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Eau et ville (HU)

De Wikibardig

Traduction anglaise : Water and the city

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Dernière mise à jour : 19/10/2022

Cet article a pour objectif de présenter l’ensemble des interactions entre l’eau et la ville et de servir d’introduction à différents autres articles qui détaillent certaines de ces interactions

Une ville est un milieu physique et humain complexe résultant de l'organisation dans l'espace d’un grand nombre de réalisations mises en œuvre au fil du temps par les habitants pour adapter leur lieu de vie aux évolutions du contexte physique, sanitaire, économique, politique, social ou culturel.

Une ville peut être considérée comme un écosystème qui interagit en permanence avec ses hôtes et avec son environnement.

Comprendre ces interactions ne peut se faire sans faire intervenir l’homme ainsi que ses relations à l’eau et plus généralement aux milieux.

Cet article s’intéresse par conséquent tout d’abord à l’histoire des relations entre l’eau, l’homme et la ville. Comprendre cette histoire est en effet nécessaire pour comprendre comment la ville s’est construite en lien et/ou en opposition avec l’eau, et donc comment, aujourd’hui, elle doit vivre avec l’eau. Cette approche historique permet en particulier de mieux identifier les différents enjeux actuels. Ces enjeux ne seront cependant pas développés ici, mais dans des articles complémentaires, en particulier :

  • « La ville et son assainissement (HU) » qui s’intéresse aux moyens techniques et organisationnels mis en œuvre pour rendre la ville saine et agréable à vivre ;
  • « Aménagement urbain et gestion des eaux pluviales (HU) » qui traite des moyens techniques et organisationnels mis en œuvre pour gérer les eaux précipitées sur la ville, et en particulier des liens entre ces moyens et l’aménagement urbain ;
  • « Aménagement des rivières et des plans d'eau urbains (HU) » qui s’intéresse à la question de l'intégration et de la valorisation dans le milieu urbain des hydrosystèmes, cours d’eau et plans d’eau ainsi que leurs abords ;
  • « Réduction des risques d'inondation » qui traite des moyens mis en œuvre pour continuer à vivre en ville malgré le risque toujours présent constitué par les excès d’eau ;
  • « Hydrologie urbaine (HU) » qui traite des aspects scientifiques de la question.

Sommaire

Éléments d'historique

L'eau et la ville : une histoire très ancienne

Des villes structurées par l’eau

Les relations entre l’eau et la ville sont loin d’être symétriques. À l'aune des temps géologiques, l'eau n'a rien à faire de la ville qui n’existe pas encore, alors que la ville, dès que son apparition est attestée dans les temps anciens, est créée en fonction de l’eau dont elle a besoin pour fonctionner et pour que ses habitants vivent.

Le relief est sans doute l’un des éléments les plus marquants dans l’organisation et la structuration des villes. De tout temps l’homme a cherché à l’utiliser au mieux, que ce soit pour se protéger des agresseurs, pour contrôler un point de passage stratégique, pour profiter de microclimats (ensoleillement, protection contre le vent, exposition, etc.), ou pour bénéficier et exploiter plus facilement une ressource.

Or, le réseau hydrographique naturel est à la fois un élément important du relief et porteur de nombreuses ressources utilisables par l’homme : alimentation en eau, irrigation et abreuvement du bétail, pêche, énergie hydraulique, extraction de matériaux de construction, etc. Il permet également le transport des biens et des personnes et l'évacuation des déchets. La conséquence en a été que la plupart des villes, dès l’époque protohistorique, se sont installées à proximité immédiate d'une rivière ou d'un fleuve.

La topographie du site et l'alternance de vallées, de pentes et de plateaux s'avèrent aussi déterminantes dans l'organisation de la ville :

  • alternance de "bas quartiers", souvent lieux publics utilisés temporairement ou lieux d'habitation pour les populations les plus défavorisées, et de "hauts quartiers", dominant la ville au sens propre comme au sens figuré ;
  • spécialisation des espaces imposés par leur situation ;
  • organisation du développement le long des lignes fortes du relief ;
  • etc.

Cette influence historique du relief et du réseau hydrographique naturel va se poursuivre au fil du temps, y compris au XIXème siècle lorsque les réseaux modernes d’alimentation en eau potable et d’assainissement vont se constituer. Elle pèse encore très fort sur l’organisation de nos villes actuelles.

Une relation fortement conditionnée par la perception de l’eau par l’homme

Si les interactions entre la ville et l'eau peuvent pour la plupart être considérées comme pérennes, la perspective historique permet de repérer les infléchissements qui se sont produits dans l'importance que les hommes leur ont accordée au cours du temps (Carré et Deutsch, 2015). Par exemple, l'importance portée à la qualité du milieu aquatique est une « invention moderne » (Barles, 1993), bien que la ville se soit toujours accommodée d'envoyer ses déchets dans la rivière proche, d’où les nombreux « Merdanson » et autres « Merderon » dans la dénomination des petits cours d’eau urbains.

L’évolution des points de vue peut également être conditionnée par les évolutions technologiques. Le transport fluvial en constitue un exemple. La rivière sert toujours à transporter les marchandises dont la cité a besoin mais la part prise aujourd'hui par le transport fluvial dans l'approvisionnement des citadins est, malgré un certain regain d’intérêt depuis quelques décennies, en grande diminution par rapport à d'autres époques au profit d’autres modes.

Enfin, dans notre environnement actuel, il ne faut pas négliger non plus des aspects très divers de contexte général qui peuvent également avoir une influence forte sur notre sujet. Citons à titre d’exemple le dérèglement climatique, la diminution des budgets disponibles dans les collectivités territoriales, la nouvelle sensibilité des habitants à la nature en ville et en particulier à la qualité de l’eau, permettant par exemple de faire réapparaitre des usages anciens comme la baignade, ou l'apparition de nouveaux échelons institutionnels, en l'occurrence l'Union européenne et les intercommunalités.

Enfin cette relation est duale. Si la façon dont les hommes perçoivent l’eau conditionne les moyens qu’ils mettent en œuvre pour la gérer ou pour aménager leurs lieux de vie, la façon dont la ville se développe modifie aussi leur perception de l’eau.

Une relation qui oscille entre harmonie et négligence

Les villes se développent autour de l’eau mais différemment selon les époques historiques, selon les contextes géographiques et selon la perception que les hommes ont de l’eau et de la nature. En caricaturant, deux types de relations extrêmes sont souvent formulés pour décrire cette dualité (Carré et Deutsch, 2015) :

  • soit les hommes essaient de vivre avec la nature et les relations entre la ville et l’eau sont elles-mêmes harmonieuses ;
  • soit les hommes pensent pouvoir dominer la nature et aménagent la ville contre l’eau, ce qui peut provoquer des catastrophes.

On imagine bien sûr que c’est la deuxième relation qui a prévalu depuis la révolution industrielle et que pendant plus d’un siècle les urbains ne se sont plus préoccupés du fonctionnement du cycle de l’eau ni des éléments naturels associés (faune et flore), ce qui les a conduits à faire des erreurs (artificialisation des cours d’eau, assèchement et comblement des zones humides) que nous avons aujourd’hui la tâche de réparer (figure 1).


Figure 1 : Certaines villes ont complétement tourné le dos aux rivières qui les traversent comme pour nier sa présence ; crédit photo : Bernard Chocat.

La vérité est bien sûr plus nuancée. Les relations n’ont jamais été complètement harmonieuses ou au contraire entachées d’une absence totale de rationalité ou d’intelligence. En fait, cette dualité s’est conjuguée de façon différente selon les époques, selon les moyens, les besoins et les représentations de la relation à l’eau et à la nature.

Les grands enjeux liés à l'eau qui ont structuré les villes

Plutôt qu’une approche historique chronologique, nous suivrons ici une logique de présentation articulée autour des différents enjeux liés à l’eau. Cette approche nous permettra d’analyser la façon dont le traitement de ces enjeux a progressivement structuré la ville.

L’alimentation en eau

Disposer d’une ressource en eau pérenne et de qualité est bien sûr l’enjeu le plus vital pour toute organisation humaine. Toutes les civilisations ont ainsi dépensé des trésors d’inventivité et fait des efforts importants pour satisfaire ce besoin. On considère d’ailleurs aujourd’hui que beaucoup de civilisations ont disparu du fait de l’épuisement de la ressource en eau dont elles dépendaient.

Figure 2 : tuyau d'adduction d'eau de l'époque minoéenne ; crédit photo : Bernard Chocat.

Que ce soit à Angkor, à Pétra, en Crête ou partout dans l’empire romain, des aménagements gigantesques ont ainsi été réalisés pour transporter ou conserver l’eau (figure 2). Ces aménagements ont souvent en commun d’établir un lien entre la ville, lieu où se concentrent les personnes et les activités, et des milieux plus préservés où des réserves sont disponibles. En ce sens il s’agit d’un premier lien fort entre la ville et la nature qui doit être préservée pour assurer la survie de la ville.

Le besoin de gérer l’alimentation en eau a également beaucoup pesé sur l’architecture et l’organisation des cités (figure 3). La mise en place de terrasses pour stocker l’eau de pluie ou l’organisation d’impluvium pour alimenter les citernes structurent encore beaucoup de villes autour de la Méditerranée. La présence de fontaines constitue aussi un patrimoine témoin des différentes époques traversées par la ville.

Un autre aspect de l’alimentation en eau concerne l’irrigation. Les premières villes étaient très liées à leur environnement agricole immédiat et elles se sont progressivement développées aux dépends de cet environnement. On retrouve ainsi la trace, dans le plan de beaucoup de villes, des anciens découpages agricoles, eux-mêmes souvent liés aux contraintes de l’irrigation. Un exemple frappant est celui du Caire dont le schéma viaire de certains quartiers suit très exactement la trace des canaux d’irrigation de l’époque pharaonique.


Figure 3 : En France métropolitaine où l'eau est abondante et où il est partout facile d'accéder à une ressource de qualité, on oublie souvent qu'il s'agit, dans beaucoup d'endroits, d'une ressource rare et précieuse ; crédit photo : Bernard Chocat.

Plus récemment, dans les villes des pays développés, la généralisation des réseaux d’alimentation a offert à tous les citadins un accès simple et peu coûteux à une eau de qualité garantie. L’efficacité de ce service leur a progressivement fait perdre conscience de son importance cruciale.

La réduction des risques d'inondation et des nuisances liées à l’eau

Du fait de la localisation fréquente des villes à proximité immédiate des rivières et des fleuves, la connaissance des crues, et la nécessité de se protéger contre leurs conséquences sont très tôt apparues comme essentielles.

Le mythe du déluge est ainsi partagé par presque toutes les civilisations quel que soit le climat sous lequel elles se sont développées (Clark, 1983). Celui-ci semble lié au caractère fortement aléatoire et destructeur des inondations. Les Égyptiens, soumis aux crues régulières du Nil, considéraient ces dernières comme un bienfait, et leur civilisation est l'une des rares où ce mythe n'a pas existé.

Dès le troisième millénaire avant notre ère, les premiers établissements urbains en Inde montrent que la réflexion sur la protection des villes contre le danger des inondations est déjà relativement avancée. Sur le site de Mohenjo-Daro, dans la vallée de l’Indus, au Pakistan actuel, des bassins stockent les eaux pluviales en amont de la ville qui se trouve au milieu d'un cirque collinaire, et les restitue ensuite pour la consommation urbaine. Exemple ancien de ce qu'on retrouve aujourd'hui, c'est-à-dire le double objet des installations de rétention des eaux pluviales.

Un autre moyen de se protéger des inondations, utilisé très tôt, est l'endiguement de la rivière et l'exhaussement progressif de la ville. Ce dernier est un phénomène permanent, les couches successives de bâtiments s'érigeant sur les restes des couches précédentes. Cet exhaussement du sol, s'il permet d'assainir et d'ouvrir à l'urbanisation de nouveaux quartiers, présente cependant des inconvénients : il supprime des zones d’expansion des crues et il réduit souvent les capacités d’écoulement des rivières. Il s'agit donc d'un combat permanent, qui ne sera jamais véritablement gagné, la plupart des villes restant encore vulnérables aux crues des rivières qui les traversent.

La protection contre les agresseurs

Le besoin de protection contre les animaux sauvages ou contre des ennemis humains est également présent dans les relations entre l’eau et la ville. Il se manifeste dans le choix des lieux d’implantation des villes, utilisant le relief et la présence de l’eau pour se protéger, puis ultérieurement, par la réalisation de moyens artificiels de défense, comme, par exemple les fossés et les douves dans les villes moyenâgeuses. Sur un plan plus stratégique, le gué, le pont ou le port sont souvent des points de passage obligés pour traverser la rivière, donc des lieux propices au commerce, à l'acquittement de droits de passage ou au contrôle du territoire.

La présence d’un rempart et d’un fossé entourant la ville se lit aujourd’hui encore très clairement dans le plan de beaucoup de villes, ces espaces ayant souvent, par exemple, été transformés en boulevards périphériques circulaires.

L’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées

De même, les problèmes posés par l'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales sont aussi vieux que les villes, un lien ayant rapidement été établi entre la stagnation de l'eau sale et le développement des épidémies. Des solutions ont été trouvées à toutes les époques et sur tous les continents (Dupuy et Knaebel, 1982).

A Fostat, première capitale arabe de l'Égypte, des fouilles ont permis de découvrir des fosses d'aisance dans les maisons datant des premiers siècles de notre ère. Leur contenu était probablement vendu aux maraîchers comme fumier. A Rome, le début des travaux de construction du Cloaca maxima recueillant des eaux de drainage des marécages des parties basses de la ville, ainsi que ses eaux usées et pluviales pour les conduire vers le Tibre est attribué par Tite-Live à Tarquin l’ancien vers 600 av. J-C. A Byzance, les habitations étaient munies de latrines et les égouts faisaient l'objet d'une réglementation leur imposant d'aboutir à la mer. Que ce soit dans la civilisation de l'Indus, dans les civilisations pré-colombiennes ou dans les civilisations méditerranéennes, on trouve dans les villes tout ou partie d'un système d'évacuation des eaux urbaines qui sera systématisé beaucoup plus tardivement dans les villes occidentales : un réseau d'égouts fonctionnant par gravité (figure 4).


Figure 4 : Schéma d'assainissement d'une ville minoenne ; crédit photo : Bernard Chocat.

Cette stratégie à une conséquence importante. Lorsque la ville se développe en s’éloignant progressivement de la rivière, les eaux qu’elle produit s’écoulent naturellement par gravité vers la rivière, c’est-à-dire vers le centre-ville situé près de la rivière, autour du port, du pont et du gué. Ce sont donc souvent les centres des villes qui seront les plus exposés aux inondations, que ce soit par débordement de la rivière ou du fait du ruissellement et/ou des écoulements venant des quartiers périphériques ou plus élevés.

La production d’énergie

L’eau c’est aussi l’énergie. Les roues activées par l’eau ont pendant longtemps constitué l’un des outils les plus précieux, bien sûr pour moudre, mais également pour faire tourner un grand nombre de machines. Il nous en reste aujourd’hui un énorme patrimoine de seuils et de biefs qui modifient en profondeur le fonctionnement du réseau hydrographique. La question de l’utilité de ces seuils et de la nécessité ou non de les supprimer divise. A une vision écologique, désireuse du retour à un état plus proche des conditions naturelles, s’oppose une vision patrimoniale, fortement enracinée au plan local, qui souhaite conserver ces traces de son histoire. Ce débat illustre la difficulté de définir un état de référence incontestable auquel il faudrait revenir.

Plus récemment ce sont des barrages de plus en plus importants qui ont été construits et qui ont barré la plupart des cours d’eau. Même si ce n’est pas leur fonction unique, ces barrages ont souvent un objectif de production d’énergie hydro-électrique, ou de refroidissement de réacteurs nucléaires, considérés comme une ressource essentielle à une époque où il est nécessaire de décarboner notre production d’énergie.

L’activité industrielle

L’industrie du tissu, principale activité technique des villes pendant de nombreux siècles, dépend fortement de l’eau et de sa qualité. Le cardage de la laine nécessite une eau très pure alors que les industries de la toile, du papier ou du cuir utilisent la putréfaction et la fermentation pour transformer la matière première. La ville s’équipe en canaux et se structure en quartiers spécialisés qui s’échelonnent entre l’amont et l’aval de la cité (Manéglier, 1991).

La ville moyenâgeuse est totalement liée à l’eau, qui est présente partout. Dans beaucoup des villes d’Europe de l’ouest la densité de canaux est voisine de, ou supérieure à, celle de Venise aujourd’hui. Ces canaux sont restés des espaces publics qui structurent l’espace urbain. Ils sont souvent devenus des rues mais gardent la mémoire de leur passé humide. En cas d’inondation, c’est eux qui sont en première ligne. Encore aujourd’hui, habiter rue des tanneurs ou impasse de la draperie peut s’avérer plus risqué qu’ailleurs.

Très tôt dans l’histoire des villes, les rejets de polluants peu dégradables, en particulier les résidus de traitement des métaux, vont commencer à perturber les milieux aquatiques. Ce problème va s’exacerber au moment de la révolution industrielle et sa résolution est aujourd’hui difficile.

Les transports

Également pendant de nombreux siècles le réseau hydrographique a constitué le principal moyen de transport des marchandises. Les rivières, y compris les plus petites, étaient aménagées pour permettre le passage de petits bateaux à fonds plats. Même si le temps et les crues ont souvent dévasté une partie importante de ces aménagements il en reste encore des traces : chemins de halage et servitudes de passage, canaux, endiguement, seuils destinés à maintenir un niveau minimum dans les biefs, écluses, cales pour accéder à l’eau, quais, etc.

L’eau plaisir

L’eau c’est dans l’imaginaire des hommes, mais aussi dans leur vie quotidienne, un élément agréable sous de multiples aspects : maintien de la fraicheur en été ; animation des paysages urbains ou plus naturels ; dimension symbolique ou de soins médicaux ; etc. (figure 5). La civilisation romaine, et de façon plus large toutes les civilisations autour de la Méditerranée, ont ainsi développé un patrimoine considérable d’aménagements divers associés à cette fonction plaisir et toutes nos villes conservent un grand nombre de fontaines décoratives, de bains ou de thermes.


Figure 5 : Les plaisirs associés à l'eau sont multiples ... ; Source : "Brèves de comptoir", Tome 5 ; Jean Marie Gourio.

L’eau dans la ville d’aujourd’hui et de demain

Les impacts de la ville sur le cycle de l'eau

Si l’on utilise la définition de l’Insee (voir : https://www.insee.fr/fr/information/2115011), en 2020 environ la moitié du territoire métropolitain français est couverte par des aires urbaines. La notion d’aire urbaine est bien évidemment beaucoup plus large que celle de ville dans le sens usuel. Elle correspond cependant à des territoires où la densité de population, d’aménagement et d’activités est beaucoup plus grande que dans une zone naturelle ou rurale. On comprend donc aisément que les impacts de l'urbanisation sur le cycle de l'eau soient nombreux (Marsalek et al, 2009). Ils sont illustrés sur le schéma de la figure 6.


Figure 6 : Impacts de l'urbanisation sur les milieux aquatiques, repris d'après (Carré, 2015)].

Parmi tous ces impacts, cinq principaux sont développés ci-après.

L'imperméabilisation des sols

L'une des conséquences les plus visibles de l'urbanisation est l'imperméabilisation des sols qui limite très fortement les possibilités d'infiltration de l'eau. Il s'agit d'un phénomène relativement récent. Il s’est développé surtout à partir des années 1950 et continue à s’accélérer. En France métropolitaine, par exemple, la surface imperméabilisée totale est passée de 20 000 km² en 1990 à près de 33 000 km² en 2020 (Loisier et Petel, 2020).

Ce phénomène entraîne en premier lieu une augmentation des volumes d'eau ruisselés. Cet élément est souvent mis en avant pour expliquer les inondations urbaines. Cependant, si l'accroissement du ruissellement est très sensible pour les événements pluvieux fréquents, voire pour les événements correspondant aux périodes de retour prises en compte pour le calcul des systèmes d'assainissement pluviaux (de l'ordre de 10 ans), il n'est pas déterminant pour les événements exceptionnels. En effet, la capacité d'infiltration de la plupart des sols naturels dès qu’ils sont saturés, en l'absence de couvert forestier dense, ou à l'exception de terrains très sableux, est très inférieure aux intensités que l'on peut rencontrer lors d'événements pluvieux exceptionnels. Ainsi, dans ce type de situation, les terrains non revêtus donnent souvent lieu à des volumes ruisselés spécifiques (volume ruisselé par unité de surface) qui tendent vers ceux des sols imperméables.


Figure 7 : L'un des exemples les plus remarquables de subsidence peut s'observer à Mexico où la cathédrale s'est affaissée de plus d'un mètre sur son aile situé au dessous d'un ancien lac sous lequel la nappe phréatique a été surexploitée et non réalimentée du fait de l'imperméabilisation des sols ; crédit photo : Bernard Chocat.

Une autre conséquence non négligeable de l'imperméabilisation des sols réside dans un manque de réalimentation des nappes souterraines, en particulier dans les zones en cours d’urbanisation. Ce phénomène peut d'ailleurs être accentué en cas de pompages dans la même nappe pour les usages domestiques et industriels. En plus de l'effet direct de diminution de la ressource en eau et d’altération des conditions de développement de la végétation, la baisse du niveau de la nappe est susceptible d'entraîner des affaissements du sol (qui peuvent, dans les cas extrêmes atteindre plusieurs mètres) ou à l’amplification des effets de gonflement et retrait des argiles, susceptibles de déstructurer les immeubles (figure 7). Dans ce cas aussi l’imperméabilisation des sols accentue les effets du dérèglement climatique.

L'accélération des écoulements

La deuxième conséquence directe de l'urbanisation ou de l'aménagement des espaces périurbains, bien que moins évidente, est sans doute beaucoup plus déterminante dans l'augmentation des risques d'inondations. Elle consiste en un accroissement des vitesses d'écoulement, entraînant, même à coefficient de ruissellement constant, une augmentation considérable des débits de pointe. Cet accroissement des vitesses d'écoulement est dû, dans les zones urbaines, au remplacement d'un réseau hydrographique naturel, parfois non permanent, utilisant des cheminements sinueux, assez encombrés, peu pentus, par un réseau d'assainissement souvent surdimensionné dans ses parties amont, au tracé direct pour en limiter la longueur, et doté d'une pente confortable pour diminuer son diamètre (donc son coût) et limiter son ensablement. Il est également dû, dans les zones périurbaines, au drainage des sols et au recalibrage des ruisseaux et des fossés. Ce recalibrage, souvent présenté comme un moyen sûr de lutter contre les inondations, a souvent eu comme origine l'urbanisation du lit majeur du ruisseau, zone naturelle d'expansion de la crue, et donc régulatrice du débit à l'aval.

Sous l'effet conjugué de toutes ces actions, certains bassins versants peuvent voir leur temps de réponse divisé par un facteur de l'ordre de cinq à quinze. La diminution du temps de concentration a deux conséquences. En premier lieu, pour une même pluie et pour un même volume ruisselé, elle augmente le débit de pointe du fait du raccourcissement de la durée de l'hydrogramme et de la diminution de son amortissement. En second lieu, elle rend le bassin versant sensible à des événements pluvieux de durées plus courtes, donc plus intenses et produisant des débits spécifiques plus importants. Au total, la réduction du temps de réponse peut conduire à une multiplication du débit de pointe spécifique par un facteur allant de cinq à cinquante (Desbordes, 1989).

Rappel : la pluie théoriquement la plus pénalisante pour un bassin versant homogène est celle dont la durée est égale à son temps de concentration. En effet si la durée de la pluie est plus courte, la totalité de la surface du bassin versant ne contribue pas en même temps au débit à l'exutoire ; à l'opposé plus la durée de la pluie augmente, plus son intensité moyenne diminue pour une période de retour donnée.

Les obstacles à l'écoulement créés par l'urbanisation

L'urbanisation, y compris dans les zones périurbaines, s'accompagne toujours de la mise en place d'un réseau de routes et de rues. Les plus importantes (autoroutes, rocades, boulevards périphériques, etc.) sont souvent construites en surélévation par rapport aux terrains naturels qui les bordent, pour les mettre un peu plus hors d’eau. Parfois, elles sont au contraire en tranchée. Ces voies de circulation superposent au relief naturel un "relief" artificiel qui, notamment dans les zones peu pentues, peut modifier considérablement l'écoulement des eaux superficielles :

  • lorsqu'elles sont perpendiculaires à la pente, et donc aux lignes d'écoulement naturel de l'eau, elles constituent de véritables digues, "forçant l'écoulement des eaux accumulées vers des passages obligés, généralement placés sur des cheminements naturels significativement apparents (lits de ruisseaux, talwegs importants, etc.)" [Desbordes, 1989]. Elles peuvent même, dans certains cas, et sur des secteurs à relief peu marqué, modifier de façon importante la délimitation des bassins versants.
  • lorsqu'elles sont dans le sens de la pente, elles peuvent devenir de véritables canaux, souvent rectilignes, parfois pentus, et toujours de faible rugosité en regard d'un bief naturel. Les écoulements peuvent alors atteindre des vitesses très grandes provoquant des effets dévastateurs comme ce fut le cas à Nîmes en octobre 1988.

L'artificialisation des rivières urbaines ou des cours d’eau traversant la ville

Aux premiers siècles de notre ère, des travaux d'endiguement, d'élargissement et de rectification des cours d'eau en ville sont déjà en partie conçus et réalisés, par exemple le Tibre dans la traversée de Rome. A partir du milieu du XVIIIe siècle en Europe, ces aménagements se développent assez largement. Les rivières les plus modestes sont busées, canalisées ou enterrées. Les plus importantes se retrouvent enserrées entre des quais hauts ou des digues qui les isolent complètement de la ville (figure 8). Cette évolution se poursuit jusqu'à la première moitié du XXe siècle, et les cours d'eau urbains ne sont plus considérés que comme des "égouts virtuels" ou de fait. Après la première Guerre mondiale, et surtout après la deuxième, la croissance urbaine s'intensifie encore et vient de plus en plus fréquemment occuper l'espace vital des cours d'eau.

Le résultat de cette évolution est double :

  • busés, canalisés, cachés, les cours d'eau urbains ont progressivement été oubliés des citadins qui n'en perçoivent plus que les nuisances ;
  • enserrés dans un corset trop étroit, les cours d'eau urbains ont perdu toute possibilité "naturelle" d'épanchement de leurs trop-pleins en cas de crue.


Figure 8 : Avant leur réhabilitation, les quais du Rhône transformés en parking à Lyon ; crédit photo : Bernard Chocat.

Les conséquences peuvent devenir catastrophiques : la ville, correctement protégée tant que le niveau de l'eau reste inférieur à celui des digues, se trouve brusquement submergée si la crue augmente, ou quand les digues, dont l'entretien a été négligé, cèdent. La population, n'étant plus habituée à la présence de l'eau, découvre alors sa vulnérabilité accrue : installations sensibles (standards téléphoniques, transformateurs électriques, centraux de télécommunication, locaux informatiques, salles d’opérations des établissements hospitaliers, etc.) situées dans les sous-sols ; parkings souterrains ; stocks importants de marchandises fragiles en rez-de-chaussée ; grande flottabilité des véhicules, inexpérience des citadins, etc. Tout se conjugue pour transformer la crise en catastrophe.

Sur un plan écologique, l'artificialisation des rivières n'est pas non plus sans conséquences. Un cours d'eau est en effet un milieu vivant qui doit être considéré dans sa dynamique : la succession de crues et d'étiages, le transport solide, les transformations du lit, la diversité des habitats (nature des berges, largeur du lit, vitesse de l'eau, profondeur de la rivière, etc.) ainsi que la présence de granulats sont indispensables à son équilibre. Par ailleurs un cours d'eau ne peut pas être séparé de son environnement : le bassin versant qui l'alimente, les ripisylves et habitats naturels de ses berges et de son lit majeur, le substrat avec lequel il est en échange permanent (nappe alluviale), conditionnent totalement son évolution et son fonctionnement. Il est donc très préjudiciable de couper la rivière de son environnement immédiat, de régulariser son lit ou son régime. Enfin, l’extraction très forte de granulats dans le lit mineur des cours d’eau à proximité des villes, de 1950 au milieu des années 1990, et la suppression de l'alternance de zones calmes d’écoulement et de zones courantes limite ou perturbe les possibilités de sédimentation et de ré-oxygénation, moyens naturels d’élimination des polluants.

La pollution des milieux récepteurs

La dernière conséquence importante de l'urbanisation est l'augmentation de la pollution des milieux récepteurs. Certes, les rejets urbains ne sont pas les seuls en cause : l'agriculture et l'industrie ont également une lourde part de responsabilité. Malgré tout, les conséquences des rejets urbains sont extrêmement lourdes, particulièrement sur les eaux de surface, pour les raisons suivantes :

  • ils représentent, pour certains polluants, la part essentielle des rejets ;
  • ils sont très concentrés en un nombre relativement limité de points, donc plus facilement identifiables que les rejets agricoles beaucoup plus diffus (figure 9) ;
  • les portions de rivières, de littoral, ou les lacs qu'ils affectent sont bien évidemment ceux qui sont situés à proximité des plus grandes concentrations de populations, donc ceux possédant la plus grande valeur d'usage (même si elles n'ont généralement pas la plus grande valeur écologique). Voir Impact (des rejets sur les milieux récepteurs).


Figure 9 : rejets urbains dans une rivière ; crédit photo : Patrick Savary.

Même si l'on observe depuis quelques années en Europe une volonté affirmée de reconquête de la qualité des milieux aquatiques, le combat est très loin d'être gagné. Si le contrôle des rejets urbains de temps sec est presque acquis au regard des paramètres carbonés, azotés et phosphorés, celui du rejet des micropolluants (notamment perturbateurs endocriniens) nécessitera des efforts beaucoup plus considérables du fait de la nature de ces substances et de leur forme physico-chimique. De plus le contrôle des rejets urbains de temps de pluie s'avère également très compliqué du fait des volumes d'eau et des masses de polluants en jeu.

La maîtrise de la qualité des ressources en eau constitue également un enjeu majeur pour les pays en développement, enjeu qui implique le développement de solutions efficaces pour gérer les eaux usées et les déchets.

Les moteurs actuels de l'évolution des enjeux

Les enjeux évoqués au paragraphe précédent et qui ont structuré les villes sont bien évidemment toujours d’actualité. En ce début de XXIème siècle, ils doivent cependant être reformulés pour s’adapter à différentes évolutions du contexte, de nature physique, économique, sociale ou politique. Les principaux sont présentés dans les paragraphes suivants.

Le dérèglement climatique

Le dérèglement climatique a des conséquences multiples, variables selon les lieux, qui vont peser sur le cycle hydrologique, la qualité des écosystèmes aquatiques ou le fonctionnement des villes. Les conséquences les plus immédiates sur le cycle hydrologique seront :

  • Une évolution de la pluviométrie, positive ou négative selon les régions, et une modification de la répartition des pluies au cours de l’année, avec en particulier une plus grande irrégularité provoquant une alternance de périodes de sécheresse et de précipitations intenses ;
  • Une diminution de l’enneigement des massifs montagneux et une fonte accélérée des glaciers.

Ces évolutions modifieront le régime des cours d'eau avec en particulier :

  • Une augmentation de la fréquence et de la gravité des crues violentes ;
  • Une augmentation de la fréquence, de la durée et de la sévérité des périodes d'étiage ;

La ville va donc devoir faire de nouveaux efforts pour se protéger à la fois contre les excès en eau, mais aussi contre sa rareté, alors même qu’elle en aura un plus grand besoin, en particulier pour lutter contre des crises caniculaires de plus en pus fréquentes, longues et intenses.

Le nouvel équilibre entre les acteurs de la ville et les acteurs de l’eau

Le territoire de la ville recouvre rarement le territoire de l’eau. Même si la création des agences financières de bassin en 1964, devenues depuis les Agences de l'eau, constituait une avancée notable, cette réalité est restée pendant longtemps très gênante pour mettre en œuvre une gestion véritablement intégrée de l’eau à l’échelle d’unités hydrographiques cohérentes, en général des bassins versants. La question était d’autant plus difficile que les acteurs de la ville étaient eux-mêmes nombreux, de même que ceux de l’eau.

Les évolutions réglementaires récentes, en particulier associées aux nouvelles responsabilités attribuées à des structures supra-communales modifient cet état de fait et permettent d’envisager une gestion plus cohérente et intégrée de l’eau dans la ville.

Le retour de l’eau à la surface des villes

Un retournement d’opinion a commencé à s’opérer dans les années 1970 contre l'enterrement des cours d’eau ou leur artificialisation. Il a conduit à une réflexion sur la réouverture et la renaturation des petits cours d'eau urbains ainsi que sur la renaturation ou l’aménagement des berges des cours d’eau plus importants (figure 10). De leur côté, les services d’assainissement, conscients de la difficulté grandissante à gérer les eaux de ruissellement par des tuyaux, ont commencé à s’intéresser à des solutions alternatives visant à stocker l’eau de pluie localement, si possible en surface, et, quand c’était possible, à l’infiltrer. Ils ont ainsi été petit à petit amenés à faire intervenir dans leur réflexion le maintien ou le développement de la biodiversité, la création d’espaces verts ou la climatisation de la ville.


Figure 10 : De plus en plus de collectivités réaménagent les petites rivières qui les traversent ; crédit photo : Bernard Chocat.

La montée des préoccupations vis-à-vis des inondations

La prise de conscience des erreurs d’appréciation des dommages dans les choix d’urbanisation est, elle aussi, récente. Dans les zones inondables par débordements des cours d’eau, une grande partie des constructions a été autorisée après-guerre dans les lits majeurs ; quant aux effets du ruissellement, ils sont encore souvent méconnus des élus et des services techniques communaux. Pourtant, les dommages dus aux inondations fluviales et pluviales représentent la principale dépense publique au titre des catastrophes naturelles. Le renforcement des politiques de prévention des inondations, nationale dans les années 1980-1990, européenne avec la directive relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation du 23 octobre 2007, vise d’abord les villes, lieux de concentration des hommes, des activités et des biens.

Au début du XXIème siècle, la multiplication de catastrophes, en particulier dans le sud de la France, a fait de ce sujet un élément central d’aménagement du territoire qui contraint ou réoriente fortement les élus et les aménageurs dans leurs projets de développement.

Le partage de l’eau et sa marchandisation

Le risque de pénurie d’eau, même dans un pays bien pourvu en ressources comme la France, exacerbe les questions sur son partage entre les différents usages. Quels usages les préfets doivent-ils privilégier lorsqu’ils prennent des arrêtés sécheresse ? Est-il logique que les autres pays riverains de la méditerranée perçoivent comme un gâchis le fait que le Rhône rejette autant d’eau douce en été alors qu’ils en manquent pour des besoins essentiels ?

Certains États, comme l’Australie, ont fait le choix de faire de l’eau un produit commercial comme un autre en comptant sur les lois du marché pour prioriser les usages. A la fin de l’année 2020, les contrats de fournitures d’eau ont été inscrits au NASDAQ en Californie, ouvrant la voie à une spéculation sur la valeur de l’eau fournie. L’eau sera-t-elle effectivement l’or bleu du XXIème siècle ?

Une telle évolution est-elle possible en France ? A priori non pour le moment. Le Code de l’environnement (Article L210-1), par suite de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 complétée par celle du 30 décembre 2006, stipule que « L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. L'usage de l'eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis. »

Des équipements qui vieillissent et qu’il faudra renouveler, ou construire là où ils n'existent pas

Une bonne partie des réseaux et ouvrages d’eau et d’assainissement des villes françaises ont entre 50 et 100 ans (à l’exception notable des stations d’épuration qui sont généralement plus récentes). Il est donc probable que dans les décennies à venir un effort important de renouvellement sera nécessaire. Comment financer ces investissements alors que le budget moyen actuel est bien inférieur à 1% de la valeur du patrimoine ? Serons-nous capables d'augmenter cet effort alors que la croissance économique stagne et que certains pays comme le Japon sont en décroissance démographique ? Quelle stratégie faut-il développer : le renouvellement à l’identique ou la mise en place de solutions plus déconcentrées, voire individualisées ? Quelles solutions proposer aux pays du Sud ?

Ces questions devront être abordées frontalement et vont conditionner le nouveau contrat qu’il faut passer entre la ville et l’eau. Pour ceci il est tout d'abord nécessaire de penser différemment les relations entre l'eau et l'aménagement urbain.

L'eau et l'aménagement urbain

Cette partie s’intéresse aux aspects spécifique des interactions entre deux politiques publiques : la gestion de l’eau en ce qu’elle concerne le « cycle » urbain de l’eau et l’aménagement urbain. Elle reprend évidemment la grille d’analyse présentée ci-dessus pour la présentation des relations entre l’eau et la ville. Trois approches seront utilisées :

  • la gestion de l'eau en appui de l’aménagement urbain ;
  • l'aménagement urbain au risque de la gestion de l'eau ;
  • les approches multi-fonctionnelles.

La gestion de l'eau en appui de l’aménagement urbain

Les nouvelles approches dans la gestion de l’eau peuvent apporter des solutions susceptibles d'améliorer la qualité de vie. Elles peuvent aussi amener de nouvelles contraintes dont les aménageurs peuvent se saisir pour envisager des solutions originales pour l’urbanisme nouveau. Voir par exemple Bonnet (2016) pour ce qui concerne les risques naturels.

Le contexte réglementaire conduit, depuis une trentaine d’années, à essayer de rapprocher et de rendre cohérentes les règlements concernant l’urbanisme et ceux concernant l’eau. L’objectif est d’arriver à une véritable gestion intégrée de l’eau dans l’aménagement urbain, au service de la rénovation et de la formation de la ville. L’article 121-1 du Code de l’urbanisme, en ce qui concerne précisément l’eau et les milieux aquatiques, appelle à un équilibre entre un développement urbain maîtrisé, une utilisation une utilisation économe et respectueuse des espaces naturels, le maintien de la qualité de l’eau, des ressources naturelles, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, et la réduction des risques naturels prévisibles. Il replace cet équilibre dans les conditions actuelles de la ville et de son évolution, essentiellement la reconstruction de la ville sur elle-même et l’adaptation de l’existant car les constructions nouvelles ne représentent qu’un tout petit pourcentage des villes. L'un des enjeux principaux consiste en effet à limiter l’étalement urbain qui sinon se développe au détriment des terrains agricoles et naturels. Le défi de la réintroduction de l’eau dans la ville est donc d’abord de faire avec le tissu urbain et les usages en place.

Les problèmes posés par l’adaptation au changement climatique tendent aujourd’hui à influencer toutes les politiques urbaines. L’utilisation de l’eau est une des principales solutions proposées, que ce soit pour la mise en œuvre de trames vertes et bleues ou de points verts pour lutter contre les ilots de chaleur. La ville bio-climatique aura besoin d’eau, surtout si elle pratique le stockage des eaux pluviales en toitures terrasses ou l’agriculture urbaine (figure 11).


Figure 11 : Faire mieux coexister l'eau, la nature et la ville constitue un enjeu majeur du XXIème siècle ; Source : Projet EauMéliMélo.

Les années 1970 voient aussi un tournant dans la place que l’eau et les cours d’eau peuvent occuper dans les aménagements urbains. Elles marquent à la fois l’apogée de la dégradation des cours d’eau urbains (qu’il s’agisse de la pollution de l’eau, de la disparition de la faune et de la flore) et la prise de conscience de la nécessité d’enrayer cette dégradation. Vont s’ensuivre des modifications importantes dans les politiques urbaines d’aménagement, les élus, les aménageurs, les services de l’urbanisme remettant les cours d’eau au cœur des stratégies urbaines de développement et assurant un réaménagement des berges au nom d’une nécessité de rendre le fleuve aux habitants.

Si la convergence existe bien entre les préoccupations environnementales des habitants et les modifications des politiques urbaines, il faut garder en tête que les politiques publiques des années 1970 doivent faire face à une perte d’attractivité des centres anciens. Il faut redonner aux piétons l’envie de venir au centre et cela suppose, entre autres, « une diversification des usages sur les berges, des voies sur berges en temps partagé » (APUR, 2010). Parallèlement, les opérations d’aménagement des quartiers à proximité des cours d’eau sont d’abord dues aux opportunités d’opération immobilière dans les centres anciens offertes par des friches urbaines (Paris 13e arrondissement, Lyon Confluence, Île de Nantes).

On constate aussi le rôle central des fleuves dans les stratégies urbaines. Des préoccupations de cohésion sociale et d’intégration spatiale sont mises en évidence. Le fleuve, considéré comme une coupure entre différents quartiers, est transformé en élément principal d’un réaménagement des centres-villes.

De la même façon que les cours d’eau occupent aujourd’hui une place centrale dans les stratégies urbaines pour l’ensemble de l’agglomération, à l’échelle locale la réhabilitation et le réaménagement des berges des fleuves, des canaux ou des bassins portuaires font partie des opérations d’aménagement que l’on retrouve dans de nombreuses villes. Les berges, les canaux, deviennent alors des espaces publics de promenade dont l’usage est négocié avec leur propriétaire (État, collectivités, particuliers).

L'aménagement urbain au risque de la gestion de l'eau

Le développement des technologies de l’assainissement tourne principalement autour de deux axes qui sont :

  • la réduction des risques d’inondation, et,
  • la diminution de l’impact des rejets polluants dans le milieu naturel.

Ces deux groupes de technologies ont toutes les deux des impacts possibles sur l’aménagement urbain.

Si on regarde quelles sont les approches que l’on peut développer en amont, il faut d’abord s’intéresser à la séparation à la source des eaux usées. Du fait de la rareté prévisible du phosphore et de l'azote, des études préconisent la séparation des urines au niveau des toilettes (figure 12). Ceci pourrait se traduire par la mise en place d’une filière qui va modifier assez drastiquement la conception et l’usage des bâtiments.


Figure 12 : Le recyclage de l'urine peut se faire de façon plus ou moins directe ! ; Source : Projet EauMéliMélo.

Considérant les eaux pluviales, la volonté de diminuer leur rejet devrait se traduire par une accélération de la diminution de l’imperméabilisation des sols ainsi qu’à une déconnexion de plus en plus généralisée des eaux en provenance des propriétés. La diminution des rejets d’eau pluviale passe donc par la multiplication des techniques alternatives, c’est dire des techniques de stockage et d’infiltration comme les bassins de retenue à ciel ouvert, ou les jardins de pluie qui impactent évidemment l’aménagement. C’est encore plus évident lorsqu’il faut prendre garde à la pente des voiries pour limiter la vitesse de l’eau de surface en cas d’inondation. Parmi ces techniques qui ne peuvent évidemment pas être réalisées partout, il faut citer les toitures terrasses. Celles-ci, dans leur fonction de stockage, peuvent aussi servir à récupérer les eaux pluviales pour un usage domestique ou industriel (voir récupération des eaux pluviales). Dans ce dernier domaine, le principal obstacle est la réglementation qui fait que certains pays sont en avance sur d’autres. Cependant la loi Économie circulaire du 10 février 2020 a inscrit plusieurs dispositions pour encourager la réutilisation des eaux non conventionnelles. Ainsi l'article 70 de cette loi prévoit pour les constructions nouvelles, « qu'un décret détermine à partir de 2023 les exigences de limitation de consommation d'eau potable dans le respect des contraintes sanitaires afférentes à chaque catégorie de bâtiments, notamment s'agissant des dispositifs de récupération des eaux de pluie ».

De manière générale, la réglementation essaie de réguler les contraintes apportées par l’assainissement à l’aménagement urbain comme le préconise l’article 121-1 du Code de l’urbanisme. Les documents comme les SDAGEs ou les SAGEs sont opposables aux documents d’urbanisme comme les PLUs. Cette évolution permet non seulement de de faciliter la mise en œuvre de dispositifs protégeant la ville des afflux d’eaux pluviales, mais aussi de diminuer la pollution rejetée dans les milieux aquatiques, car ces dispositifs peuvent avoir cette double fonction.

La gestion de l’eau dans les villes comprend aussi la gestion des rivières urbaines. Dans le passé, ces dernières ont souvent été canalisées et même parfois couvertes, en grande partie pour cacher la pollution qu’elles transportaient ou pour renforcer le réseau viaire. Depuis une trentaine d’années, une politique de découvrement a été engagée par de nombreuses collectivités (Chocat et al., 2013). Il s'agit de "renaturer" ces rivières dont les berges et le fond ont parfois été complètement imperméabilisées pour favoriser l’écoulement rapide de l’eau et, lorsque l'espace est suffisant, de transformer les tronçons rectilignes en les reméandrant et en restaurant le lit mineur. Le plus souvent ces opérations sont complétées par l’aménagement des berges en espaces récréatifs. Dans ces opérations, il ne faut pas oublier de se poser la question de la vulnérabilité des environs en cas d’événements pluvieux extrêmes.

Enfin, si on considère plus spécifiquement les risques d’inondation, il faut prendre en compte aussi bien les constructions dans les lits des cours d’eau, permanents ou non, soumis à des crues soudaines, qui doivent évidemment, autant que possible, être éradiquées, que les propositions d’aménagement urbain en zones inondables qui se sont multipliées ces derniers temps. Or ces propositions soutenues par certains élus au nom du développement de leur territoire, sont encore rarement posées en termes d'équilibre entre les coûts et les bénéfices globaux.

Les aspects financiers ne sont pas absents de notre propos. La diminution des coûts d’infrastructure quand on passe de solutions « réseaux » à des solutions de stockage ou d’infiltration des eaux pluviales a un impact positif direct sur l’aménagement urbain. Cependant la mise en œuvre de ces solutions alternatives au réseau peut apparaître comme compliquée au niveau des opérations d’urbanisme. Les maitres d’œuvre ou les maitres d’ouvrage préfèrent parfois (souvent?) se rabattre sur des solutions classiques et nécessitant moins de temps de concertation. Au niveau de la Municipalité ou de l’intercommunalité, la nécessité pour la plupart des techniques alternatives de coordonner l'action de plusieurs services différents et d’impliquer plus fortement les usagers ou riverains peut également être encore vécu a priori comme un obstacle insurmontable.

Les approches multi-fonctionnelles

Les approches multifonctionnelles concernent dans un premier temps les objectifs d’aménagement des cours d’eau urbains. Ces objectifs sont multiples et peuvent être contradictoires. Lorsque l’usage en place est maintenu, par exemple des écluses pour maintenir le niveau d’eau et le transport fluvial sur les cours d’eau domaniaux, la priorité est donnée à la fonction économique, qui s’impose toujours sur les autres usages.

Les recherches de cohabitation entre les fonctions portent principalement sur un partage des usages des berges. Classiquement, la spécialisation des berges affecte un seul usage de la berge par segment, pour des questions de responsabilité, liée à la propriété du foncier et à la maîtrise de l’usage de l’eau, et de sécurité. Le partage des berges suppose alors un travail de collaboration entre les gestionnaires (public ou privés) des berges (figure 13).


Figure 13 : Aménager les berges des rivières nécessite de trouver un équilibre entre différents usages concurrents ; le plus compliqué est souvent de faire cohabiter des usages récréatifs avec des milieux aussi "naturels" que possible ; les berges du Rhône en face de la cité internationale de Lyon ; Crédit photo : Bernard Chocat.

Parfois les contraintes dépassent très largement le cadre local du lieu spécifique concerné. L'exemple de la baignade en rivière, qui nécessite une très bonne qualité de l'eau et impose de ce fait des contraintes fortes sur les rejets, est à ce titre instructif. Cet usage fait en effet partie de ceux pour lesquels il existe à la fois une demande croissante des citadins (portée par des associations et observées dans les enquêtes) et, dans la pratique, une grande réticence des élus à l’autoriser. Les Jeux Olympiques de Paris en 2024 qui ont pour objectif la baignade en Seine ainsi que dans la rade de Marseille pour les épreuves nautiques, sont une indication d'un début de changement d'attitude, tout comme la baignade en Marne visée en 2022 par le Syndicat Marne Vive.

Un autre exemple intéressant est la relance du transport fluvial, beaucoup porté dans les discours des politiques urbaines, mais qui peine à passer à se développer à un moment où les ports ont du mal à se maintenir en ville.

Les éco-quartiers sont un autre lieu privilégié pour appliquer des approches multifonctionnelles de la gestion de l’eau. Quatre orientations se dégagent dans la quasi-totalité des projets d’écoquartier :

  • réinscrire le projet urbain dans son milieu physique et notamment prendre compte le parcours de l’eau ; l’eau est promue comme composante des dimensions patrimoniales et culturelles des projets ;
  • utiliser l'eau pour animer les espaces publics, espaces que l’on souhaite conviviaux et attractifs ; dans la recherche de qualité des espaces publics, l’eau est mise en scène et supposée ainsi participer à l’attractivité de ces espaces, à leur convivialité et à leur confort.
  • renaturer les hydrosystèmes anthropisés ; cela passe par la protection des milieux naturels humides (avec leur inscription dans le PLU), le maintien des sources (et non plus leur évacuation dans des tuyaux) ainsi que leur valorisation dans le projet d’aménagement.
  • utiliser le ruissellement des eaux pluviales pour dessiner et végétaliser le projet urbain ; le réseau hydrographique superficiel reconstitué peut ainsi structurer de manière lisible l’aménagement : nouveau corridor écologique, il est mobilisé également pour accueillir et gérer dans de bonnes conditions les eaux produites par les fortes pluies.

La prise de conscience de l’impact du dérèglement climatique a apporté une nouvelle dimension à la manière d’envisager les problèmes de gestion de l’eau en ville. Les nouvelles techniques pour gérer les eaux pluviales en surface constituent une opportunité pour répondre à certains enjeux d’un développement voulu comme durable : biodiversité, adaptation au changement climatique et prise en compte du grand cycle de l’eau.

L'adaptation au changement climatique a commencé à être une approche audible lors de la COP21 à Paris en décembre 2015. L'importance de l'eau a été illustrée de deux manières : d'une part il y a eu une demi-journée consacrée au domaine de l'eau, pendant laquelle le principe d'une alliance des Mégapoles dans le domaine de l'eau a été acté et cette alliance a été citée par le président Hollande lors de la conclusion de la COP ; d'autre part la base NAZCA gérée par l'UNFCC (United Nations For Climate Change) montre en 2016 que la majorité des projets d'adaptation au changement climatique en ville utilise le cycle de l'eau.

L'un des exemples des actions possibles est la lutte contre les îlots de chaleur. Il existe en effet une corrélation entre le taux d’humidité des sols et l’atténuation des îlots de chaleur urbains. Grâce à l’évaporation, les sols humides ont des capacités de rafraîchissement semblables à celles de la végétation, et leurs températures de surface sont plus fraîches que celles des sols secs. Les sols, s’ils sont gorgés d’eau, jouent un rôle de réservoir pour que les espaces verts deviennent de véritables régulateurs thermiques nocturnes.

Articuler la gestion des eaux pluviales, le développement de la biodiversité en ville, l’adaptation au changement climatique impose que soit garantie dans les documents d’urbanisme une portion importante non imperméabilisée du sol urbain. Cela suppose de raisonner globalement l’eau à l’interface de l’air, de la végétation et du sol. La Communauté urbaine de Lyon (2010) rappelle ainsi que « les surfaces perméables participent à la réduction des îlots de chaleur, notamment par la présence d’eau et de végétation et par les échanges thermiques dus à l’évapotranspiration. Il est donc recommandé de mettre en service des fontaines, jets d’eau, bassins d’eau vive et de réduire les surfaces imperméables par l’installation de revêtements poreux ou de noues, par exemple ».

Le défi de la réintroduction de l’eau dans la ville est d’abord de faire avec le tissu urbain et les usages en place. La prise en compte de l’eau dans la ville se fait dans une ville dont l’essentiel du tissu et des équipements sont déjà construits et où les enjeux primordiaux sont de transformer l’existant pour l’amener soit aux nouveaux standards de l’hydrologie urbaine, soit à l'amélioration du cadre de vie.

Ensuite, les nouvelles « fonctions » données à l’eau et aux milieux supposent, pour être pérennes, des installations d'un haut niveau de technicité. La plupart des opérations d’aménagement fonctionnent avec des indicateurs de résultats, dans des démarches d’amélioration continue. On attend des performances autour des installations : donc l’eau et les milieux aquatiques sont monitorés, avec un degré de technicité très élevé (Le Nouveau, 2011) ; cela suppose au minimum surveillance et entretien. Cette haute technicité doit être comprise des habitants qui vont l’utiliser et elle doit être entretenue par les services qui en ont la responsabilité.

Une autre contrainte vient de ce que la gestion en ville des flux d’eau, qu’il s’agisse de l’eau de pluie ruisselée ou du cours d’eau, passe par un compartimentage dû au statut de l’eau et du milieu (juridiquement lié à la propriété du terrain qui la contient) et aux modes de gestion.


Bibliographie :

  • APUR (2010) : Paris Projet n°40 - Paris, métropole sur Seine ; septembre 2010 ; 164p.
  • Barles, S. (1993) : La pédosphère urbaine : Le sol de Paris XVIIIème-XXème siècles ; Thèse DO ENPC ; 569 p.
  • Bonnet, F. (2016) - sous la direction de - : Atout risques, des territoires exposés se réinventent, Editions Parenthèses, collection Territoires en projets, 174 p.
  • Carré, C. (2015) : Effets géographiques et processus politiques dans la gestion de l’eau en France ; HDR Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne 2 ; 217 p.
  • Chocat B. (coordonnateur) et groupe de travail de l’ASTEE (2013) : Ingénierie écologique appliquée aux milieux aquatiques : pourquoi ? comment ? Téléchargeable sur le site de l’ASTEE.
  • Clark, C. (1983) : Les inondations ; Collection la planète terre ; Ed. Time-Life books ; Amsterdam ; 176 p.
  • Communauté urbaine de Lyon (2010) : Référentiel conception et gestion des espaces publics - Lutte contre les îlots de chaleur urbains, Directions de l'eau, de la propreté et de la voirie.
  • Desbordes, M. (1989): Principales causes d'aggravation des dommages dus aux inondations par ruissellement superficiel en milieu urbanisé ; Bulletin hydrologie urbaine - SHF ; Paris ; n°4 ; pp. 2-10.
  • Dupuy, G. et Knaebel, G. (1982) : Assainir la ville hier et aujourd'hui ; Ed Dunod ; Paris.
  • Le Nouveau, N. (2011) : Prendre en compte les eaux pluviales dans les documents de planification et d’urbanisme ; CERTU ; 29 nov. 2011 ; 23p.
  • Loisier, A.C..; Petel, A.L. (2020) : Les enjeux de l’artificialisation des sols: diagnostic ; rapport du groupe de travail du comité pour l'économie verte ; 46p ; téléchargeable sur le site du Ministère de l'Ecologie
  • Maneglier, H. (1991) : Histoire de l'eau, du mythe à la pollution ; Ed. François Bourin.
  • Marsalek, J., Jimenez Cisneros, B., Karamouz, M., Malmquist, P.A., Goldenfum, J.A., Chocat, B.(2009) : Urban Water Cycle Processes and Interactions: Urban Water Series - UNESCO-IHP ; Urban water serie.

Pour en savoir plus :

  • Carré, C. et Deutsch, J.C. (2015) : L'eau dans la ville : une amie qui nous fait la guerre ; Ed. de l'Aube ; 226p.
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