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Contrainte de cisaillement (HU)

De Wikibardig

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Traduction anglaise : Shear stress

Dernière mise à jour : 05/03/2024

Contrainte mécanique appliquée de manière tangentielle à une face d'un matériau ; comme toute contrainte, elle s'exprime sous la forme du rapport d'une force à une surface (voir figure 1).


$ τ = \frac{F}{A} \qquad (1) $

Avec :

  • $ τ $ : contrainte de cisaillement (Pa) ;
  • $ F $ : Force tangentielle à la face (N) ;
  • $ A $ : Surface de la face (m2) ;


Figure 1 : La contrainte de cisaillement appliquée sur la surface $ A $, parallèle à la force $ F $ est égale à $ τ $.

Sommaire

Contrainte de cisaillement à l'intérieur des fluides

Une contrainte de cisaillement se développe sur chaque particule fluide chaque fois que l'on met un fluide en mouvement sur une surface fixe. Celle-ci est due au gradient de vitesse, également appelé taux de cisaillement, qui s'établit à l'intérieur du fluide à partir du fond (également des parois ou des rives) (voir figure 2). Elle est particulièrement importante à proximité de la fine couche laminaires formée au contact des aspérités du fond (radier de canal, collecteur ou canalisation ou substratum rocheux d’un cours d’eau) et/ou de la surface d’un dépôt de particules solides. Ces contraintes de cisaillement provoquent une déformation angulaire du fluide, dont l'importance dépend de sa viscosité (Oms, 2004).


Figure 2 : Le gradient de vitesse qui se développe à partir du fond (ou éventuellement des parois), supposé immobile, est à l'origine de contraintes de cisaillement qui s'appliquent sur toutes les particules fluides ainsi que sur les particules solides présentes dans l'écoulement ou sur le fond ; c'est ce dernier aspect qui nous intéresse le plus dans cet article.

Von Karman a montré que dans un écoulement turbulent sur fond fixe rugueux de grande largeur (pour ne pas avoir à tenir compte des parois), la vitesse variait de façon logarithmique en fonction de la hauteur d'eau (relation (2)) :


$ \frac{u}{u_*} = \frac{1}{K}ln{\frac{h}{h_0}}+B_s\qquad(2) $

avec :

  • $ K $ : constante de Von Karman (sans dimension), dont la valeur est comprise entre 0,36 et 0,42 (normalement 0,41) ;
  • $ u $ : vitesse moyenne du fluide à la hauteur $ h $ (m/s) ;
  • $ h_0 $ : hauteur de rugosité (hauteur assimilée à celle pour laquelle $ u $ devient nulle) (m) ;
  • $ h $ : hauteur dans la veine liquide (m) ;
  • $ u_* $ : vitesse de frottement (m/s) ;
  • $ B_s $ : constante d'intégration fonction du nombre de Reynolds et dont la valeur est comprise entre 6 et 10 selon le type d'écoulement (sans dimension).

Contrainte de cisaillement sur les parois et lien avec les pertes de charge

Considérons un canal de forme quelconque et un écoulement uniforme à surface libre (figure 3).


Figure 3 : Les forces qui s'appliquent sur le volume de contrôle (en bleu) sont le poids, $ W $, les forces de frottement sur le fond et les parois, $ F $, et les forces de pression (qui s'annulent dans le cas d'un régime uniforme).

Dans ce cas, un volume de contrôle est simplement soumis à son poids et aux forces de frottement (il n'y a aucune accélération et les forces de pression s'annulent du fait de la répartition hydrostatique de cette dernière). La composante du poids parallèle à l'écoulement équilibre donc exactement les forces de frottement. On peut donc écrire la relation (3), en projetant ces forces sur un axe parallèle à l'écoulement :


$ F + W_x = 0 \qquad (3) $


La composante $ W_x $ du poids s’exprime par la relation (4) :


$ W_x = ρ.g.L.S.sin(α) \qquad (4) $


Avec :

  • $ ρ $ : masse volumique du fluide (kg/m3),
  • $ g $ : accélération gravitationnelle (m/s2),
  • $ S $ : section mouillée (m2),
  • $ L $ : longueur du volume de contrôle (m),
  • $ α $ : angle entre le fond du canal et l'horizontale.


La surface de frottement, $ A $, est égale au produit du périmètre mouillé, $ P $ (longueur du contact entre le fluide et les parois dans une section mouillée) par la longueur de frottement, $ L $, soit :


$ A = P.L \qquad (5) $

Comme l'angle $ α $ est petit, on peut assimiler $ sin(α) $ à la pente $ I $ du canal et obtenir la relation (6) qui permet le calcul de la contrainte de cisaillement sur les parois ou sur le fond, $ τ_w $ (en assainissement on parle de contrainte de cisaillement au radier) :


$ τ_w = \frac{F}{A} = \frac{ρ.g.L.S.sin(α)}{ P.L} = ρ.g.R_h.I\qquad (6) $


avec :

  • $ R_h $ : rayon hydraulique ($ R_h = \dfrac{S}{P} $) (m) ;
  • $ P $ : périmètre mouillé (m).

Cette relation peut être rapprochée de la formule permettant le calcul des pertes de charge, $ J $ (voir Coefficient de rugosité (HU)), ce qui montre le lien direct entre les deux notions :


$ J = \frac{λ.V^2}{8.g.R_h}\qquad (7) $

Avec :

  • $ λ $ : coefficient de pertes de charge (sans dimension) ;
  • $ R_h $ : rayon hydraulique de la conduite (m) ;
  • $ g $ : accélération de la pesanteur (m/s2) ;
  • $ J $ : pertes de charge par unité de longueur (m/m) ;
  • $ V $ : vitesse moyenne de l'écoulement (m/s).

Cas du régime uniforme

En régime uniforme la ligne d'eau est parallèle au fond et les pertes de charges par unité de longueur sont égales à la pente du radier : $ I = J $. Il existe donc une relation directe entre la vitesse moyenne de l'écoulement et la contrainte de cisaillement au voisinage des parois (relations (8) ou (9)) :


$ V = \sqrt{\frac{8.τ_w}{λ.ρ}}\qquad (8) $


$ τ_w = \frac{λ.ρ}{8}. V^2\qquad (9) $

Généralisation au cas des écoulements graduellement variés

La relation précédente peuvent être généralisées au cas des écoulements graduellement variés.

La seconde relation des équations de équations de Barré de Saint-Venant, issue du théorème d'Euler, traduit la conservation de la quantité de mouvement. En supposant une pente faible et un fluide incompressible, on obtient la formulation suivante (10) :

$ \frac{\partial Q}{\partial t}+\frac{\partial (Q^2/S)}{\partial x}+g.S.\frac{\partial h}{\partial x}=g.S.(I-J)+k.q.\frac{Q}{S} \qquad(10) $

Avec :

  • q : perte ou apport latéral de débit (m3/s) ;
  • $ I $ : pente du canal (m/m) ;
  • $ J $ : pente de la ligne d'énergie ou pertes de charge par unité de longueur (m/m) ;
  • $ k $ : coefficient compris entre -1 et +1 ; avec
  • $ k $ positif si le débit latéral est entrant (apport de quantité de mouvement) et négatif s'il est sortant (export de quantité de mouvement) ;
  • $ k $ proche de 0 si le débit d'apport (ou de fuite) est approximativement orthogonal à $ x $, de façon à ne pas apporter (ou emporter) en même temps une quantité de mouvement, tandis $ k=1 $ suppose que le débit d'apport (ou de fuite) apporte (emporte) avec lui sa quantité de mouvement avec une vitesse égale à celle de l'écoulement principal.

Si on néglige la quantité de mouvement apportée ou emportée par les apports ou les fuites latérales de débit, l'expression se simplifie, et en divisant par S, on obtient la relation classique (11) :


$ \frac{\partial V}{\partial t}+V.\frac{\partial V}{\partial x}+g.\frac{\partial h}{\partial x}=g.(I-J) \qquad(11) $


$ g.I $ et $ - g.J $ correspondent respectivement au poids et à la résultante des forces de frottement.

On peut aussi exprimer ces forces de frottement, parallèlement à l’axe $ x $ d’écoulement, par le produit de la contrainte de frottement au fond et sur les parois :


$ g.J = τ_w.P.dx \qquad(12) $


soit


$ g.J = τ_w\frac{S}{R_h}dx\qquad(13) $


En divisant, par $ ρ.S.dx $, on peut donc écrire


$ - \frac{τ_w}{ ρ. R_h} = - g.J\qquad(14) $

soit :

$ τ_w = ρ.g.R_h.J\qquad (15) $


Relation qui généralise l'équation (6) au cas des écoulements graduellement variés.

A partir de mesures directes, ou d’une modélisation numérique qui permet d’accéder aux valeurs de $ R_h $ et de $ J $, l'équation (15) permet donc d’évaluer rapidement la valeur de la contrainte de cisaillement.

Utilisation en transport solide

Cette contrainte de cisaillement s'applique en particulier sur toute particule ou objet présent dans l'écoulement et conditionne donc le transport solide.

Contrainte de cisaillement et seuil de cisaillement

Si la particule solide est posée sur le fond, elle sera théoriquement mise en mouvement dès que la contrainte de cisaillement, $ τ_w $, deviendra supérieure à une contrainte critique, $ τ_* $, appelée contrainte critique d'entrainement ou seuil de cisaillement. Ce seuil de cisaillement dépend d'une dimension représentative ($ d $) des particules ou, plus généralement,représentative de leur population (par exemple le diamètre médian $ D50 $), ainsi que leur poids déjaugé.

Il est alors possible de savoir si elle atteint ou non la valeur critique de mise en mouvement des particules déposées, en fonction des caractéristiques de celle-ci (Voir Contrainte critique d’entrainement).

La contrainte de cisaillement près du fond, $ τ_w $, dépend de la distribution verticale de la vitesse de l'écoulement, traduite dans le produit $ R_h.J $ et plus précisément de la vitesse près des parois. La formulation des équations (6) ou (15) donne des ordres de grandeur utiles dans la pratique, notamment dans des cas d’écoulements ou de populations de particules relativement homogènes. Elle permet, par exemple, d’expliquer assez bien les transports par « bouffées » à l’occasion des crues plus ou moins brèves en réseau d’assainissement ou dans les cours d’eau, de particules relativement grossières transportées par charriage ou saltation près du fond, en s’appuyant sur des modélisations numériques des écoulements, donnant les valeurs de $ R_h $ et de $ J $ (Degoutte, 2002).

Nota : On considère souvent que le seuil de mise en mouvement vaut aussi pour l’arrêt des particules, ce qui n’est sans doute pas très faux (même si elles s’arrêtent sans doute pour des contraintes moins élevées que celles provoquant leur entraînement).

Contrainte de cisaillement et vitesse de frottement

La contrainte de cisaillement est souvent mise en relation avec une grandeur particulière, homogène à une vitesse, appelée vitesse de frottement (relation (15)) :


$ τ_w = ρ.u_*^2\qquad(16) $


avec :

  • $ u_* $ : vitesse de frottement (m/s) ;
  • $ τ_w $ : contrainte de cisaillement près du fond (N/m2) ;
  • $ ρ $ : masse volumique du fluide (kg/m3).

Limites de l'approche

Cette approche théorique est cependant très difficile à appliquer en pratique, en particulier du fait de la diversité des formes des particules, lesquelles conditionnent la valeur des forces en présence (voir Contrainte critique d’entrainement (HU)) et de la diversité des modes de transport. On se contente donc le plus souvent de modèles empiriques (qui reposent d'ailleurs souvent sur des particules idéalisées, par exemple sphériques), mettant en œuvre l'analyse dimensionnelle, le plus connu étant le diagramme de Shields.

Bibliographie :

  • Degoutte, G. (2002) : Hydraulique, dynamique et morphologies fluviales, appliquées au diagnostic et à l’aménagement des rivières ; Cours à l’ENGREF 258 p. ; Chapitre 2 : Transport solide en hydraulique fluviale, pp. 33-54.
  • Oms, C. (2004) : Localisation, nature et dynamique de l'interface eau-sédiment en réseau d'assainissement unitaire ; Thèse ENPC ; Partie II. Étude du taux de cisaillement en réseau d’assainissement unitaire ; 40p. ; disponible sur https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-00005725/file/partie_II_Cisaillement.pdf

Pour en savoir plus :

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