faisant intervenir des micro-organismes comme des bactéries, des champignons ou des algues, se produisant de façon successive ou concomitante et aboutissant :

  • à une décomposition du matériau,
  • à une réorganisation de la biomasse, et,
  • à un dégagement de CO2 (et/ou de CH4), d’H2O, d’énergie (sous forme de chaleur), d’une éventuelle production de nouvelles molécules organiques et de possibles résidus minéraux.

Sommaire

Dégradation et biodégradation

Le terme biodégradation n'est pas compris de la même façon par tous et il existe deux points principaux où les définitions s'écartent les une des autres :

  • La biodégradation concerne-t-elle uniquement la matière organique ? : Pour certains, la biodégradation est un phénomène qui permet la minéralisation des substances organiques présentes dans un milieu ; pour d'autres ce phénomène est à l’œuvre dans la décomposition de n'importe quel matériau dès lors que l'action de micro-organismes joue un rôle ; dans cet article nous retiendrons la seconde définition même si nous traiterons principalement de la biodégradation de la matière organique.
  • La biodégradation concerne-t-elle uniquement l'action des micro-organismes ? : En pratique, comme il est difficile de faire la part entre le rôle des agents chimiques, physiques et biologiques qui agissent souvent de manière concomitante et qui dépendent les uns des autres, nous considérerons que l'on peut parler de biodégradation chaque fois que des processus biologiques sont impliqués (figure 1)


Figure 1 : La biodégradation est la résultante de phénomènes physico-chimiques (fragmentation par exemple) et biologiques (assimilation par exemple) qui peuvent être successifs mais qui sont le plus souvent concomitants et interdépendants ; Source : https://asso.adebiotech.org.

Biodégradation de la matière organique dans les milieux naturels

La biodégradation des matières organiques dans les milieux naturels joue un rôle important dans plusieurs cycles bio-géochimiques concernant des éléments majeurs (en particulier carbone, azote et phosphore). L'ensemble des processus impliqués dans la biodégradation varie en fonction de la quantité d'oxygène présente dans le milieu. La biodégradation peut ainsi être aérobie ou anaérobie.

En milieu aérobie, moyennant consommation d'oxygène, on assiste à une minéralisation plus ou moins complète de la matière organique avec, comme produits finaux, de l'eau, du gaz carbonique, des nitrates, des phosphates, etc. En cas de forte charge organique, l'oxygène dissous dans l'eau peut être entièrement consommé par les organismes aérobies.

Si le milieu se retrouve en condition anaérobie, des bactéries capables d'utiliser les nitrates et les sulfates peuvent se développer. On assiste alors à la formation de composés réduits (H2S, CH4, NOx). Cela se produit en particulier au niveau des berges des rivières, mais aussi dans certaines zones annexes (par exemple les milieux humides en relation avec les cours d'eau). La biodégradation anaérobie joue un rôle particulièrement important sur le bilan d'azote à l'échelle des bassins versants (contribution à la dénitrification).

Dans le milieu aquatique, la biodégradation ne constitue qu'un phénomène parmi d'autres. En effet, durant leur transit dans la rivière, les rejets de matière organique sont impliqués dans de nombreux processus susceptibles de les transformer, de les immobiliser ou de les éliminer. L'efficacité de cette élimination est liée au fonctionnement global de l'écosystème, lui-même fortement dépendant des conditions de milieu (température de l'eau, teneur en oxygène dissous, vitesse du courant, etc.) et des apports en substances nutritives. Au niveau d'un bassin versant hydrographique, il est important de distinguer la matière organique autotrophe, produite par la photosynthèse, et la matière organique hétérotrophe, issue de la biomasse bactérienne. Ceci permet de discerner les processus dominants dans la rivière : activité photosynthétique généralement dominante dans les zones amont (zones lotiques) et activité de minéralisation généralement dominante dans les zones aval (zones lentiques) (voir figure 21).


Figure 2 : Représentation schématique des rôles respectifs de la biodégradation et de la photosynthèse dans la production de la biomasse.

Efficacité des processus de biodégradation en milieu naturel

La biodégradation est plus ou moins complète et plus ou moins rapide selon les espèces chimiques (Voir Biodégradabilité). Elle peut être favorisée ou accélérée par des apports en nutriments ou par la présence de souches bactériennes adaptées (qu’il est possible d’ensemencer artificiellement). Les associations de micro-organismes sont généralement plus efficaces que les espèces isolées.

Modélisation de la biodégradation dans les milieux naturels

Un rejet de matière organique biodégradable dans un cours d'eau se traduit notamment par une baisse de la quantité d'oxygène dissous suivie, si les conditions le permettent, par un retour progressif à la normale. L'intérêt présenté par la compréhension et la quantification de ce phénomène est reconnu de longue date, donnant lieu à l'élaboration de méthodes d'évaluation.

Trois d'entre elles sont présentées ici de façon chronologique, marquant chacune une étape importante dans l'appréhension du processus de biodégradation.

La demande biochimique en oxygène

En France, à la fin du 19ème siècle, des travaux scientifiques sur la qualité des eaux, essentiellement motivés par des soucis de santé publique, sont menés sur les fleuves de l'agglomération parisienne : la Seine et la Marne. Dans ce cadre, le chimiste Boudet va montrer en 1870, grâce à des dosages au permanganate effectués sur des échantillons d'eau prélevés au droit de collecteurs d'assainissement, que les eaux souillées par des matières fécales sont dépourvues d'oxygène. En stockant les échantillons, il va s'apercevoir que la teneur en oxygène varie au cours du temps (Boudet, 1876).

Ces observations conduisent les scientifiques de l'époque à considérer que la quantité d'oxygène dissous dans l'eau est un bon indice pour mesurer le degré d'altération de la qualité des eaux. Les mesures effectuées in situ, en Seine notamment, tendent à confirmer cette hypothèse. Elles montrent en effet qu'en amont de Paris la rivière est saturée en oxygène, puis que la concentration diminue de façon importante durant la traversée de la capitale, pour remonter par la suite à l'aval de l'agglomération jusqu'à atteindre son point de saturation.

Dans le même temps, des travaux similaires ont lieu en Grande-Bretagne, où le biologiste Franklands montre que la quantité d'oxygène dissous dans l'eau peut être corrélée à la quantité de composants organiques et que la réduction de la masse de matière organique oxydable dans l'eau est liée à la présence de micro-organismes (Hynes, 1960). C'est à partir de ce constat qu'est mise au point une méthode globale d'analyse : la Demande biochimique en oxygène. Schématiquement, ce test consiste à mesurer la consommation d'oxygène d'un échantillon d'eau maintenu à l'obscurité à température constante (20°C) pendant une durée déterminée, généralement fixée à cinq jours (voir figure 3).


Figure 3 : Évolution de la DBO au cours du temps.

Remarque : la mesure de la DBO n'exprime que partiellement la biodégradation car d'autres processus consommateurs d'oxygène sont à prendre en considération. On peut penser en particulier à certaines substances organiques, comme la lignine (composé organique d'origine végétale), dont la dégradation exige des délais supérieurs à cinq jours. On peut également noter le cas des substances chimiques réductrices, telles les sulfites et les sels ferreux, dont la présence dans l'eau à un effet sur le bilan d'oxygène : la consommation d'oxygène par ces substances s'ajoute à celle résultant de la décomposition de la matière organique.


Le modèle de Streeter et Phelps

Au début du XXème siècle, le rôle joué par l'oxygène dans la biodégradation, appelée à l'époque autoépuration, est unanimement reconnu en Europe comme aux États-Unis, où les ingénieurs sanitaires du "United States Public Health Service" étudient de manière approfondie les processus biochimiques rattachés à la dégradation de la matière organique. Les travaux de deux de ses membres, H.W. Streeter et E.B. Phelps, vont aboutir en 1925 à l'élaboration d'un modèle simplifié basé sur une cinétique chimique d'ordre 1 (vitesse de réaction proportionnelle à la quantité de produit présent) (Streeter et Phelps, 1925) (figure 4).


Figure 4 : Évolution des concentrations en oxygène dissous, DBO, NH4, et NO3 dans une rivière lotique après un rejet urbain ; Source : Streeter et Phelps (1925).

Le modèle de Streeter et Phelps décrit l'évolution de la concentration en oxygène et de la DBO dans une rivière, à l'aval d'un rejet, à l'aide d'une équation différentielle composée d'un terme de désoxygénation (considérant la demande en oxygène pour la dégradation de la matière organique) et d'un terme d'échange gazeux avec l'atmosphère (réoxygénation si déficit par rapport à la saturation, désoxygénation si excès par rapport à la saturation).

La théorie générale de Streeter et Phelps va servir de base à de nombreux travaux de recherche sur l'autoépuration entre 1930 et 1960. Sans remettre en cause le modèle proposé, qui donne des ordres de grandeur jugés satisfaisants, les chercheurs vont progressivement affiner les expressions mathématiques proposées pour mieux tenir compte de certains phénomènes ou y adjoindre des termes nouveaux. Ainsi, en 1936, on montre que la température de l'eau, la vitesse et le courant (en particulier les phénomènes de turbulence) sont susceptibles de jouer un rôle important dans la réoxygénation de l'eau. Puis, dans les années 1945, on cherche à prendre en compte les phénomènes de sédimentation et de relargage, par les sédiments du fond, de la matière oxydable.

Jusqu'en 1960, la modélisation de la qualité des eaux reste basée sur l'équation proposée par Streeter et Phelps qui représente la biodégradation comme un phénomène linéaire. Par la suite, l'introduction de cinétiques biologiques fournissant des expressions mathématiques pour décrire, d'une part, le rôle de la photosynthèse dans l'apport d'oxygène et, d'autre part, celui des populations de bactéries nitrifiantes dans l'oxydation des matières azotées (prise en compte du phénomène de nitrification) va constituer le changement le plus important.

Le modèle HSB

A partir des années 1980, la modification la plus notable en matière de modélisation concerne la prise en compte du rôle de la croissance de la biomasse bactérienne dans le phénomène de biodégradation. L'un des modèles les plus achevés à cet égard est le Modèle HSB (Billen & Servais, 1989) qui fait intervenir 3 termes :

  • H : la matière organique hydrolysable ;
  • S : les substrats monomériques ;
  • B : la biomasse bactérienne.

Ce modèle fait l'hypothèse que la matière organique existe sous trois formes : une première forme rapidement hydrolysable, une seconde forme hydrolysable plus lentement et une troisième réfractaire. La matière organique est hydrolysée par des exo-enzymes. Cette hydrolyse aboutit à la formation de substrats assimilables par les bactéries (figure 5).

Figure 5 : Représentation schématique du modèle HSB ; Source : Billen et Servais (1989).

La biodégradation, décrite par Streeter et Phelps à l'aide d'une seule variable, est là exprimée à travers trois variables. Les cinétiques qui les relient peuvent être définies théoriquement, ce qui permet de contourner la difficulté de détermination des paramètres utilisés par le modèle de Streeter et Phelps.

Intérêt et limites des modèles

Les modèles de biodégradation ont pour objectif la prévision des effets d'un rejet de matière organique sur la teneur en oxygène du milieu récepteur, en tenant compte de ses caractéristiques et de celles du rejet. Ils ont le mérite d'attirer notre attention sur le caractère différé et variable des nuisances produites.

Au fur et à mesure des progrès de la recherche scientifique, les modèles se sont complexifiés en intégrant un nombre croissant de facteurs reconnus et se sont de plus en plus spécialisés par espèces chimiques. Du même coup, on a augmenté les difficultés d'utilisation pratique des modèles, pour certains à cause des difficultés de calage des nombreux paramètres et pour d'autres du fait de la nécessité de connaître avec précision la composition des rejets. Ceci explique sans doute le succès que rencontre encore aujourd'hui le modèle de Streeter et Phelps qui, malgré les insuffisances qui lui sont reconnues, continue d'être couramment utilisé.

Biodégradation et épuration biologique

La biodégradation est le phénomène de base mis en œuvre dans l'ensemble des procédés d'épuration biologique. L'objectif est d'optimiser l'ensemble des processus aérobies (pour la dégradation de la matière carbonée) et anaérobies (en particulier pour l'élimination des nitrates et des phosphates).

Biodégradation des polluants

Bibliographie :

  • Boudet, F. (1876) : Rapport à Monsieur le Préfet de police sur l'altération des eaux de la Seine par les égouts collecteurs d'Asnières et du nord: mesures d'assainissement. ; Rapport général sur les travaux du conseil d'hygiène publique et de salubrité de 1872 à 1876.
  • Franklands
  • Billen, G., Servais, P. (1989) : Modélisation des processus de dégradation bactérienne de la matière organique en milieu aquatique ; in Microorganismes dans les écosystèmes océaniques, sous la direction de M. Bianci & al. ; Ed. Masson ; chap. 8 ; pp. 219-245.
  • Hynes, H.B.N. (1960) : The biology of polluted waters ; Liverpool University press ; 202p.
  • Ramade F.(1989) : Eléments d’écologie - écologie appliquée ; McGraw-Hill ; Paris ; 578p.
  • Streeter, H.W., Phelps, E.B. (1925) : A Study of the pollution and natural purification of the Ohio river. III. Factors concerned in the phenomena of oxidation and reaeration ; Public Health Bulletin no. 146, Reprinted by U.S. Department of Health, Education and Welfare, Public Health Service, 1958, ISBN B001BP4GZI ; disponible sur : udspace.udel.edu
  • Pesson (coord) (1980) : La pollution des eaux continentales : incidence sur les biocénoses aquatiques ; Ed. Gauthier-Villars ; 345 p.
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