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Stockage en surface (HU)

De Wikibardig

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Traduction anglaise : on site retention

Dernière mise à jour : 31/07/2023

Adaptation de la topographie d’un espace urbain, compatible avec son usage habituel, et permettant de stocker l’eau en surface sur une très faible profondeur (quelques dizaines de centimètres au maximum), réalisée sans terrassements importants et sans digue (figure 1).


Figure 1 : Un travail simple sur la topographie et le nivellement des pelouses est souvent suffisant pour constituer un stockage en surface tout en créant un espace moins monotone et plus agréable à vivre en dehors des périodes de pluie du fait du relief ; crédit photo Bernard Chocat.

Le stockage s'effectue au-dessus du niveau du sol et la restitution se fait soit à débit limité vers le réseau ou vers un milieu de surface (cours d'eau, lac, mer, etc.), soit, de façon préférentielle et chaque fois que c'est possible, par infiltration (et éventuellement, après la pluie, par évapotranspiration), soit de façon mixte ; on parle également de dépression, de jardin de pluie, de jardin inondable ou plus généralement d'espace inondable.

Sommaire

Généralités

Principes et variantes

L'eau se stocke naturellement dans les parties basses d'une surface. Le stockage dans les dépressions fait d'ailleurs partie des pertes au ruissellement. Il s'agit dans ce cas d'optimiser ce processus de façon à gérer les eaux de pluie au plus près de leur point de chute. Pour ceci on adapte la topographie du site de façon à ce que l'eau précipitée s'écoule en surface en direction d'un espace spécifiquement prévu pour la stocker provisoirement. Cette adaptation doit se faire sans terrassement important et en particulier (dans la plupart des cas) sans digue. Dans bien des cas, il suffit de faire en sorte que les surfaces d'espaces verts soient plus basses que les surfaces imperméables et qu'il n'y ait pas d'obstacles (bordures de trottoir par exemple) pour gêner leur écoulement (figure 2). Le travail sur le nivellement est donc essentiel.


Figure 2 : De petites réservations au milieu des espaces aménagés fournissent des opportunités simples de création de stockage en surface à la condition de les décaisser un peu par rapport aux surfaces actives voisines ; crédit photo Bernard Chocat.

Le point essentiel est que l'espace conserve sa fonction principale (espace vert, espace sportif, parking, place publique, etc.) et donc que le stockage provisoire de l'eau pendant les périodes pluvieuses constitue une fonction secondaire n'altérant que marginalement les usages urbains constituant sa destination initiale. Ceci a plusieurs conséquences importantes :

  • le facteur de charge (rapport entre la surface active d'apport et la surface de l'ouvrage) doit être faible (typiquement inférieur à 5) pour limiter la hauteur d'eau à une valeur faible (30 à 40 cm au maximum pour les événements les plus forts), de façon à ne pas induire de risques pour la sécurité des biens ou des personnes ;
  • l'eau doit s'évacuer rapidement après la pluie et sans laisser de traces visibles (boue, déchets, etc.) de façon à ce que la perte d'usage soit la plus limitée possible et idéalement inexistante ;
  • en revanche la surface mobilisée peut être grande car l'espace utilisé n'est pas bloqué par sa fonction hydraulique.

L'eau stockée est de façon préférentielle (chaque fois que c'est possible) restituée rapidement par infiltration. L'espace va ensuite finir de s'assécher, plus lentement, par évapotranspiration (en particulier si une partie du stockage peut se faire dans la couche superficielles du sol). Si nécessaire la restitution peut également se faire en partie à débit régulé vers un réseau ou vers un exutoire de surface (cours d'eau par exemple).

La partie la plus basse peut éventuellement être maintenue en eau de façon permanente (création d'une mare) et dans ce cas doit être étanchée, ou comme un milieu humide avec une végétation adaptée. Contrairement au cas précédent, ces dispositifs en eau permanente ou semi-permanente sont à favoriser dans les contextes argileux (présentant une étanchéité naturelle).

Si le domaine d'application principal de cette solution est constitué par les zones d'habitat individuel et, de façon plus large, par les zones urbaines peu denses, elle est également utilisable sur d'autres types d'espaces, par exemple :

  • les espaces publics (place par exemple), pour lesquels une partie de l'espace, même minéral, peut être dédié au stockage provisoire de l'eau (figure 3) ;
  • les parkings qui peuvent accepter, dans certaines zones, d'être inondés pendant des durées limitées lors les périodes pluvieuses, à condition de prévoir des cheminements piétons qui évitent, ou permettent de franchir, les espaces en eau.


Figure 3 : Une place publique peut parfaitement être utilisée comme espace inondable à la double condition de sécher rapidement et de ne pas présenter de traces visibles désagréable après une pluie ; crédit photo GRAIE.

Si les possibilités d'infiltration sur ces espaces sont insuffisantes (ou si l'infiltration est interdite pas la réglementation), une partie de l'eau peut être restituée au réseau à débit limité (si la réglementation le permet).

Historique

Ce mode de gestion a constitué le mode le plus traditionnel dans les zones rurales pendant des siècles. En pratique on évitait simplement que l'eau ne ruisselle vers des zones avec enjeux, le plus souvent en essayant de préserver les écoulements qui préexistaient à l'aménagement. Le code civil Napoléonien interdisait seulement de ne pas aggraver la situation du fond inférieur. Avec la densification urbaine, les possibilités de gérer l'eau de pluie localement ont progressivement diminué dans les centres des villes et il a fallu construire des équipements pour la canaliser vers un autre exutoire. Avec le mouvement hygiéniste les caniveaux qui jouaient ce rôle se sont progressivement transformés en conduites souterraines. La règle générale est devenue l'évacuation rapide des eaux de pluie vers l'extérieur de la ville, même dans beaucoup de situations où les possibilités de gestion locale continuaient d'exister. Il s'agit donc simplement de renouer avec une pratique ancienne fondée sur la simplicité et le bon sens.

Fonctions et co-bénéfices

En dehors de sa simplicité et de son coût extrêmement réduit, cette solution présente un grand nombre de bénéfices écologiques, environnementaux et paysagers :

  • elle permet de conserver sur place une eau précieuse qui va réalimenter les sols et les nappes, prévenir la dessication des sols et le manque d'eau pour la végétation, jouer un rôle bioclimatique appréciable, etc. ;
  • en diminuant les longueurs de ruissellement, elle limite les concentrations en polluants et joue un rôle bénéfique pour la protection des milieux aquatiques ;
  • en favorisant les espaces verts elle joue un rôle bénéfique dans la renaturation de la ville, à la condition qu'elle s'intègre dans une logique urbaine réelle ; elle permet par exemple de compléter l'approche trame verte et bleue planifiée par une approche ponctuelle fonctionnant par accumulation en "pas japonais" au fur et à mesure des opportunités foncières et des mutations urbaines.
  • en mettant en scène la présence, même provisoire, de l'eau, elle offre des opportunités de création de paysages urbains originaux mixant le végétal et le minéral (figure 4).

Conception

Conception générale

Selon la réglementation, le volume d'eau maximum à stocker provisoirement de façon impérative et à restituer ultérieurement (donc celui pour lequel l'ouvrage est dimensionné) peut être très variable (depuis celui correspondant au volume produit par quelques millimètres de pluie jusqu'à celui produit par une pluie de période de retour 10 ou 30 ans).

Quel que ce soit ce volume maximum obligatoire, donc quelle que soit la taille de l'ouvrage, le volume à gérer pour une pluie particulière sera également très variable selon sa nature (par exemple pluie longue d'hiver ou pluie d'orage courte et très intense) et son importance (hauteur totale précipitée). Il est donc recommandé de concevoir la topographie de la zone de façon à ce que la surface de la zone ennoyée soit dépendante de la sollicitation. Par exemple :

  • diriger l'eau produite par les petites pluies (ou les pluies moyennes) vers une surface réduite, peu mobilisée pour d'autres usages et relativement protégée ;
  • mobiliser la totalité de la surface prévue pour les pluies dimensionnantes (celle qui correspondent au cas le plus défavorable dans le cadre de la réglementation) ;
  • solliciter les espaces situés autour de la zone de stockage proprement dite pour gérer les pluies plus fortes que les pluies dimensionnantes, en évitant les débordements dans les zones à enjeux.


Figure 4 : Ce type d'aménagement permet de construire des espaces intégrant des éléments construits dans des espaces végétalisés (Arcueil RD 127) ; crédit photo ATM.

Ce type d'approche nécessite de travailler très tôt sur la topographie précise des espaces lors de la conception de l'aménagement. Les modalités pratiques de gestion des eaux pluviales doivent être imaginées dès les premières esquisses de plan masse. Ceci concerne particulièrement :

  • la position et la nature des zones qui vont progressivement être en eau selon l'importance de la sollicitation pluvieuse ;
  • les lignes d'écoulement qui vont permettre à l'eau de ruisseler depuis les zones actives (produisant du ruissellement) vers les zones de stockage.

La conception du plan masse et du nivellement global de l'opération d'aménagement ne peut donc pas se faire indépendamment de la réflexion sur la gestion de l'eau, ce qui constitue sans doute l'un des principaux freins au développement rapide de cette solution.

Principes de dimensionnement et choix des dimensions

Le principe de fonctionnement repose sur le stockage provisoire de l'eau, les méthodes à mettre en œuvre sont donc celles présentées dans l'article "Méthodes de dimensionnement des ouvrages de stockage (HU)".

Comme les enjeux et les surfaces d'apport sont souvent relativement peu importants pour ce type de solutions et que l'incertitude principale est, de loin, associée (dans le cas d'un ouvrage infiltrant) à la capacité d'infiltration du sol, la méthode des pluies est souvent suffisante pour le dimensionnement. La méthode des volumes, même sous une forme simplifiée, peut également être utilisée si des abaques sont disponibles localement.

En complément la simulation d'une chronique de pluies représentative est très utile pour comprendre combien de fois dans une année, jusqu'à quel niveau, et pendant combien de temps, la surface va être partiellement ou complètement inondée. Une simulation continue est particulièrement importante si on souhaite utiliser l'évapotranspiration, dont la dynamique temporelle est différente de celle de la pluie, pour permettre la récupération d'une partie de la capacité de stockage.

Comme indiqué plus haut l'évaluation correcte de la capacité d'infiltration du sol constitue le point focal d'un dimensionnement correct.

Réalisation / impacts négatifs potentiels et précautions à prendre

Le risque principal est d'oublier la fonction secondaire associée à la gestion de l'eau de pluie. Ce risque est d'autant plus important que la surface est moins souvent utilisée pour cette fonction. Il est donc utile, même si cela paraît a priori une contrainte, que de l'eau soit régulièrement visible en surface. Dans le cas contraire on risque de voir apparaître sur cet espace des équipements ou des activités inappropriées. On risque également de conduire les utilisateurs de l'espace à faire des aménagements susceptibles de nuire à son fonctionnement correct. Il est également nécessaire que les personnes ou les organismes en charge de son entretien (service public d'espaces verts, organisme mandaté, syndicat de copropriété, voire propriétaire) aient connaissance et comprennent l'utilité et le mode de fonctionnement du dispositif. Sinon ils risquent de considérer la présence transitoire de l'eau comme une nuisance et de vouloir la faire disparaître, par exemple en modifiant la topographie ou en supprimant des éléments de régulation (figure 5).


Figure 5 : L'espace peut être tellement bien intégré et adapté à sa fonction principale que sa fonction complémentaire de stockage provisoire de l'eau risque d'être oubliée ; il est donc nécessaire que de l'eau soit parfois visible en surface pour rappeler cette fonction ; crédit photo GRAIE.

Un risque opposé, principalement pour les espaces publics, est que la fonction d'usage soit insuffisante et que l'espace soit perçu uniquement comme un espace technique et délaissé. Il risque alors de ne pas être respecté avec en particulier une accumulation de macro-déchets extrêmement nuisibles à son aspect et à son image pour les riverains. Des mesures préventives peuvent être mises en œuvre pour prévenir ce risque. Par exemple une végétation arbustive semble moins exposée qu'une herbe rase pour les petits espaces dont la surface est insuffisante pour servir d'aires de jeux. La pose de poubelles et de panneaux explicatifs semble également jouer un rôle positif. La réponse la plus forte consiste cependant à donner une vraie fonction urbaine à l'espace, permettant son appropriation par les riverains, et de lui associer un entretien suffisant (ce qui suppose que cette question ait été traitée dès les phases de conception).

Il est enfin nécessaire, dans le cas d'une surface infiltrante de maintenir la capacité d'infiltration du sol, particulièrement dans la partie basse, la plus souvent sollicitée. Celle-ci peut être altérée soit par le colmatage dû aux apports de matériaux pendant les pluies, soit par un tassement dû par exemple au piétinement. Pour ceci il est nécessaire de faire en sorte que l'eau qui parvient dans la zone basse ait préalablement ruisselé sur une longueur importante, si possible à travers de l'herbe, de façon à ce que l'essentiel des matières en suspension se soient décantées. Il est également utile de faire en sorte de maîtriser les tassements dus au piétinement, par exemple en rendant certaines zones difficiles d'accès (ce qui peut par exemple se faire en mettant en place une végétation arbustive dense) ou en utilisant un revêtement adapté peu sensible au tassement (pavés poreux par exemple) (figure 6).


Figure 6 : Exemple de zone de stockage infiltrante dont la partie basse la plus souvent sollicitée est traitée avec une végétation arbustive limitant les risques de piétinement ; crédit photo : Bernard Chocat.

Vie de l’ouvrage

Au-delà des difficultés évoquées plus haut portant sur un mauvais usage ou le risque de modification des espaces concernés deux points particuliers de la vie de l'ouvrage doivent être pris en considération :

  • la nécessité d'une bonne organisation du chantier évitant en particulier le retour d'engins lourds après la réalisation des terrassements ou le dépôt, à proximité de la zone infiltrante, de matériaux susceptibles de la colmater.
  • la nécessité de considérer que la végétation constitue un élément du vivant soumis à un cycle de vie annuel (l'aménagement doit fonctionner en toutes saisons), mais également à un cycle de vieillissement : les végétaux poussent, grandissent, vieillissent et finissent par mourir ; l'entretien et le renouvellement permanent de la végétation constituent donc des conditions importantes à la bonne durabilité de cette solution d'aménagement.
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