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Diagramme de Shields (HU)

De Wikibardig

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Traduction anglaise : Shields diagram

Dernière mise à jour : 05/03/2024

Diagramme permettant de calculer le seuil de mise en mouvement d’une particule dans un écoulement liquide et qui sert encore de base à la plupart des calculs de contrainte critique d'entraînement.

Sommaire

Éléments d'historique

La première version du "diagramme de Shields" (voir figure 1) a été construite par Shields (1936) en utilisant des données expérimentales acquises en laboratoire par l’auteur ainsi que des données expérimentales publiées antérieurement par Gilbert (1914), Kramer (1932) et Casey (1935), ainsi que rapporté par Kennedy (1995).


Figure 1 : Diagramme originel de Shields ; Source : Shield (1936).

Les tribulations de Shields entre les États-Unis et l’Allemagne des années 1930 où il mena, non sans difficulté, ses travaux en transport solide, son retour aux États-Unis, son pays d’origine, pour une carrière d’ingénieur dans l’industrie, puis le grand succès des résultats de son travail de doctorat, notamment du fait de Hunter Rouse (1950), ont contribué à la renommée voire à la "légende" d'Albert Shields (Kennedy, 1995 ; Buffington, 1999).

En tout état de cause, son approche sert encore de base à la plupart des calculs de contrainte critique pour la mise en mouvement des particules au fond d'un canal, d'une rivière ou d'une conduite.

Présentation du diagramme de Shields

Mode de construction du diagramme de Shields

Le diagramme de Shields repose sur l'utilisation de 3 nombres sans dimension (voir Contrainte critique d’entrainement (HU)) :

  • le rapport des masses volumiques : $ ρ* $ (relation (1)) ;
  • le nombre de Reynolds particulaire : $ Re_* $ (relation (2)) ;
  • la contrainte adimensionnelle de cisaillement ou nombre de Shields : $ θ $ (relation (3)).


$ ρ* = \frac{ρ_s-ρ}{ρ}\qquad (1) $


$ Re_* = \frac{ρ.u_*d}{μ}= \frac{ρ^{1/2}.τ_w^{1/2}.d}{μ}\qquad (2) $


$ θ = \frac{ρ.u_*^2}{(ρ_s-ρ).g.d}= \frac{ρ*.u_*^2}{g.d}= \frac{τ_w}{(ρ_s-ρ).g.d}\qquad (3) $


Avec :

  • $ τ_w $ : contrainte de cisaillement près du fond ou des parois (N/m2),
  • $ d $ : dimension caractéristique des particules (m),
  • $ ρ $ : masse volumique du fluide (kg/m3),
  • $ ρ_s $ : masse volumique des particules (kg/m3),
  • $ g $ : accélération gravitationnelle (m/s2),
  • $ u_* $ : vitesse de frottement (m/s),
  • $ μ $ : viscosité dynamique (kg/m/s).

Nota : dans le cas le plus général d'une distribution granulométrique hétérogène, $ d $ est souvent assimilé à la taille médiane des particules, $ d_{50} $, ce qui constitue une hypothèse très simplificatrice (voir § "limites du diagramme de Shields").

Dans sa forme originelle, le diagramme de Shields représente graphiquement l'évolution de la contrainte adimensionnelle critique d'entraînement, $ θ $, en fonction du nombre de Reynolds particulaire, $ Re_* $ (figure 2).

Nota : Depuis d'autres formes ont été proposées, utilisant d'autres grandeurs adimensionnelles, et il serait sans doute plus logique de parler de diagrammes de Shields. Certaines de ces formes sont présentées dans la suite de cet article.


Figure 2 : Diagramme de Shields ; Source : Buffington (1999)

Les différents points expérimentaux correspondent à différents types de matériaux dont les rapports de masses volumiques varient entre 0,06 et 3,3 (Buffington et Montgomery, 1997). Les matériaux utilisés présentaient des granulométries peu étendues caractérisées par leur taille médiane $ d_{50} $.

Analyse du diagramme de Shields

Ce diagramme met en évidence une bande qui correspond à la mise en mouvement. En dessous de cette bande, les particules sont immobiles ; au-dessus, les particules sont en mouvement, ce qui contribue à la génération d’un débit solide. Cette bande de mise en mouvement est indépendante du rapport des masses volumiques. Seuls le nombre de Reynolds particulaire et la contrainte de Shields sont ainsi des variables d’influence de la mise en mouvement.

Même si on parle souvent de la "courbe" de Shields, il faut bien se rendre compte que Shields lui-même a présenté cette zone de mise en mouvement comme une bande et non pas comme une courbe (voir figure 1). L’utilisation d’échelles logarithmiques en abscisse et en ordonnée illustre d’ailleurs l’étendue de cette zone de mise en mouvement. Il est donc extrêmement important de garder à l’esprit que la mise en mouvement d’une particule dans un écoulement est un phénomène présentant un caractère statistique, ceci du fait de la turbulence de l’écoulement d’une part, et de l’arrangement de la particule au sein des autres particules constituant le fond d’autre part (voir § "Limites du diagramme de Shields").

Si l'on s’intéresse à la forme de cette zone de mise en mouvement, on constate que pour de faibles valeurs de nombre de Reynolds particulaire, la contrainte adimensionnelle de mise en mouvement décroît avec le nombre de Reynolds. La contrainte adimensionnelle minimale (aux environs de 0,03 – 0,04) est atteinte pour un nombre de Reynolds d’environ 10 à 20. Au-delà, la contrainte adimensionnelle augmente à nouveau pour atteindre des valeurs allant jusqu’à environ 0,06 pour un nombre de Reynolds de 500.

Dans sa forme, le diagramme de Shields est similaire au diagramme de Moody et Stanton obtenu pour une rugosité homogène : ce diagramme, qui représente le coefficient de rugosité en fonction du nombre de Reynolds et de la rugosité relative, présente une diminution pour de faibles nombres de Reynolds (régime turbulent lisse), une zone présentant un minimum (régime de transition) puis un pallier horizontal (régime turbulent rugueux). Par analogie avec le régime turbulent rugueux, une courbe asymptotique est souvent représentée sur le diagramme de Shields pour de grandes valeurs du nombre de Reynolds particulaire. Par analogie entre le nombre de Reynolds et le nombre de Reynolds particulaire, on parle d’ailleurs également de régime lisse, de régime de transition et de régime rugueux sur le diagramme de Shields (voir figure 2).

Toujours sur la forme, en regardant de façon un peu plus globale que précédemment, on peut se rendre compte qu’au-delà d’un nombre de Reynolds particulaire d’environ 1, la contrainte adimensionnelle seuil varie très peu. La contrainte seuil reste en effet voisine de la valeur 0,05 quelle que soit le nombre de Reynolds particulaire. Ce constat a conduit au fait que la contrainte de cisaillement adimensionnelle est souvent la seule variable considérée pour décrire la mise en mouvement.

Réécriture du seuil de mise en mouvement à partir du diamètre adimensionnel

Dans sa forme originelle, présentée plus haut, l'utilisation du diagramme de Shields n'est pas directe. En effet la contrainte de cisaillement (ou la vitesse de frottement) apparaît à la fois dans l'abscisse et dans l'ordonnée du diagramme. Afin de la simplifier, plusieurs auteurs ont proposé des expressions permettant de calculer la contrainte seuil de mise en mouvement en fonction uniquement des caractéristiques des particules et du fluide.

Yalin (1977) a ainsi proposé l’utilisation d'un nombre sans dimension différent : le diamètre adimensionnel $ d_* $ qui s’obtient par combinaison de la contrainte adimensionnelle et du nombre de Reynolds particulaire (relation (4)). L’intérêt de cette variable adimensionnelle est qu’elle est indépendante de la contrainte de cisaillement et donc indépendante de l’écoulement (figure 3).


$ d_* = \left[\frac{Re_*}{θ}\right]^{1/3} = d\left[\frac{ρ.g.(ρ_s-ρ)}{μ^2}\right]^{1/3}\qquad (4) $


Figure 3 : Diagramme de Shields-Yalin ; Source : Van Rijn (1984a).

Les expressions analytiques approchées qui permettent le calcul direct de la contrainte adimensionnelle de cisaillement en fonction du diamètre adimensionnel, peu lisibles sur la figure 3, sont reprises dans le tableau de la figure 4.


Figure 4 : Formules approchées permettant le calcul de la contrainte adimensionnelle de cisaillement en fonction du diamètre adimensionnel.

Les relations de la figure 4 sont très pratiques à utiliser. Considérons par exemple des particules de sable de diamètre médian 1 mm et de masse volumique 2650 kg/m3. En utilisant la définition écrite ci-dessus, le diamètre adimensionnel vaut 25, ce qui aboutit à une contrainte adimensionnelle critique de 0,033. En convertissant cette valeur en grandeur dimensionnelle, on aboutit à une contrainte critique de cisaillement d’environ 0,5 N/m2.

Autres expressions analytiques approchées

Précisons que de nombreux autres auteurs ont proposé des régressions de la courbe de Shields. Par exemple (Garcia, 2008) :


$ d_* = 0{,}22Re_*^{-0,6} + 0{,}06.10^{-7,7.Re_*^{-0,6}}\qquad (5) $


Une telle régression aboutit à une contrainte adimensionnelle seuil d’environ 0,06 (la relation de la figure 4 aboutit à 0,055) pour des nombres de Reynolds importants correspondant à des cours d’eau à lit de graviers (gravel-bed en Anglais). Certaines données de terrain indiquant des mises en mouvement pour de tels cours d’eau dès 0,03, Parker propose une correction par un facteur ½ (Garcia, 2008).


$ d_* = 0{,}11Re_*^{-0,6} + 0{,}03.10^{-7,7.Re_*^{-0,6}}\qquad (6) $

Le fait que les régressions proposées présentent des formes parfois significativement différentes illustre l’incertitude sur le seuil de mise en mouvement.

Limites du diagramme de Shields

Le caractère statistique de la mise en mouvement

La principale limite du diagramme de Shields est le fait que le seuil de mise en mouvement revêt un caractère statistique. Autrement dit, il existe une grande incertitude sur le seuil de mise en mouvement. Une conclusion ne peut généralement être tirée a priori que pour des valeurs significativement éloignées de la zone de mise en mouvement.

La définition ambiguë de la mise en mouvement

Par ailleurs, la notion même de mise en mouvement peut faire l’objet de différentes définitions. En effet, des mouvements de particules peuvent avoir lieu sans qu’aucun débit solide ne soit généré (les particules ne se déplacent que sur une courte distance) : doit-on alors considérer que le seuil de mise en mouvement a été dépassé ?

Les deux méthodes les plus couramment employées sont l’extrapolation du débit solide à zéro (on établit une courbe contrainte de cisaillement – débit solide que l’on extrapole à un débit nul) et l’observation visuelle. La première, selon la méthode d’extrapolation choisie, peut conduire à des résultats sensiblement différents. Quant à la seconde, à défaut d’une définition précise, elle peut être très subjective (en fait très liée à l’observateur). Précisons à ce sujet la grande variabilité de la contrainte seuil selon le critère retenu, ainsi que mis en évidence Graf & Pazis (1977) et Van Rijn (1989), et rapporté par Shvidchenko & Pender (2000).

Nous pouvons citer par exemple le critère probabiliste proposé par Shvidchenko & Pender (2000). Ces auteurs proposent de parler de mouvement lorsque l’intensité I du transport dépasse 10-4 s-1, c’est-à-dire qu’une particule sur 10 000 est en mouvement chaque seconde (seules les particules de surface sont considérées). Ce seuil pourrait être qualifié de la façon suivante : "mouvements occasionnels à certains endroits" Shvidchenko & Pender (2000).

La présence de formes du lit

La présence de formes sur le lit (bed forms en Anglais) est susceptible de fortement modifier le seuil de mise en mouvement. Il faut une contrainte de cisaillement adimensionnelle plus importante en présence de formes pour initier le mouvement des particules présentes sur le fond.

La faible profondeur et la pente

Le diagramme de Shields a été établi dans le cas d’écoulements présentant des hauteurs d’eau importantes par rapport à la taille des matériaux, c’est-à-dire que le rapport $ \dfrac{h}{d} $ ou $ \dfrac{R_h}{d} $ est grand. Pour de faibles profondeurs, par exemple dans le cas de pentes fortes, ce paramètre peut fortement diminuer, ce qui peut avoir comme effet d’augmenter le seuil de mise en mouvement (Shvidchenko & Pender 2000).

Pour des pentes très fortes en revanche (commençant à s’approcher de l’angle de repos statique des particules), l’effet est opposé : du fait de la gravité agissant sur les particules, le seuil de mise en mouvement est réduit.

La granulométrie étendue

Le diagramme de Shields a été établi avec des données correspondant à des granulométries non complètement uniformes mais néanmoins peu étendues. Si l’intuition conduit à penser que le seuil de mise en mouvement peut simplement être adapté en fonction du diamètre des particules considérées dans la granulométrie, une telle approche est souvent erronée du fait des phénomènes liés au tri granulométrique ou aux perturbations locales de l'écoulement dues aux particules les plus grossières. Un mélange granulométrique ne se conduit pas comme la superposition des comportements de ces différentes tailles prises individuellement. En particulier, assimiler le diamètre caractéristiques $ d $ au diamètre médian $ d50 $ constitue une approximation très grossière.

La consolidation potentielle des sédiments

En réseau d'assainissement le problème est encore compliqué par la consolidation observée des sédiments en particulier associée à leur fraction organique.

Bibliographie :

  • Buffington, J. (1999) : The legend of A. F. Shields ; Journal of Hydraulic Engineering ; 125(4) ; p.376-387 ; disponible sur ASCE library
  • Buffington, J., Montgomery, D. (1997) : A systematic analysis of eight decades of incipient motion studies, with special reference to gravel-bedded rivers ; Water Resources Research ; 33(8) ; p.1993-2029 ; disponible sur https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1029/96wr03190.
  • Garcia, M. (2008) : Sedimentation engineering : processes, management, modeling and practice ; ed. ASCE ; ISBN 10 : 0784408149 ISBN 13 : 9780784408148
  • Kennedy, J. (1995) : The Albert Shields story ; Journal of Hydraulic Engineering ; 121(11), p.766-772 ; disponible sur ASCE library
  • Laplace, D (1991) : Dynamique du dépôt en collecteur d'assainissement ; thèse de Doctorat de l'INP de Toulouse, Spécialité de Mécanique des Fluides ; 202p. + annexes ; disponible sur http://www.theses.fr/1991INPT002H.
  • Rouse, H. (1950) : Engineering hydraulics ; John Wiley & Sons.
  • Shields, A. (1936) : Application of Similarity Principles and Turbulence Research to Bed-Load Movement. California Institute of Technology, Pasadena (Translate from German).
  • Shvidchenko, A., Pender, G. (2000) : Flume study of the effect of relative depth on the incipient motion of coarse uniform sediments ; Water Resources Research ; 36(2) ; p.619-628.
  • Van Rijn, L. (1984a) : Sediment transport, part I: bed load transport ; Journal of Hydraulic Engineering ; 110(10) ; p.1431-1455.
  • Van Rijn, L. (1984b) : Sediment transport, part II: suspended load transport ; Journal of Hydraulic Engineering ; 110(11) ; p.1613-1638.
  • Yalin, M.S. (1977) : Mechanics of sediment transport. 2nd ed. Pergamon Press, Oxford, UK. 360 pp

Pour en savoir plus :

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